Site icon La Revue Internationale

Angela Merkel fragilisée par le sauvetage de le Grèce

La chancelière allemande ne veut rien entendre, ni les recommandations du Fonds monétaire international et de la France, ni les implorations de la Grèce. Angela Merkel a réaffirmé dimanche son opposition à une réduction classique de la dette grecque, un « haircut », jugeant que cette pratique ne pouvait avoir lieu dans l’union monétaire. Si cette ligne dure fait l’objet des critiques de nombreux économistes et gouvernements – surtout au sud de l’Europe – elle est jugée trop permissive par un nombre croissants des membres de la coalition majoritaire en Allemagne. La chancelière allemande Angela Merkel a en effet estimé vendredi que l’alternative à un nouveau programme d’aide à la Grèce aurait été « le chaos » et qu’il serait « complètement irresponsable » de ne pas au moins essayer de mettre sur pied cette aide. Ces arguments n’ont pas totalement convaincu, alors que le nombre de frondeurs, s’opposant aux plans d’aide successifs versés à la Grèce atteint désormais soixante.

Lors du dernier vote concernant la Grèce, fin février, 29 députés de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et de son alliée bavaroise (CSU) avaient protesté contre l’extension du précédent programme d’aide. Jeudi soir, lors d’un vote blanc réalisé à l’issue d’un long débat, 48 députés de son groupe parlementaire s’étaient opposés à l’ouverture des négociations sur la base de l’accord obtenu lundi matin à l’arraché par les chefs d’Etat et de gouvernement européens. Ils étaient douze de plus au Bundestag. Le doublement du nombre de frondeurs représente un revers pour la chancelière. « Je sais que beaucoup d’entre vous ont des doutes et des inquiétudes », a-t-elle dit devant les députés du Bundestag appelés à se prononcer sur le principe de cette aide, « personne ne peut les balayer de la main. » L’accord difficilement trouvé lundi pour apporter à la Grèce un nouveau soutien financier en échange de réformes est « dur » aussi bien pour la population grecque que pour les autres pays, a aussi déclaré vendredi la chancelière allemande.

Outre la CDU-CSU, dont cinq députés se sont abstenus, la hausse du nombre d’opposants est étroitement liée au vote du parti de gauche radical Die Linke, dont l’essentiel des 64 députés ont décidé de votre contre le principe même de ce programme. « Les conditions de ce nouveau paquet d’aide sont insupportables », a justifié leur leader Gregor Gysi. Forcée de suivre l’étroite ligne du compromis, la chancelière fait la funambule entre les demandes des uns et des autres, position peu enviable. Même si Mme Merkel fait face à de plus en plus de grogne dans son camp conservateur, où beaucoup se montrent réticents à soutenir de nouveau la Grèce, le feu vert du Bundestag semble assuré. Pourtant, son soutien semble s’effriter, et les plus favorables au Grexit en sortent renforcés : Wolfgang Schäuble, Ministre des finances, a été massivement applaudi lorsque la chancelière l’a remercié pour son rôle dans les négociations. Ce dernier défendait jeudi encore l’idée d’une sortie de la Grèce de la zone euro, contre la voie choisie par Angela Merkel, n’a jamais été aussi populaire.

Schäuble a insisté sur la confiance perdue entre Athènes et ses créanciers, notamment depuis l’élection fin janvier du Premier ministre Alexis Tsipras. Interrogée sur les propos de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, qui a évoqué samedi dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel une possible démission si on le forçait à aller contre ses convictions sur le dossier grec, Angela Merkel a simplement indiqué que « personne n’est venue [la] voir pour demander à être démis de ses fonctions ». La chancelière va donc continuer à conduire avec lui les négociations au nom de l’Allemagne sur le dossier grec.

Et la pression n’est pas que nationale : cette semaine, quelques jours à peine après l’accord obtenu aux forceps à Bruxelles plusieurs voix se sont élevées pour réclamer une réduction de la dette hellène. Vendredi, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a estimé qu’un allègement de cette dette était indispensable à la viabilité d’une nouvelle aide européenne. Et la veille, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi avait jugé «indiscutable» la nécessité de réduire son poids, qui pèse quelque 180% du PIB grec. Et par la voix de François Hollande, la France, second moteur de l’UE, a fait savoir à demi mot qu’il n’excluait pas une telle réduction. Or, contrairement à son ministre des Finances, Angela Merkel, qui a négocié main dans la main avec François Hollande, a loué la coopération franco-allemande. « Le but n’est pas d’être d’accord sur tous les points, au contraire », a-t-elle précisé. « L’Allemagne et la France ont souvent eu, et pas seulement ces derniers jours, des opinions très différentes. Mais la question est de savoir si ces opinions, qui résultant de perspectives différentes, peuvent trouver une synthèse. » L’avenir nous le dira.

Quitter la version mobile