Le classement américain TIP (Trafficking in Persons) sur le trafic d’êtres humains épingle pour la deuxième année consécutive la Thaïlande. Le travail forcé et l’esclavage sexuel ont en effet explosé depuis le coup d’Etat de la junte militaire qui n’a cessé, depuis, de plonger le pays dans le chaos.
La Thaïlande arrive derrière tous les pays de l’ASEAN
Rendu public le 30 juillet dernier, le classement annuel TIP (Trafficking in Persons) du secrétariat d’Etat américain sur la situation du trafic d’êtres humains dans le monde a classé pour la deuxième année de suite la Thaïlande parmi les plus mauvais élèves. Arrivant derrière tous les membres de l’ASEAN, la Thaïlande est le seul pays de la zone à être classée dans la dernière catégorie. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est comprend pourtant des pays dont l’Etat de droit et la situation humanitaire sont loin d’être parfaits, puisqu’elle regroupe entre autres l’Indonésie, la Malaisie, le Brunei, le Laos, la Birmanie ou encore le Cambodge.
La Thaïlande serait ainsi, selon le rapport, « une source, une destination et un point de passage pour des hommes, femmes et enfants victimes de travail forcé et d’exploitation sexuelle ». La situation du pays est de plus en plus instable depuis le coup d’Etat par la junte militaire en mai 2014. Cette confiscation du pouvoir au gouvernement pourtant régulièrement et démocratiquement élu de Yingluck Shinawatra a considérablement atteint la stabilité du pays. Le chaos social a ainsi fait exploser le trafic d’êtres humains, d’où la dégringolade du Royaume de Siam dans le classement TIP, derrière ses voisins.
« Quand le tissu social est déchiré, les trafiquants entrent en scène »
Pour l’ambassadeur et directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), William Lacy Swing, « la traite d’êtres humains non seulement se développe lors d’une catastrophe, mais elle en est une conséquence directe et intégrale, au même titre que les dégâts causés aux infrastructures, les pertes en vies humaines ou les pénuries de vivres, qui retiennent bien plus l’attention. ». Or c’est bien de cela dont il s’agit en Thaïlande : d’une catastrophe. La junte militaire, dirigée par le Général Prayut Chan-o-cha, n’a fait que circonscrire les droits civils et politiques des citoyens jusqu’à les réduire à peau de chagrin. Elle s’est empressée d’établir la loi martiale et de réinstaurer le crime de lèse-majesté dès sa prise de pouvoir.
A l’image de cet homme qui a été condamné en mars à une peine de 25 années de prison pour des propos tenus sur Facebook et considérés comme insultants pour le roi. Ce dernier soutient en effet le gouvernement autoproclamé dont les partisans sont en majorité issus de l’establishment royaliste de Bangkok ou de l’armée. Les putschistes ont pris soin de réduire au silence – par diverses méthodes d’intimidation – les partisans du gouvernement déchu, vivant principalement dans les campagnes, notamment dans le Nord-Est du pays, bastion du mouvement des Chemises rouges pro-Shinawatra désormais interdit.
La Constitution réécrite, les élections sans cesse repoussées
Dans ce contexte de dérive autoritaire, peut-on attendre une éclaircie démocratique ? Le Général a bien promis la tenue d’élections libres et démocratiques, mais celles-ci sont constamment reportées. De nouvelles élections générales ne devraient pas intervenir avant août, voire septembre 2016, ce qui laisse le temps à la junte de réécrire une Constitution pour s’assurer les pleins pouvoirs. Le texte proposé en avril – et qui devrait être soumis à l’approbation populaire via un référendum, selon un communiqué officiel – ne se contente pas d’entériner les différentes mesures déjà prises par le pouvoir en place. Il va bien au-delà, conférant toujours plus de pouvoirs aux militaires. Il affaiblit les partis politiques, favorise la nomination et non l’élection des parlementaires et légitime la présence d’un Premier ministre non élu à la tête de l’Etat.
Le projet de Constitution comporte bien quelques artéfacts de démocratie, comme la création d’une « Assemblée morale nationale » composée d’officiels (nommés) chargés de mener des enquêtes contre les élus politiques qui ne respecteraient pas le « Code de l’éthique », dont personne pour l’instant ne connaît le contenu. Manifestement hostile au pluralisme et à l’alternance, faisant fi de l’Etat de droit, cette nouvelle Constitution, si elle devait passer, sonnerait le glas de la démocratie naissante en Thaïlande.