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Blocage des négociations autour de la crise grecque

Tsipras, pris au piège entre le marteau des liquidités et l’enclume de l’opinion publique grecque

Le pari des créanciers de la Grèce était que premier ministre Alexis Tspiras, et sa sulfureuse équipe de négociation, se mettraient au pas devant le besoin urgent de liquidités de son pays. En effet, que faire lorsque les caisses de l’état se vident? Tsipras a annoncé avoir redemandé « auprès du président du Conseil européen et des 18 dirigeants des Etats membres, ainsi qu’au président de la BCE, de la Commission et du Parlement européen » une extension du programme d’aide au pays, en vain – or, sans cette perfusion, Athènes n’est pas en mesure de payer l’ardoise de 1,5 Md€ qu’elle doit régler au FMI mardi.  La réponse ne s’est pas fait attendre : l’état d’urgence financière est déclaré en Grèce. Intitulé « Vacance bancaire de courte durée », l’arrêté publié au Journal officiel grec relatif à ces mesures impose du 28 juin au 6 juillet des restrictions exceptionnelles pour les établissements financiers du pays. Le Commissaire européen au Affaires économiques Pierre Moscovici a aussi répété sur Twitter le mantra de la Commission: « la porte est toujours ouverte» pour négocier. »

Si l’Eurogroupe a mis fin de manière fracassante aux négociations, c’est parce que vendredi, Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, a annoncé contre toute attente la tenue d’un référendum. Le 5 juillet, les Grecs devront se prononcer sur le plan d’aide proposé par les créanciers (une aide de 15,5 milliards d’euros pour une durée de cinq mois), qui prévoit plusieurs mesures d’économie et coupes budgétaires rejetées par le gouvernement grec. Fragilisé par les mesures exigées par ses créanciers pour le versement des sommes proposées à la Grèce, Tspiras semble vouloir forcer les grecs à prendre parti sur les questions les plus épineuses afin de ne pas avoir à seul en supporter les conséquences. En effet, forcé de revenir sur certaines promesses de campagnes, le Premier ministre tente de maintenir son parti au pouvoir. Il a personnellement appelé à voter « non » à cette consultation. Cette annonce a stupéfié, consacrant en un sens l’échec de cinq mois de négociations avec les créanciers du pays – Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international.

 

Panique prévisible des marchés financiers

Sur les marchés financiers souvent prompts à des réactions très volatiles, la crise a commencé à faire ressentir ses effets. Lundi matin, les marchés asiatiques se repliaient là l’instar de l’euro, plombés par les craintes de voir Athènes sortir de la zone euro. La Bourse de Paris a ouvert sur une chute de 4,70%, avant d’être rejoint par Francfort 4,23%, Londres 2,15%, Madrid 4,38% et Milan 4,33%… Dans la foulée, les dettes des pays du sud de la zone euro souffraient. Le taux de l’Espagne progressait à 2,317% (contre 2,110%) tout comme celui de l’Italie à 2,350% (contre 2,150%). En Asie, Tokyo a clôturé sur une perte de 2,88%, Sydney a cédé 2,23%, Séoul 1,42% et Taipei 2,39%. Hong Kong a plongé de 3,63% en séance avant de se ressaisir quelque peu pour afficher un repli de 2,55% dans l’après-midi.

L’éventualité d’un « Grexit » à laquelle personne ne croyait plus vraiment, revient au devant de la scène. Nous sommes donc en terrain inconnu pour les marchés, ce qu’ils détestent. Afin de calmer le jeu, les créanciers ont envoyé dimanche des signaux positifs. D’abord, a l’issue d’une réunion d’urgence de son Conseil des gouverneurs, la BCE a indiqué dans un communiqué qu’elle maintenait le plafond de l’aide d’urgence aux banques grecques, alors qu’on craignait qu’elle leur coupe les vivres. Ce système baptisé « ELA », qui passe par la Banque nationale de Grèce, constitue depuis plusieurs mois l’unique moyen de financement externe des banques du pays.

 

Le retour du spectre de la contagion

La panique observée sur les marchées vient du vieux spectre de la contagion. En cas de faillite de l’Etat, les banques hellènes, première courroie de transmission qui détiennent 30 milliards d’euros de créances grecques, seraient très déstabilisées. Déjà fragilisés par la fuite des capitaux depuis plusieurs semaines, les établissements pourraient ne pas se remettre, entraînant des faillites en domino. Si de fait, la plupart des banques européennes se sont débarrassées des titres de dette grecque qu’elles détenaient, notamment après la restructuration de la créance du pays en 2012, certaines de ces banques hellènes détiennent des filiales dans des pays étrangers, comme en Roumanie, à Chypre ou en Bulgarie, ce qui accélèrerait la contagion. Ce que l’on appelle les risques systémiques (la contagion entre banques) est pour autant improbable, grâce à la mise en place en avril 2014 d’une série de verrous pour éviter la propagation d’un problème d’une banque à l’autre.

La faillite de la Grèce, événement inédit en zone euro, ne manquerait pas, aussi, d’affoler les acheteurs de titres de dettes souveraines. La chasse aux sorcières, chacun y allant de sa petite prédiction sur le prochain maillon faible de l’union monétaire pourrait reprendre. Pour l’instant, les obligations souveraines des autres pays de la zone euro dits « périphériques » n’ont guère été réellement affectés par la crise grecque depuis le début de l’année. Grâce aux efforts budgétaires accomplis, les pays les plus fragiles se présentent sous un bien meilleur jour qu’au début de la crise.

 

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