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Congo : le bilan du président et les préjugés de l’Occident

15 années d’évolution du Congo

Dans son allocution du 12 août dernier, le président congolais est revenu sur ses 15 années de vie politique plus ou moins tumultueuses. Denis Sassou-Nguesso s’est d’abord afféré à  peindre le portrait du Congo après ses deux mandats présidentiels, et rappeler la situation catastrophique du pays lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1997, au sortir d’un conflit fratricide, pour mettre en exergue les progrès réalisés par le pays aujourd’hui.

Le Congo, au bord de la faillite au lendemain de la guerre, a vu son PIB par habitant bondir de 1000 dollars en 1999 à 5000 en 2013, d’après une étude du PNUB. Le taux de croissance national avoisinait les 1 % au début de l’étude. Il s’est désormais stabilisé autour de 5 % au cours du nouveau millénaire. Le taux de chômage a chuté de 19,4 % de la population à 6,9 % dès 2011 et l’espérance de vie a considérablement augmenté (7 années de progrès, pour atteindre 59 ans en 2013). Les infrastructures (transports, énergie, télécommunications…) ont été modernisées et ont assuré au pays d’être classé quatrième pays du continent auprès des agences de notation. Mais de tous les acquis, la paix est certainement le plus crucial, après un conflit chronique divisant le pays depuis 1993.

Un sujet majeur a pour autant été largement ignoré par le président congolais : il n’a jamais été question de l’organisation d’un éventuel referendum ouvrant la voix à un troisième mandat présidentiel, le sujet que tous attendaient – redoutaient pour certains. Un « oubli » largement critiqué depuis par la presse qui n’attend qu’une chose : savoir si Denis Sassou-Nguesso compte, ou non, demander à son peuple de changer la Constitution et le cas échéant, se présenter à la prochaine élection présidentielle en 2016. Une hypothétique candidature qui fait couler beaucoup d’encre chez les journalistes occidentaux, apparemment choqués que tous les pays ne suivent pas leur exemple.

Entre démocratie et esprit républicain

Rappelons d’abord la véritable obsession de l’alternance de plus en plus présente dans les médias et discours occidentaux. Si l’Afrique a eu plus que tout autre continent à souffrir de dirigeants grabataires et despotiques qui s’accrochaient au pouvoir avec tout le désespoir de l’illégitimité, et si le berceau de l’humanité a réussi ces dernières années à multiplier les transitions, il faut encore savoir faire la part des choses entre la sauvegarde de la liberté et la fuite en avant.

En ce sens, dans une autre république que la sienne, il faut être plus démocrate que républicain. Tout système politique – institutions, règles,  acteurs mandatés – est secondaire comparé à la volonté des citoyens d’un pays. Aussi, si les rumeurs qui prévoient qu’il compte modifier la constitution afin de briguer un troisième mandat s’avèrent vraies, le peuple restera le seul décideur de l’avenir de son pays et décidera en son âme et conscience de donner, ou non, un troisième mandat à Sassou-Nguesso.

Une perspective qui fait grincer des dents, et pour cause. En Europe, la bien pensance a vite oublié les dictateurs largement soutenus lorsque ceux-ci présentaient des intérêts. Au sein de l’opposition également, car elle n’est pas en mesure de proposer d’alternative crédible. Aussi, une partie de la presse s’est évertuée à chercher des couacs des deux mandats de Sassou.

Le dernier dossier à charge est le faux procès autour de la défection de Guy Brice Parfait Kolelas et Claudine Munari Kolelas, respectivement ministre de la Fonction publique et ministre du Commerce et des approvisionnements. Tous deux se sont opposés à la modification de la Constitution envisagée par leur président. Cette prise de parti leur a coûté leur poste. Des voies se sont levées, notamment en France, pour dénoncer un abus de pouvoir – les mêmes voies qui trouvaient que le renvoi des ministres frondeurs Delphine Batho et Arnaud Montebourg était totalement justifié. Preuve d’autorité et volonté de cohérence politique à l’Élysée, cette décision devient un abus de pouvoir de l’autre côté de la méditerranée.

Ce genre de paternalisme systématique affiché à l’égard de l’Afrique au sein de l’hexagone en dit long. Les impératifs de la démocratie pluraliste exigent qu’un pays choisisse pour lui-même. Autrement dit, ce n’est pas un choix que peut prendre l’Occident. L’ingérence politique en Afrique est devenue si systématique qu’elle ne choque même plus. Lorsqu’un pays prend ses distances, on prétend savoir mieux que lui ce qu’il devrait faire. Quel que soit le résultat, il doit venir de la population congolaise, qui décidera au mieux pour elle – en tout cas en connaissance de cause.

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