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Iran : une économie malade

Téhéran reste donc un régime en sursis. Mohsen Jalalpour, le président de la chambre de commerce et de l’industrie, des mines et de l’agriculture a déclaré le 14 août : « Sur les 82.000 petites et moyennes entreprises, 14.000 ont déposé le bilan, 22.000 ne sont que partiellement actives, et 14.000 ne travaillent qu’à 70% de leurs capacités (…) L’impact des sanctions sur l’économie du pays n’a été que de 20 à 25 pour cent et tout le monde doit savoir que les problèmes économiques actuels du pays ne sont pas dus aux sanctions. Par conséquent, les choses ne retourneront pas à la normale avec la levée des sanctions. »

La banque mondiale, dans son rapport du 15 janvier 2015, avait en effet donné une perspective pessimiste sur la croissance économique de l’Iran et ne prévoyait que 0,9% pour l’année 2015, rendant encore plus incertaine toute perspective d’amélioration à court terme. Les plus de 1300 grèves et manifestations de salariés en une année en Iran et les nouvelles dramatiques de suicides et d’immolations par le feu d’ouvriers qui se sont multipliées ces derniers mois, traduisent la grave crise que traverse l’économie iranienne.

On estime à plusieurs millions le nombre d’habitants vivant sous le seuil de la pauvreté. La Banque centrale a annoncé que les dépenses d’une famille iranienne ont augmenté de 31,4% par rapport à 2012. Avec une inflation non officielle estimée à 35% et une baisse de 73% du pouvoir d’achat depuis 2005 (médias du régime, mai 2015), nous pouvons clairement mesurer la gravité des difficultés que rencontre la population iranienne.

Les causes de la crise ?

La racine du problème est à chercher dans le modèle économique mis en place par les dirigeants iraniens depuis bientôt trente-cinq ans. Le vice structurel vient du fait que l’économie est essentiellement axée sur la spéculation au lieu de la production. Dans une économie saine, la production occupe une place centrale et avec  les services (pré-production et post-production) constituent les fondements de l’économie. Or en Iran, en raison de la nature intrinsèque du régime intégriste et des intérêts particuliers des clans qui se livrent une guerre d’influence, le système est incapable d’aller vers une économie de production.

Dénués d’une vision moderne pour le pays, les mollahs ont imposé leur culture archaïque sur toutes les sphères de l’activité sociale et économique et se sont contentés de développer un marché en vase clos. Celui-ci est restreint aux activités de négoce et de spéculation et de recherche du gain à court terme. C’est sur ces fondements bancals qu’a évolué l’économie gérée par les intégristes iraniens. Les mollahs sont incapables de renverser la vapeur, car l’économie est contrôlée par les conglomérats des Pasdaran et les fondations du Guide suprême. Ceux-ci tirent leur profit de la spéculation et l’économie marchande.

Les pasdaran sont fortement engagés dans le trafic illicite de produits d’import-export et contrôlent la grande majorité des ports iraniens. En plus de l’industrie pétrolière, une grande partie de l’industrie minière tombe sous la coupe des Pasdaran. Récemment le vice-président du régime, Eshagh Jahanguiri, a révélé que durant la précédente année iranienne, malgré une baisse des revenus pétroliers de 50%, la valeur des contrats confiés par le gouvernement au cartel des Pasdaran, « Khatamolanbia », s’est élevée à 27 milliards de dollars. En effet les Pasdaran et les fondations du guide suprême, contrôlent plus de 50 % du PIB du pays, estimé à 400 milliards de dollars.

Cette situation confère à l’économie iranienne une perspective peu rassurante. Ses maux ne viennent pas que des sanctions internationales, mais principalement de l’incurie des intégristes islamistes qui ont leurs propres priorités. Elles sont d’abord d’ordre politique : financer la machine de répression à l’intérieur (pour juguler le danger des révoltes populaires), étendre l’influence du régime dans la région par la promotion de l’intégrisme islamiste et compléter le programme nucléaire. Rappelons qu’à l’époque du gouvernement d’Ahmadinejad, l’économie ne se portait pas mieux, mais le flot des pétrodollars ne tarissait pas au prix de 100 $ le baril.

Si le régime iranien ne parvient pas à répondre aux attentes d’une population désaffectée et à gérer une situation sociale explosive, les prochains mois risquent d’être très coûteux pour les mollahs. Les dirigeants intégristes ne peuvent plus renvoyer les maux du pays aux sanctions économiques et à l’animosité internationale. Et les vaines promesses de modération d’Hassan Rohani ne suffiront pas à empêcher les revendications politiques et sociales d’éclater au grand jour lors de la prochaine échéance électorale prévue pour le 26 février 2016. Le système iranien est et restera malade tant que ses dysfonctionnements structurels ne seront pas corrigés et tant qu’un régime démocratique et responsable ne sera installé à Téhéran.

 

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