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Visite de François Hollande à Cuba : Business as usual

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« J’arrive ici, à Cuba, avec beaucoup d’émotion. » Après la Guadeloupe et la Martinique, ce week-end, et avant Haïti, mardi, François Hollande a posé le pied à La Havane lundi 11 mai. Pour la première fois depuis plus d’un siècle, un président français se rend à Cuba. Cette visite de François Hollande est aussi la première d’un chef d’Etat européen depuis celle de Felipe Gonzales, le président du gouvernement espagnol en 1986. Ça n’est peut-être pas un hasard si François Hollande a le privilège d’être reçu en premier par Raul Castro au palais de la Révolution. La France, vue de Cuba, est un pays ami, à plus forte raison avec un président socialiste – mot dont le sens change radicalement lorsque qu’on traverse l’océan Atlantique. De plus, l’hexagone a toujours soutenu Cuba aux Nations unies, en votant, chaque année, en faveur de la levée de l’embargo dont elle fait l’objet.

L’embargo américain, accompagné dès 1961 de la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, visait à précipiter la chute du régime cubain mis en place lors de la révolution de 1959 – les États-Unis étant le débouché traditionnel de l’économie cubaine. Cuba a été la cible de nouvelles mesures restrictives américaines en 1992, après que deux avions privés américains aient été abattus par l’armée cubaine. Les Etats-Unis menaçaient en effet de sanction toute entreprise entretenant des relations économiques avec Cuba de sanctions et interdisait l’usage du dollar pour une telle transaction. La BNP Paribas a ainsi été condamné à 8,9 milliards de dollars d’amendes le 30 juin 2014 pour avoir violé des embargos similaires à Cuba, au Soudan et l’Iran. La France n’en reste pas moins le 10e partenaire économique de Cuba. En 2013, elle a échangé pour 278 millions de marchandises avec Cuba.

Washington, en annonçant mercredi 17 décembre, les libérations de prisonniers cubains détenus aux Etats-Unis – entraînant la libération d’un ressortissant américain emprisonné à Cuba – a fait le premier pas en annonçant le rétablissement de relations diplomatiques entre le deux pays. Cela à mis fin à une guerre froide de plus de cinquante ans. Mais le voyage officiel du président français ouvre la porte à un rapprochement entre l’île et l’Europe, ce qui lui assurerait de ne pas retomber sous l’égide de son voisin américain, comme ce fut le cas des années 30 jusqu’à la révolution castriste. « Les Cubains ne veulent pas redevenir un palais des réjouissances des Etats-Unis. Ils veulent être respectés, ils veulent un développement équilibré, faire – non pas un bond en avant ce serait connoté – mais un pas en avant », expliquait François Hollande avant de monter dan l’avion l’emmenant à la Havane.

Du fait de la normalisation de ses relations avec les Etats-Unis, Cuba n’est plus un tabou, et l’île s’est également engagée dans une actualisation progressive de son économie, héritée d’un modèle soviétique aujourd’hui à bout de souffle. Ainsi, Cuba s’ouvre aux investisseurs étrangers et aspire à l’ouverture économique. François Hollande n’est donc pas venu tout seul –  une trentaine de chefs d’entreprises l’accompagnent au sein d’une délégation comptant pas moins de sept ministres et secrétaires d’Etat. André Chassaigne, président du groupe d’amitié France-Cuba, a dressé la liste des besoins à venir des cubains, a laquelle in est intéressant de comparer la liste des invités : infrastructures de transports et de logistique (la SNCF, Air France et la CGA-CGM sont dans la délégation), bâtiment (Bouygues également), tourisme et le développement du numérique – internet n’existe pas encore à Cuba – (d’où la présence d’une délégation du groupe Orange aux côtés du président).

Quelques jours avant cette visite, le président Hollande était également le premier occidental à être invité lors du Conseil de coopération du Golfe (CCG), en Arabie saoudite. La France y a signé des contrats pour  l’exportation de plusieurs dizaines de milliards de dollars de produits made in France – bien qu’il s’agisse de l’un des pays où l’on exécute le plus au monde. De même, Cuba  est l’une des dernières dictatures communistes de la planète. 9 000 opposants y ont été interpellés en 2014 et l’activité des journalistes et artistes de l’opposition se solde dans la plupart des cas par un séjour à rallonge en prison. François Hollande a annoncé ne vouloir occulter la question des droits de l’homme. Il a promis d’en parler à Raul Castro. « Il y a eu une dérive, qui s’est atténuée grâce à l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération », confiait-il. Par le passé, il avait eu des propos très durs, allant jusqu’à parler d' »inhumanités injustifiables du régime castriste » Il est fort à parier que le ton se soit adouci, ce qui confirme le parti pris par M Hollande : puisque la France a besoin de relancer ses exportations, business is business.

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