Alors des centaines migrants tentent chaque jour de rejoindre le Royaume-Uni par le tunnel sous la Manche, les tensions sont très vives à Calais. Le gouvernement britannique a proposé, lundi 3 août, de nouvelles mesures pour contrôler cet afflux et a annoncé des renforts humains et financiers pour sécuriser l’accès au site d’Eurotunnel. Dans ce contexte, le Premier ministre conservateur britannique David Cameron était vertement critiqué jeudi pour avoir évoqué dans une interview une « nuée » de migrants. L’immigration est en train de s’imposer comme un des – sinon le – sujet de premier plan des débats idéologiques et identitaires européens aujourd’hui.
La semaine dernière, certains quotidiens anglais n’avaient pas hésité à demander d’ »envoyer l’armée à Calais », afin de « stopper l’invasion de migrants. » Certains gros titres allaient très loin : « Nous avons repoussé Hitler. Pourquoi nos dirigeants ne parviennent pas à stopper une poignée de milliers d’immigrants exténués? », pouvait-on lire dans le Daily Mail. Alors que Paris et Londres tentent de faire front commun face à la crise des migrants à Calais, les esprits s’échauffent. Des centaines de clandestins qui tentent chaque nuit d’entrer dans l’Eurotunnel pour atteindre le Royaume-Uni. les gouvernements française et britannique a présenté de nouvelles mesures, alors que les autorités se renvoient la balle et qu’Eurotunnel, totalement débordé par les évènements, les appelle à agir.
Ces débats éclosent alors qu’un jeune égyptien de 17 ou 18 ans a été gravement électrocuté mercredi à la gare du Nord de Paris. I tentait d’atteindre le quai d’où partait un Eurostar lorsqu’il a touché une caténaire de 25.000 volts. Son pronostic vital est engagé. Un Soudanais est décédé, dans la nuit il y a une semaine, en essayant de se mettre sous une navette. Après avoir glissé, il se serait fait écraser par un camion. En tout, neuf migrants se sont fait tués depuis le mois de juin en essayant de pénétrer dans le tunnel. En deux nuits la semaine dernière, 3.500 réfugiés ont été interpellés tandis qu’ils tentaient de pénétrer dans le tunnel sous la Manche, et depuis janvier, Eurotunnel dit avoir intercepté 37.000 migrants. Les tabloïds britanniques accusent pourtant assez largement la France d’incompétence.
Le Royaume-Uni a déjà promis d’investir 10 millions d’euros pour renforcer les grillages autour du terminal ferroviaire de Coquelles, près de Calais, annonçant également l’envoi de chiens renifleurs supplémentaires. Mais, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve demande une « mobilisation supplémentaire » de Londres. Le ministre critique le traité du Touquet, signé en 2003 par son prédécesseur à ce poste Nicolas Sarkozy, comme un accord « léonin », « car il mettait beaucoup sur les épaules de la France et très peu sur celles des Britanniques. » La réponse ne s’est pas faite attendre. Dans un pays où le sujet de l’immigration est l’une des principales préoccupations, Londres veut se montrer intraitable sur la question.
Le gouvernement britannique a proposé, lundi 3 août, de nouvelles mesures pour contrôler l’afflux de migrants clandestins à l’entrée du tunnel Les est que les propriétaires qui loueront un logement à des immigrés clandestins pourront être plus durement condamnés. Ceux qui ne vérifieraient pas la situation légale de leurs locataires, risqueraient désormais jusqu’à cinq ans de prison. Cette mesure sera introduite dans le nouveau projet de loi sur l’immigration que compte présenter le gouvernement à l’automne au Parlement. Le texte prévoyait jusque-là des amendes. Le projet de loi prévoit également d’accélérer le processus d’éviction des demandeurs d’asile des appartements qu’ils occupent.
Interviewé par la chaîne ITV au Vietnam, David Cameron a déclaré que la situation à Calais était « très difficile parce qu’une nuée de migrants traverse la Méditerranée à la recherche d’une existence meilleure. » Cette déclaration amis le feu aux poudres, alors que Harriet Harman, leader par intérim du Parti travailliste déclarait « il devrait se rappeler qu’il parle d’êtres humains et non d’insectes. » Même Nigel Farage, le leader du parti anti-immigration Ukip, a assuré qu’il ne cautionnait « pas un tel langage », ajoutant que M. Cameron tentait de « jouer au dur. » Voulu ou pas, ce dérapage reflète une certaine réalité : selon l’Eurobaromètre publié ce 1er août par la Commission européenne, la question de l’immigration au sein de l’UE est devenue la principale préoccupation des européens (+14 points depuis le dernier sondage: 38%) devant l’économie.
« Entre 5.000 et 10.000 personnes vivent dans des conditions terribles à Calais. Au lieu de penser à envoyer des soldats ou de construire des clôtures, nous devrions d’abord nous occuper de cette crise humanitaire », réagissait Peter Sutherland, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour les migrations, Alors qu’un référendum sur l’adhésion du pays sera organisé à son initiative à la fin de 2017, le Premier ministre a promis à plusieurs reprises de réduire l’immigration, sans réel succès. Renforcé par sa victoire aux élections législatives au mois de mai, David Cameron fait face à de nombreuses critiques, notamment de la part des membres les plus à droite de sa coalition, qui lui reprochent un échec sur ce dossier.
Une vraie question se trouve aujourd’hui posée et est en passe de devenir un facteur structurant au sein l’opinion publique européenne. On sait que c’est déjà le cas en France depuis plusieurs décennies car la France a connu une immigration massive avant les autres pays européens. Ce sujet s’est politisé précocement dans les années 1980 – avec la montée du Front National, puis des idées nationalistes dans d’autres partis. Ainsi l’immigration devient en Europe un marqueur idéologique. A présent, un processus comparable semble se produire dans beaucoup de pays européens, par exemple en Angleterre avec l’UKIP. Mais le même phénomène à lieu en Finlande, en Suède ou a au Danemark, par exemple, le Parti populaire danois a obtenu 21% des suffrages aux dernières élections législatives – tous des pays traditionnellement perçus comme ouverts, tolérants, égalitaires et généreux sur les aides sociales.