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Ukraine : une crise peut en cacher une autre

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Une crise en cache souvent une autre. Si la presse semble se concentrer sur le conflit armé qui oppose le gouvernement ukrainien de Petro Porochenko et les séparatistes prorusses de l’est du pays, il se cache derrière cette réalité un véritable casse tête économique. Plus qu’une conséquence de la guerre civile, c’est le problème de la dette ukrainienne qui a plongé le pays dedans.

Kiev a effectué le 24 juillet dernier un versement crucial d’environ 120 millions de dollars d’intérêts sur des titres de dette publique, évitant de justesse le défaut de paiement. L’Ukraine est engagée dans un nouveau bras de fer avec ses créanciers à propos de sa dette publique. Celle-ci a explosé après la dévaluation record de la monnaie nationale, qui a perdu 70 % de sa valeur face au dollar en 2014. Elle dispose à présent de deux mois pour négocier la restructuration de sa dette publique, avant la prochaine échéance, en septembre, de 500 millions de dollars. La dette extérieure du pays atteint désormais environ 44 milliards de dollars, soit 35 % de son PIB.

Si l’Europe a tiré la sonnette d’alarme à propos de la Grèce ces dernières semaines, la crise qui se profile en Ukraine promet d’être d’une toute autre ampleur. Enlisé dans un conflit coûteux, incapable de relancer l’économie, le gouvernement semble être en train de creuser sa propre tombe – on le voit au délitement de la coalition qui a amené Porochenko au pouvoir, et la tentative de prise de pouvoir par les ultranationalistes de Pravy Sektor aux frontières slovaques et hongroises qui ont mené à des échanges de tirs avec la police.

Et si on ne peut juger un homme à ses fréquentations, il apparaît pourtant que l’actuel régime de kiev est en train de tout faire de travers. De la véritable chasse aux sorcières menée à l’encontre des oligarques – acteurs clés de la relance du pays – au profit de milices d’extrême droite, au rejet des initiatives internationales visant à organiser celle-ci, le régime de Kiev a tout faux.

Contrairement à la situation grecque, les détenteurs de la dette publique ukrainienne sont des créanciers privés internationaux, alors que la dette grecque était principalement détenue par des institutions internationales et des européens – directement liés au sort du pays. L’intervention des institutions qui avait été possible pour la Grèce semblait donc plus compromise dans le cas ukrainien. Aussi doit-elle se relever seule.

« L’Ukraine a besoin d’un plan Marshall s’élevant peut-être à quelques centaines de milliards d’euros », expliquait le 3 mars le député chrétien-démocrate allemand Karl-Georg Wellmann (CDU). Ses prières ont été entendues le jour même. L’AMU a été présenté durant le forum international Ukraine Tomorrow (l’Ukraine demain) à Vienne.  Son objectif : permettre d’élaborer un plan politique et économique afin de reformer l’Ukraine, visant à l’instauration d’une paix durable et assurer un retour d’investissements pour permettre la reconstruction du pays.

Cette initiative prévoit d’alimenter un fonds de 300 milliards d’euros. A son initiative un ensemble de personnalités politiques internationales (notamment l’ancien Président sud-africain et pris nobel F.W. de Klerk) et le milliardaire ukrainien Dmytro Firtash. Loin d’être un novice, ce dernier a fondé une large partie de sa fortune sur l’importation de gaz en Ukraine. Lors de la précédente crise du gaz majeure entre les deux pays en 2006, la Russie avait réduit ses exports de gaz pour faire pression sur gouvernement de Kiev. Firtash, par le biais de sa compagnie RosUkrEnergo, avait fait venir du gaz turkmène et kazakh à un prix très compétitif de ces deux pays (60 $ les mille mètres cubes) forçant même la Russie à baisser ses tarifs pour faire face à la concurrence. Le gouvernement lui reproche sa proximité avec l’opposition, et de ce fait refuse de lui faire jouer un rôle dans la recherche d’une solution avec la Russie – ou d’autres partenaires. Cela lui coûtera sans doute très cher.

De peur de se voir affaibli par un partage de ses prérogative en temps de guerre – appelons un chat un chat – Porochenko est en train de se tirer une balle dans le pied, et en même temps dans celui du pays qu’il dirige, avec à la clé une des crises économiques des plus virulentes.

Un facteur clé qui plonge l’Ukraine dans l’incertitude économique aujourd’hui est en effet l’incapacité du pays de négocier un accord sur le gaz russe. Les relations russo-ukrainiennes se sont aggravées depuis l’année dernière. Suite au refus des autorités ukrainiennes de s’acquitter de leur dette gazière envers la Russie, Moscou a imposé un système de prépaiement pour ses livraisons de gaz en Ukraine. Kiev dispose bien sûr de plusieurs centrales nucléaires, dont celle de Zaporojie, la plus grande d’Europe, qui fournit un cinquième de l’énergie électrique du pays, mais la production ukrainienne d’énergie nucléaire seule ne peut satisfaire la demande nationale.

A l’approche de l’hiver, cette épineuse question hante de plus en plus les esprits. Ce n’est pas la première fois que l’Ukraine traverse une crise énergétique à l’approche de l’hiver. Mais les réserves de charbon, comme les mines, se trouvent dans le Donbass – zone agitée par de violents affrontements. Si une solution durable n’est pas atteinte avant l’hiver la pénurie de gaz sera ajoutée à la longue liste des problèmes ukrainiens.

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