Site icon La Revue Internationale

La flamme catalane ravivée après la victoire des indépendantistes

Sans surprise, les séparatistes catalans ont remporté dimanche une large victoire en obtenant la majorité absolue en termes de sièges au Parlement régional. La liste « Junts pel si » (Ensemble pour le oui ), qui regroupe indépendantistes de gauche et nationalistes de droite, a remporté le scrutin avec 62 députés, un résultat à la hauteur de ses espoirs. Si l’on y ajoute les 10 députés de la CUP, un parti séparatiste anticapitaliste et europhobe, les indépendantistes obtiennent la majorité absolue en nombre de sièges (72 sur 135). Avec ce résultat, la foule n’a pas boudé sa victoire. Un millier de personnes se sont rassemblées dans le centre de Barcelone dimanche soir devant l’état-major de campagne de Junts pel si. En remportant la majorité des sièges, Artur Mas, leader des séparatistes, a réussi son pari : « Le oui l’a emporté, mais c’est aussi la démocratie qui a gagné », a clamé le président sortant du gouvernement régional, se félicitant du taux de participation, plus de 77%, soit un record absolu pour ce type de scrutin en Catalogne.

Formellement appelés à élire leurs députés au Parlement régional, les 5,5 millions d’électeurs catalans devaient en fait implicitement se prononcer sur la question de l’indépendance de leur région en choisissant entre listes séparatistes et partis favorables au maintien de la Catalogne en Espagne. Le parti indépendantiste de gauche radicale catalan CUP (Candidature d’unité populaire), qui récolte 10 sièges, a appelé dimanche à la « désobéissance » après la victoire du camp séparatiste aux élections régionales en Catalogne. « La souveraineté catalane a été claire », a déclaré son dirigeant Antonio Baños lors d’une soirée avec des militants de son parti, organisée à Barcelone. Le camp des séparatistes catalans aurait en effet voulu transformer ces élections en plébiscite sur l’indépendance. Mais le résultat de ce scrutin est en réalité moins avenant qu’au premier abord pour ces derniers. Dans les faits, les indépendantistes n’ont pas obtenu une majorité forte, avec 1,9 million de voix sur quatre.

La somme des voix obtenues par les indépendantistes de Junts Pel Sí et de l’autre parti séparatiste, la CUP, atteint environ 47% des voix, bien loin de la majorité absolue. De quoi remettre en question leur supposée légitimité à lancer un processus d’indépendance comme ils se proposent de le faire. Ce d’autant plus que pour nombre d’analystes, beaucoup de Catalans ont donné leurs voix aux séparatistes non pas tant par appui à la sécession mais plutôt pour envoyer un signal au gouvernement central afin de l’obliger à bouger ses lignes et accepter de négocier une révision du modèle d’Etat espagnol jugé injuste envers la région. Il s’agit aussi de l’obliger à reconnaître le statut de Nation de la Catalogne, statut que lui avait dénié le tribunal constitutionnel en 2011. C’est aussi la conclusion du Parti populaire de Mariano Rajoy, qui en fait une lecture très littérale: « La majorité de la Catalogne a rejeté l’indépendance ».

A Barcelone, de nombreux experts estiment qu’il va falloir attendre les élections générales espagnoles du 20 décembre prochain pour savoir comment évoluera la situation. Le Parti populaire (PP), actuellement au pouvoir en Espagne, ne souhaite pas négocier avec la Catalogne, même si aujourd’hui Mariano Rajoy, le chef du gouvernement, a dit qu’il était prêt à discuter, mais pas sur des questions de souveraineté. Par contre, les autres partis nationaux, les socialistes du PSOE, les libéraux de Ciudadanos ou encore Podemos, le parti de gauche  anticapitaliste qui connaît une montée sans précédent, se sont tous déclarés en faveur de négociations, non pas pour une indépendance, mais pour faire évoluer le statut de région autonome de la Catalogne et lui donner plus de pouvoir, notamment au niveau des finances et peut-être la reconnaître comme nation intégrée. Au moins sur un point les indépendantistes ont emporté une victoire: ils seront au coeur du débat pour résoudre « la question catalane », qui hante la politique espagnole depuis près d’un siècle.

Le deuxième enseignement c’est la débâcle du Parti populaire, le parti qui gouverne l’Espagne en ce moment. Ce dernier qui pensait que cette hausse de la participation lui serait favorable, obtient un score très décevant, avec 11 députés (8,5 %), ce qui en fait l’avant-dernier parti sur l’échiquier politique catalan. Son secrétaire général Pedro Sanchez est apparu en costume cravate, sur une tribune très présidentielle avec trois drapeaux (catalan, espagnol, européen) derrière lui pour appeler à « une époque de coexistence et de dialogue ». C’est le jeune parti de centre droit Ciudadanos (Citoyens) qui capitalise le vote anti-independantiste, se hissant à la deuxième position avec 25 députés (18 %).

Quitter la version mobile