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La guerre des subventions dans le transport aérien de personnes

Les chiffres du trafic aérien révélés à l’occasion de l’ouverture de la 71e assemblée générale des compagnies aériennes, lundi 8 juin, à Miami, en Floride, incitent à l’optimisme. On n’a jamais autant pris l’avion qu’aujourd’hui. Cette année, les compagnies devraient transporter plus de 3,5 milliards de passagers, contre 3,3 milliards il y a un an. Mieux encore, voyager en avion n’a jamais été aussi sûr. Malgré les récents accidents largement couverts par la presse, Tony Tyler, le chef de l’association internationale du transport aérien (IATA) affirmait lundi qu' »Avec un ratio d’un avion perdu tous les 4,4 millions de vols l’an dernier, voler n’a jamais été aussi sûr. » L’ émergence de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques proposées aux compagnies aériennes « nous rapprochent du fait que bientôt on ne verra plus un avion simplement disparaître », pétaradait-il.

 

Une reprise à deux vitesses

Cet afflux, s’il fait décoller les avions, ne se traduit toutefois pas au niveau du chiffre d’affaires global des sociétés, puisque c’est une très légère baisse de leurs revenus qui est attendue cette année. En revanche, profitant notamment de la baisse du prix du pétrole, ces mêmes compagnies affichent des profits record. Ce type de résultat est assez rare pour être souligné. Comme chaque année, le boom général du transport aérien masque des disparités régionales. Toutes les compagnies n’avancent pas au même rythme. Le plus fort rebond est à mettre au crédit des compagnies américaines. Mais les grands gagnants de cette nouvelle donne sont les compagnies du Golfe. Leur montée en puissance semble inarrétable. Emirates, Etihad et Qatar Airways ne cessent de gagner des parts de marché aux compagnies traditionnelles sur tous les continents. Elles perturbent le jeu des alliances quand elles parviennent à casser des partenariats historiques comme Emirates l’a fait en s’alliant avec Qantas, obligeant celle-ci mettre fin à son alliance avec British Airways.

Sur le long terme, le secteur du transport aérien de personnes est largement déficitaire. non seulement les coûts de personnels sont élevés et les prix de carburants sont imprévisibles, mais depuis l’après-guerre, une concurrence a couteaux tirés a animé ce marché. Elle était d’autant plus féroce qu’elle était attisée par des Etats qui ont longtemps considéré leurs compagnies aériennes comme l’extension naturelle de leur politique étrangère. Au tournant des années 2000 une sévère restructuration du secteur avait sorti les compagnies aériennes de cette impasse. A son terme, en Europe, il ne restait plus que trois acteurs de taille mondiale : British Airways, Lufthansa et Air France-KLM – autant aux Etats-Unis.

 

Un retour des subventions d’Etat

Malgré cette cure de jouvence forcée, à en croire Européens et Américains, nous voilà revenus aux temps anciens de la collusion entre les Etats et leurs compagnies. De plus en plus de compagnies tirent la sonnette d’alarme pour dénoncer une concurrence qu’elles jugent déloyale de la part compagnies du Golfe, soutenues directement ou indirectement par leur Etat-actionnaire. En effet,  les trois nouveaux concurrents venus du Golfe que sont Emirates, Etihad et Qatar Airways, ont été accusés d’avoir reçu un peu plus de 40 milliards de dollars d’aides de la part de leurs Etats respectifs. La riposte ne s’est pas faite attendre : une étude commanditée par ces groupes pointe que plus de 70 milliards de dollars ont été versés à des compagnies américaines, pour l’essentiel des facilités accordées par le Chapter 11 – le système américain favorise la continuité de l’entreprise et le renflouement par le gouvernement des systèmes de pension qui auraient normalement dû être liquidés, afin de sauvegarder l’emploi et ne pas déstabiliser le système économique en laissant une grande marge de manoeuvre au débiteur pour se restructurer.

En Europe, la France et l’Allemagne cherchent convaincre les autres pays européens de donner mandat à la Commission pour négocier avec les pays du Golfe des « règles de concurrence équitables », en contrepartie d’un accès total au marché européen. Mais dans les faits, cet accès est déjà presque un acquis, puisque la quasi-totalité des pays européens ont singé un accord individuel de ciel ouvert. Le sujet des soutiens publics dans le transport aérien est complexe. D’une part car les soutiens sont encore monnaie courante à l’échelle de la planète et d’autre part car la notion d’aides d’Etat reste floue. Celle-ci se heurte au principe de souveraineté des États. De plus, il n’y a pas d’arbitre sur les aides d’Etat au niveau mondial.

Le transport aérien ne peut relève pas de l’autorité de l’OMC (l’organisation mondiale du commerce) pour trancher les différents. C’est l’organisation internationale de l’aviation civile (OACI) qui est compétente pour ces questions, et elle ne brille pas par son dynamisme sur ce sujet. Elle travaille néanmoins sur la définition de règles concurrentielles équitables pour tenter de la présenter, en 2016, lors de la prochaine assemblée générale. En attendant un encadrement, prises entre le marteau et l’enclume, les compagnies européennes font presque du surplace.

 

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