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Bataille politique au sein du Congrès américain quand à la signature des accords sur le nucléaire iranien

La bataille pour l’approbation de l’accord avec l’Iran, signé à Vienne le 14 juillet, bat déjà son plein au pays de l’oncle Sam. Le camp républicain a déposé en début de mois une résolution de désapprobation visant l’accord conclu entre les grandes puissances et l’Iran sur le programme nucléaire mené par Téhéran. Selon les termes du Iran Nuclear Review Act, promulgué par Barack Obama en mai dernier, le Congrès américain a jusqu’au 17 septembre pour approuver ou désapprouver l’accord conclu entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu (États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne) plus l’Allemagne avec la République islamique. Ed Royce, qui n’est autre que le président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, a précisé que l’assemblée allait essayer d’adopter cette résolution de désapprobation qui pourrait empêcher Barack Obama d’ordonner la suspension des sanctions américaines contre Téhéran, comme le prévoit l’accord en contrepartie des concessions iraniennes sur le nucléaire.

L’inquiétude grandit à la Maison-Blanche depuis que l’influent sénateur démocrate de New York Chuck Schumer a annoncéson opposition à l’accord. En ralliant l’opposition républicaine à un compromis qu’il juge « plein de trous et naïf », la voix la plus influente de la communauté juive au Congrès, qui est censé devenir le leader de la majorité démocrate au Sénat, montre une voie qui pourrait tenter d’autres élus de son parti, lors du vote crucial qui se tiendra sur le sujet mi-septembre. D’autres importantes figures du parti démocrate ont rejoint sa cause, dont l’ancien gouverneur de l’Arkansas Mike Huckabee, candidat à l’investiture du parti républicain pour l’élection présidentielle de 2016,  et l’ancien président du comité des Affaires étrangères au Sénat, Robert Menendez. Les deux camps aux prises depuis le 14 juillet enregistrent tour à tour succès et revers au sein du groupe démocrate au Sénat. Néanmoins, il semble à ce stade peur probable que les opposants réunissent la majorité de deux tiers qui pourrait remettre l’accord en question. En campagne contre l’accord, le chef de la majorité républicaine au Sénat américain Mitch McConnell a même reconnu que le président avait  « de grandes chances de succès ».

Dans les semaines qui ont suivi la signature du texte, le président, le secrétaire d’Etat, John Kerry, et le secrétaire à l’énergie, Ernest Moniz, la caution scientifique des négociateurs, ont multiplié les rencontres et les auditions pour convaincre des mérites de l’accord. Ce dernier, qui avait été salué dès le 16 juillet par plus de cent anciens ambassadeurs américains, a reçu le 11 août le soutien de trente-six anciens généraux et amiraux. Par ailleurs, des dizaines d’experts en armement et en non-prolifération nucléaires avaient approuvé plus tôt dans la journée l’accord sur le nucléaire iranien dans une déclaration. Face à eux, plusieurs organisations juives américaines, ainsi que le Premier ministre israélien. Le 15 août, l’organisation Citizens for a Nuclear Free Iran – créé par l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), la plus puissante des organisations pro-israéliennes américaines – a lancé une campagne devant atteindre 40 millions de dollars, diffusée au niveau national. La bataille de la communication est donc d’ores et déjà perdue pour la Maison Blanche, face aux sommes engagées par ses adversaires.

Deux universitaires, Todd Gitlin et Steven M. Cohen, ont cependant souligné, dans le Washington Post du 16 août, les limites de la représentativité des grandes organisations juives américaines, compte tenu, selon eux, de l’importance du groupe des juifs « culturels » assez éloignés de ces institutions. Soulignant cette tendance, quelque 340 rabbins américains ont envoyé un courrier au Congrès lundi pour déclarer leur soutien à l’accord sur le programme nucléaire iranien et demander à leurs représentants de voter en sa faveur. Ces responsables religieux — sur les quelques milliers que comptent le pays — viennent de tous les horizons du judaïsme mais essentiellement des courants plus progressistes, et font apparaître les divisions au sein de la communauté sur cette question. « Nous encourageons les membres du Sénat et de la chambre des Représentants à entériner cet accord », peut-on lire dans la lettre distribuée par Ameinu, un organisme caritatif juif progressiste. « Nous sommes profondément inquiets de l’impression qui est donnée que les responsables de la communauté juive aux États-Unis sont tous unis dans l’opposition à cet accord. »

En Iran, le traité ne fait pas non plus l’unanimité. Le guide suprême d’Iran Ali Khamenei a estimé lundi que l’avenir de l’accord nucléaire n’était « pas clair », son approbation définitive en Iran comme aux Etats-Unis étant selon lui toujours incertaine. L’ayatollah, ultime décideur dans le dossier nucléaire, a en outre attaqué une nouvelle fois les Etats-Unis accusés de chercher « à s’infiltrer » en Iran à travers l’accord nucléaire. En Iran, un débat est actuellement en cours sur la nécessité pour le Parlement dominé par les conservateurs d’approuver ou non l’accord. L’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) a pris la tête de l’opposition à l’accord. Une majorité de députés – 201 sur 290 – ont demandé qu’il soit soumis à leur vote et à l’approbation du Conseil des gardiens de la Constitution pour qu’il ait « une base légale ». Les conservateurs au Parlement ne devraient néanmoins pas s’opposer à un accord approuvé par le guide suprême. Celui-ci semble attendre le résultat américain avant de se prononcer définitivement, afin d’éviter une situation où les compromis consentis n’auraient de contrepartie qu’auprès des autres parties signataires de ce traité.

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