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Présidentielle sous haute tension au Burundi

La candidature du président Pierre Nkurunziza, qui brigue un troisième mandat à la présidentielle prévue pour mardi, a plongé le Burundi dans une grave crise émaillée de violences. Manifestations interdites et réprimées, parfois à balles réelles, médias privés réduits au silence, journalistes et opposants cachés ou en exil, atmosphère de peur et d’intimidation généralisée, créé notamment par les Imbonerakure, les jeunes du parti CNDD-FDD au pouvoir, qualifiés de « milice » par l’ONU : le climat actuel rend impossible un scrutin crédible, estime la communauté internationale. Et pourtant, malgré cette ambiance délétère, un isolement croissant et des menaces de nombreux bailleurs – dont l’Union européenne, principal partenaire du pays – de geler leur coopération, les autorités burundaises refusent de reporter à nouveau le scrutin, déjà repoussé à deux reprises, arguant d’un risque de vide institutionnel à l’expiration du mandat de M. Nkurunziza le 26 août. « Nous préférons une crise budgétaire à une crise institutionnelle et sécuritaire », a expliqué samedi à la presse à Bruxelles Willy Nyamitwe, principal conseiller en communication du président burundais.

À deux jours d’une présidentielle controversée au Burundi, la médiation ougandaise a ajourné la séance, dimanche 19 juillet, en l’absence des délégués du camp présidentiel. Le dialogue entamé entre le pouvoir et ses adversaires pour sortir le pays de la crise qu’il traverse depuis fin avril semble donc avoir échoué. Aucun représentant du gouvernement, du parti au pouvoir CNDD-FDD ou de ses alliés ne s’est présenté dimanche à l’hôtel de Bujumbura où se tiennent les discussions, ajournées la veille après des débats houleux, au cours desquels le pouvoir avait accusé ses adversaires d’être « tous des putschistes ». Constatant l’absence du camp présidentiel, le médiateur ougandais a donc décrété un report sine die. Le ministre burundais des Affaires étrangères assure que c’est un malentendu et que la délégation gouvernementale avait expliqué la veille qu’il lui serait difficile de se libérer à cause de l’élection des administrateurs communaux et de la messe – une défense qui peine à convaincre.

« Le dialogue n’est pas terminé », a néanmoins assuré Crispus Kiyonga, ministre de la défense de l’Ouganda et médiateur, laissant « le bénéfice du doute au gouvernement. » Mais l’opposition et la société civile considèrent que le camp présidentiel cherche à gagner du temps pour éviter d’aborder avant le scrutin le second sujet à l’ordre du jour : le calendrier électoral, qu’elles contestent en demandant un report de l’élection. « Le gouvernement a été vraiment irresponsable, en refusant de sauver le Burundi alors que ce pays s’enfonce dans l’abîme », a réagi Jean Minani, chef de la délégation de l’opposition aux discussions, après l’ajournement du dialogue. Léonce Ngendakumana, président de l’ADC, principale coalition de l’opposition burundaise, a estimé que « le gouvernement a pris l’option de s’isoler et de poursuivre les pseudo-élections, pour qu’on reprenne les discussions après les élections, ce qui n’aura pas de sens. »

L’histoire du Burundi, depuis les premières années de son indépendance en 1962, est marquée par des violences ethniques compliquées par une lutte acharnée pour le pouvoir au sein des Tutsi, qui dirigent alors le pays. Les Hutu, de loin les plus nombreux, représentent environ 85% de la population (10,5 millions d’habitants en 2013), les Tutsi en constituant environ 15%. En 2006, le gouvernement et les Forces nationales de libération (FNL) signent un cessez-le-feu mettant fin à la guerre civile (1993 à 2006) qui a fait près de 300.000 morts, essentiellement des civils, et ruiné l’économie du pays. Après les dernières élections en 2010, où M. Nkurunziza est réélu lors d’une présidentielle où il était seul en lice, le pays a connu une recrudescence de la violence armée, notamment plusieurs incursions de groupes rebelles basés en République démocratique du Congo (RDC) voisine.

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