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La loi Thévenoud prend du plomb dans l’aile

Sur le blog Info Chalon, le député de Saône-et-Loire Thomas Thévenoud se félicite. L’ancien secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, du Développement du tourisme et des Français à l’étranger, estime que le Conseil Constitutionnel (CC) a tranché en faveur de la loi qui porte son nom, contestée par la compagnie de VTC Uber. C’est en partie vrai, mais en partie seulement. Dans les faits, le CC a rendu un avis nuancé, qui invalide surtout l’interdiction faite aux VTC, donc à Uber, de fonder leurs tarifs sur la base du temps et de la distance du trajet. 
 
« Le Conseil constitutionnel vient de se prononcer positivement sur la loi relative aux taxis et aux VTC que j’ai eu l’honneur de présenter au Parlement l’an dernier. (…) Cette décision va donc encourager les créations d’emplois dans le secteur des VTC en Ile-de-France. » Ainsi commence le communiqué que Thomas Thévenoud a publié au lendemain de la décision du Conseil Constitutionnel. Une déclaration imprécise, à la conclusion contestable. 
 
Imprécise, car le Conseil Constitutionnel n’a pas exactement considéré que le la loi Thévenoud devait rester gravée dans le marbre. Sur les trois questions prioritaires de constitutionnalités (QPC) qu’ils avaient à examiner, correspondant à autant de dispositions de la loi, les neuf sages ont estimé que l’une de ces dispositions était anticonstitutionnelle, et que les deux autres ne respectaient qu’en partie le texte fondateur, qui consacre la liberté d’entreprendre. 
 
Le CC a ainsi retoqué l’interdiction, pour les VTC, de fonder leurs tarifs sur la base de la distance parcourue et du temps passé pendant les trajets. La loi Thévenoud prévoyait en effet que ce système, se rapprochant du système horokilométrique des taxis, devait rester l’apanage de ces derniers. Les VTC, quant à eux, devant pratiquer des tarifs forfaitaires fixés avant la course. Une victoire pour Uber et les autres services de VTC, qui seront désormais sur un pied d’égalité avec les taxis sur ce sujet. 
 
Autre volet, concernant cette fois l’obligation faite aux VTC de retour au garage, c’est à dire à leur point d’origine, entre deux courses. Si le CC n’a pas jugé cette disposition anticonstitutionnelle, c’est vrai, il a en revanche introduit une réserve d’importance : ce principe doit être appliqué de la même façon aux taxis et aux VTC. Autrement dit, là encore, ce qui pouvait dans la première mouture de la loi être considéré comme une entrave à l’essor des VTC au profit des taxis n’avantage ni ne désavantage plus personne, les deux camps devant à l’avenir se soumettre à la même règle. 
 
Dernier point, et pas des moindres, l’interdiction de la géolocalisation des véhicules avant réservation, permettant aux clients de visualiser sur leurs smartphones la disponibilité des véhicules à proximité. Si le principe de base a été déclaré constitutionnel, reste que les VTC pourront informer de la localisation de leur véhicule, s’ils n’informent pas en même temps de sa disponibilité ou non. 
 
On le voit, le Conseil des neuf sages s’est évertué à lisser la loi Thévenoud, pour en gommer les dispositions trop manifestement inéquitables, alors que tout laissait à penser qu’elle avait essentiellement été conçue pour protéger le monopole des taxis. Thomas Thévenoud, en affirmant que sa loi « encourage les créations d’emplois dans le secteur des VTC », est un brin optimiste (d’aucuns diront de mauvaise foi), puisque la première mouture du texte faisait précisément l’inverse, c’est à dire préserver les avantages des taxis, et donc empêcher la destruction créatrice au profit des VTC. 
 
Des VTC qui ne sont toujours pas pleinement satisfaits. S’ils estiment que le CC est allé dans le bon sens, les privilèges qu’entérine la loi Thévenoud ne sont pas encore complètement abolis. Ils attendent ainsi une décision imminente en Cour d’appel et les conclusions rendues par la Commission européenne, qui vient d’envoyer une lettre préalable à la France, susceptible de donner lieu à une procédure d’infraction au droit européen. A force de modifications dans le sens d’une plus grande équité entre taxis et VTC, il se pourrait bien, finalement, que la loi Thévenoud finisse par consacrer la liberté d’entreprendre. 
 
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