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L’Europe de l’est : sainte barbe de la nouvelle guerre froide

Le mot a été donné par le New York Times : Le Pentagone prévoit d’entreposer des armes lourdes, notamment des chars de combat, de l’artillerie lourde, du matériel militaire et jusqu’à 5.000 hommes, dans plusieurs pays baltes et d’Europe de l’Est. Pour les Etats-Unis il s’agit d’une réponse aux craintes des pays d’Europe de l’Est de voir un scénario à l’ukrainienne se reproduire sur leur territoire. « L’annexion de la Crimée par la Russie et la guerre dans l’est de l’Ukraine ont incité à une nouvelle planification militaire dans les pays de l’Otan. » Selon le quotidien, la proposition implique la présence d’équipements pour 150 soldats dans chacun des trois Etats baltes : la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie – qui abritent des minorités russophones, craignent de devenir la cible de la Russie suivant un scénario similaire à celui qui s’est déroulé l’an dernier dans l’est de l’Ukraine – alors que la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie et éventuellement la Hongrie accueilleraient chacune 750 soldats et du matériel militaire.

 

‘Un pour tous, tous pour un’

La crise ukrainienne a remis à l’ordre du jour la peur de la Russie. En  annexant sans autre forme de procès la Crimée, dans une manœuvre si vivement exécutée qu’il est difficile de croire qu’elle n’ait été préparée à l’avance, Moscou a montrer les crocs aux autres anciennes républiques soviétiques. Aujourd’hui accusé d’armer les séparatistes et d’avoir déployé des troupes régulières pour les aider à l’est de l’Ukraine, le Kremlin redevint l’ennemi n°1 dans la régions, alors que les Etats-Unis semblent se tourner vers le Pacifique où la Chine tente d’imposer son influence afin de sécuriser les matière premières dont le pays a besoin pour assurer sa croissance.

Seulement, la donne à quelque peu changé : du fait du Traité Atlantique, si un membre est attaqué, c’est tous les signataires qui doivent partir au front. Pour le général Boguslaw Pacek, professeur et conseiller du ministre polonais de la Défense, il y va de la crédibilité de l’Alliance atlantique. « J’apprécie beaucoup ces décisions car il s’agit là d’une réponse à la question de savoir si l’Alliance est réellement prête à appliquer l’Article 5 du Traité (…). Car, afin de pouvoir vraiment réagir à d’éventuelles menaces, il faut y être prêt avant l’éclatement du conflit, et ne pas s’y mettre quand l’adversaire envahit déjà le pays. » Et en matière de traité ignoré, la Pologne a un certain passif.

 

De l’huile sur le feu

La proposition du Pentagone doit encore être entérinée par l’exécutif américain. Si c’était le cas, les Etats-Unis entreposeraient pour la première fois des armes lourdes dans ces pays qui ont récemment adhéré à l’OTAN et qui, avant la chute du mur de Berlin, appartenaient à la sphère d’influence de l’Union soviétique. Bien que le nombre de soldats évoqué et la quantité d’armes n’aient rien en commun avec ce qu’on a pu connaître durant la guerre froide – à l’époque, on parlait de dizaines de milliers d’hommes – cette mesure est éminemment symbolique. Il s’agit de dire à ces pays, qui se sentent menacés car ils ont un passé douloureux et compliqué avec les Russes, « nous sommes à vos côtés, et le serons en cas de crise. » Mais la réponse ne s’est pas faite attendre : Moscou a vivement réagi, lundi 15 juin, en affirmant qu’il s’agirait de « la mesure la plus agressive du Pentagone et de l’Otan » depuis la guerre froide. « La Russie n’aura pas d’autre choix que d’accroître ses effectifs et ses forces sur son flanc ouest. » Le journal russe Kommersant expliquait, lui, que “la mise en œuvre de ce plan va obliger Moscou à poster à la frontière des Etats baltes son propre potentiel offensif, afin de pouvoir réagir en cas de conflit”.

Si une telle analyse nous parait un peu exagérée – surtout compte tenu des minces effectifs mobilisés – elle n’a pas le même poids côté russe. En effet, si les manifestations de force et les déploiements militaires tous muscles dehors nous font sourire, ils sont pris très au sérieux du côté de Moscou. Cette mesure qui se veut sécurisante risque en réalité de rajouter de l’huile sur le feu. Le contexte tendu préexistant ne va que s’envenimer un peu plus. La véritable crainte n’est pas de voir les russes marcher sur Riga. Nous Il s’agit d’avantage d’une configuration de guerre froide. Une invasions sur le terrain mènerait inévitablement une escalade nucléaire, et Poutine en a conscience. En revanche, ce type de tension nous éloigne encore un peu d’un apaisement permettant une résolution de la crise ukrainienne.

 

Le mal par le mal

Après les dernière provocations russes, une partie des conseillers de la maison blanche ont décidé de suivre une ligne martiale, qui peut se résumer à la suivante : si Poutine agit de façon irresponsable, pourquoi pas nous? Le Kremlin a en effet multiplié depuis le début de la crise ukrainienne, et a mesure qu’il se trouvait de plus en plus isolé, des déploiement un peu fanfarons. Mais en choisissant d’y répondre pas le même type de provocation vaine, les Etats-Unis se rendent coupables de mettre en échec la politique de démilitarisation entamée à la chute du mur de Berlin. L’occupation de leur ancien bloc montre bien l’échec soviétique, et la Russie n’a pas besoin d’être plus humiliée. En combattant directement l’homme fort russe avec ses propres armes, le Pentagone croit sans doute l’affaiblir. Comme dans beaucoup de grands pays récemment déchus, l’opinion se crispe autour d’un nationalisme viriliste qui sert largement l’assise de l’autoritarisme de Poutine et ses promesses délirantes de Novorossia.

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