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Seconde manche dans l’affaire Jérôme Kerviel : vers une affaire Société Générale?

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Le témoignage de Nathalie Le Roy au juge d’instruction Roger Le Loire, rendu public par le site Médiapart, pourrait bouleverser les suites de l’affaire Kerviel. Fait peu banal, elle raconte en détail lors de cette récente audition les dysfonctionnements rencontrés lors de ses enquêtes menées entre 2008 et 2012. « A l’occasion des différentes auditions et des différents documents que j’ai pu avoir entre les mains, j’ai eu le sentiment puis la certitude que la hiérarchie de Jérôme Kerviel ne pouvait ignorer les positions prises par ce dernier. » Cet éclairage remet en cause les accusations de la Société générale, qui a toujours affirmé que Jérôme Kerviel avait agi à l’insu de ses supérieurs.

Pour étayer son impression, elle a notamment fait part du témoignage d’un ancien salarié de la banque. Opérant au sein de l’entité « risques opérationnels », il a assuré à l’enquêtrice que  « l’activité de Jérôme Kerviel était connue. » Il ajoute avoir mis au fait, en avril 2007, Claire Dumas, adjointe au directeur des risques opérationnels, par le biais d’un message électronique « avec une tête de mort pour attirer leur attention. » Après avoir demandé l’extraction des messages électroniques du salarié et constaté que le fameux message ne s’y trouvait pas, Nathalie Le Roy aurait sollicité les échanges entre Mme Dumas et le salarié par messagerie électronique, par la voie d’une réquisition judiciaire qui serait restée lettre morte.

Dans une interview à L’Express, Jérôme Kerviel estime que « non seulement ce témoignage fait sauter la banque en démasquant sa version officielle, mais il provient de la personne la plus au fait de l’affaire. » Pour l’ancien trader, le témoignage de Mme Le Roy, « qui connaît le dossier comme personne », met « fin à l’affaire Kerviel » et signe « le début de l’affaire Société générale. » Celui qui se dit aujourd’hui « en paix avec lui-même », salue « l’acte de bravoure » de la commandante: « Je suis stupéfait par le courage de cette personne qui aujourd’hui trouve la force d’assumer et de dire: j’ai été trompée. » L’ex trader a par ailleurs saisi la commission de révision pour faire annuler sa condamnation.

« L’affaire liée aux agissements frauduleux de Jérome Kerviel remonte maintenant à plus de 7 ans et a fait l’objet de plusieurs décisions de justice qui ont toutes reconnu la culpabilité pénale exclusive de Jérome Kerviel », a régi la Société générale, avant de poursuivre en indiquant que l’intéressé « avait lui-même déclaré aux policiers qui l’interrogeaient en janvier 2008 qu’il avait agi seul et à l’insu de sa hiérarchie. Il avait aussi renouvelé ses aveux devant les deux juges d’instruction, Mme Françoise Desset, doyen des juges d’instruction, et M. Renaud Van Ruymbeke, en présence de ses avocats. » Le directeur général de la banque, Frédéric Oudéa a, lui, estimé mardi les révélations faites dimanche par Mediapart n’apportent « aucun fait nouveau », et déploré une « instrumentalisation » du dossier. Il s’est opposé à une éventuelle remise en cause de l’allègement fiscal de 1,7 milliard dont son groupe avait bénéficié en raison de cette affaire.

Jérôme Kerviel avait fait perdre près de 4,9 milliards d’euros à la banque – 6,3 milliards d’euros de perte, dont a été déduit le gain de 1,4 milliard qu’il avait réalisé en 2007 – en prenant des positions hasardeuses et contraires aux procédures d’usage procédures sur les marchés, sans en informer sa hiérarchie. Lorsque ses positions à risques ont été découvertes, en janvier 2008, Jérôme Kerviel exposait la banque pour quelques 50 milliards d’euros. La Société générale a toujours affirmé qu’elle avait bradé ces positions au plus vite pour ne pas risquer la faillite, d’où la perte conséquente. Jérôme Kerviel a été condamné en octobre 2012 à cinq ans de prison dont trois ans ferme pour abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système informatique. Libéré le 9 septembre dernier après 112 jours de détention, Jérôme Kerviel effectue aujourd’hui sous bracelet électronique le solde de sa peine.

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