Marisol Touraine, actuelle ministre de la Santé, défend en ce moment même un projet de loi, qui s’il est voté par le Sénat, devrait prendre effet début 2016. Sur le modèle australien, elle souhaite l’adoption de paquets de cigarettes neutres afin de réduire la consommation de cigarettes. Ces mesures de prévention ne sont pas sans conséquences pour les cultivateurs de tabac à travers le monde. Ce mardi 9 juin, ces derniers ont ainsi entamé une marche de protestation dans les rues de Jakarta. En guise de représailles, ils menacent, avec l’appui du gouvernement indonésien, d’adopter la bouteille de vin neutre.
Même couleur, même taille, même typographie, disparition pure et simple du logo de la marque, mentions d’avertissement de type « Fumer tue » et images de prévention trash. Voici à quoi devraient ressembler les paquets de cigarettes, dits « neutres », à partir de mai 2016 en France. Une mesure qui interroge : pourquoi relooker les paquets de cigarettes, mais pas les substances induisant le même type de dépendance physique et psychique, comme l’alcool par exemple ? Un article écrit à six mains par les scientifiques Robert Lustig, Laura Schmidt et Claire Brindis dans la revue Nature (2 février 2012) nous apprenait que les produits riches en sucre entraînent des niveaux comparables d’addiction, sans oublier de graves problèmes de santé (diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers, pour ne citer qu’eux). Pourquoi, dans ce cas, ne pas également préconiser de paquets neutres ou de mises en garde du type « Sucrer tue » pour ces produits de consommation courante ?
Des arguments que les producteurs de tabac indonésiens ont décidé de faire valoir, notamment dans le cadre d’importantes manifestations pacifiques organisées devant l’ambassade française de Jakarta. L’Association des cultivateurs de tabac indonésiens (/Asosiasi Petani Tembakau Indonesia//APTI/) a qualifié la décision française d’ »excessive » et de « regrettable. » Elle va, selon elle, largement affecter la demande de cigarettes, denrée qui joue un rôle majeur dans l’économie indonésienne et contribue à l’équilibre de sa balance commerciale.
Le paquet neutre, une catastrophe pour l’économie indonésienne
L’Indonésie est en effet le premier exportateur de cigarettes au clou de girofle mondial, et le deuxième de cigarettes industrielles. Les mesures entourant le paquet neutre menacent de ce fait l’activité de millions de paysans, vivant de ce secteur unique, contribuant largement au développement du pays. Aussi l’APTI appelle à « l’arrêt des discriminations à l’encontre de leurs exportations de tabac. » A titre comparatif, l’association expliquait que les Français seraient sans doute outrés si leur pays imposait la bouteille neutre aux produits alcoolisés français – particulièrement le vin. La solution a d’ailleurs été invoquée, auprès de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC, par l’ambassadeur indonésien Bapak Iman Pambagyo, qui explique que de telles mesures seraient en un sens « légitimes, car l’alcool constitue également un danger pour la santé. »
Aussi, l’APTI en a appelé à la solidarité des viticulteurs français. Les productions traditionnelles de ces produits (tabac et alcool) font systématiquement l’objet de lois restrictives et de campagnes de dénonciation nuisant à leur vitalité. Plutôt que de se diviser et pointer l’autre du doigt, l’idée de l’appel lancé par les Indonésiens est de faire front commun contre une discrimination arbitraire.
Pour rappel, la tendance du paquet neutre a été lancée par l’Australie, qui l’a adopté en 2012 en tant que mesure expérimentale, avec des résultats mitigés. En outre, l’Australie fait depuis novembre 2014 l’objet d’une enquête de l’OMC, à l’initiative de Bapak Iman Pambagyo, pour violation des droits relatifs à l’utilisation commerciale et à l’image de marque de propriétés intellectuelles. La discrimination dont certains produits font l’objet dans certains pays est en effet contraire aux principes de l’organisation. Le refus d’identification d’un produit porte atteinte à l’exploitation de celui-ci, et affecte la vie des professionnels vivant de sa production.
Crédit photo : Philippe Guyot : http://urlz.fr/24jC