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Conflit du Haut-Karabagh : la CEDH reproche à l’Arménie son laxisme

En juin dernier, la CEDH, saisie d’un litige concernant le conflit territorial du Haut-Karabagh, a estimé que l’Arménie avait violé plusieurs droits de l’homme garantis par la Convention européenne. Ce n’est pas la première fois qu’Erevan est accusée de nuire au processus de paix avec l’Azerbaïdjan.

Le conflit territorial du Haut-Karabagh, entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, se poursuit. A l’ombre, pourrait-on dire, de son voisin ukrainien (tandis que la situation dans le Donbass est toujours incertaine) et des effusions de sang perpétrées par Daech entre l’Irak et la Syrie. Moins médiatique, donc, le différend qui oppose depuis 1988 les deux anciennes Républiques soviétiques connait pourtant son lot de pertes humaines, malgré un cessez-le-feu arraché par l’OSCE en 1994. Plus de vingt ans après la cessation officielle des hostilités, les deux parties n’ont pas bougé, y compris dans leurs revendications : l’Azerbaïdjan, à qui appartient le territoire du Haut-Karabagh, réclame toujours sa rétrocession à Erevan, la capitale arménienne, qui se montre peu coopérative. Un jugement rendu récemment par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient appuyer cet état de fait.

« La Cour a reconnu des violations constantes par l’Arménie des droits de l’homme »

En 2005, le conflit a migré des montagnes haut-karabaghtsies au parquet de la CEDH, à Strasbourg. Des habitants de Latchin, région azerbaïdjanaise contrôlée par la République autoproclamée du Haut-Karabagh – soutenue par l’Arménie –, et par ailleurs voie la plus rapide pour rallier les deux entités, reprochaient à Erevan de contrôler certains de leurs biens, après les avoir forcé à fuir durant la guerre du Haut-Karabagh (1988-1994). Dans son arrêt du 16 juin dernier, le juge européen a bien estimé que ce contrôle de l’Arménie ne pouvait en aucun cas être justifié. Le gouvernement d’Erevan argue du processus de paix qui n’est, entre les deux pays voisins, pas achevé. Pourtant, pour l’instance européenne, « le fait que les négociations de paix soient en cours ne dispense pas le gouvernement (arménien) de prendre d’autres mesures de manière à permettre aux requérants d’obtenir le rétablissement de leurs droits sur leurs biens.» Message on ne peut plus clair, par conséquent, du juge de Strasbourg : l’Arménie, qui peut être taxée de laxisme dans ce cas d’espèce, ne fait pas tout pour régler ce litige.

Du côté de Bakou, la capitale azerbaïdjanaise, le jugement rendu a été bien accueilli. Le gouvernement y voit la reconnaissance, par la justice, des nombreux abus en matière de droits de l’homme perpétrés par son voisin. « La Cour a reconnu les violations constantes, par l’Arménie, d’un nombre importants de droits compris dans la Convention européenne des droits de l’homme, notamment ceux relatifs à la protection de la propriété ou au respect de la vie privée et familiale », a annoncé le ministère des Affaires étrangères azerbaïdjanais, dans une note rendue le jour du jugement. Plus que le bafouement de certains droits, la Cour retient également que la région du Haut-Karabagh, ainsi que certains territoires alentours, sont effectivement sous l’emprise d’Erevan, bien que l’Arménie continue de le nier. Y aurait-il une once de Poutine dans ces négations constantes ? Le parallèle est en tout cas établi : l’Ukraine se démène pour conserver son intégrité territoriale à l’est, tout comme l’Azerbaïdjan le fait dans l’ouest du pays.

Le Groupe de Minsk doit se servir du jugement de la CEDH

Ce n’est pas la première fois que l’Arménie est accusée de ralentir, sinon anéantir, le processus de paix. De part et d’autre de la frontière arméno-azerbaïdjanaise, où des troupes arméniennes et azéries sont postées, les premières seraient responsables, à en croire la presse azerbaïdjanaise, d’un grand nombre de violations du cessez-le-feu. Dernière en date : le ministère de la Défense azerbaïdjanais a rapporté, le 30 juillet dernier, l’utilisation par les forces arméniennes d’armes lourdes ; les forces azerbaïdjanaises, postées dans certains villages le long de la frontière, ont donc essuyé plusieurs tirs de munitions avant de riposter. Ces escarmouches, très meurtrières, provoquent de nombreuses pertes, dont des civils – une vingtaine, depuis le début de l’année.

Le Groupe de Minsk, chargé par l’OSCE de trouver une issue au conflit et présidé, depuis 1992, par la France, les Etats-Unis et la Russie, tout comme l’Union européenne, ne peuvent rester insensibles à ces multiples violations. L’arrêt rendu par la CEDH, parce qu’il reconnaît qu’Erevan occupe manifestement le territoire du Haut-Karabagh et, surtout, que le peuple azerbaïdjanais déplacé possède un droit de propriété et de retour sur ses terres, pourrait offrir aux membres de Minsk une fenêtre de tir. En confrontant l’Arménie au verdict rendu par la justice européenne, les Occidentaux feraient un premier pas vers une résolution du conflit, aujourd’hui plus qu’incertaine.

 
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