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La nécessité d’une régulation du marché de l’aluminium

Une production qui nécessite une grande quantité d’énergie

La production d’aluminium est réalisée à partir de Bauxite, une roche sédimentaire principalement composée d’hydroxydes d’aluminium. L’exploitation de la bauxite se fait de façon traditionnelle par le creusement de puits de mines et de galeries, mais également en carrières à ciel ouvert. Les gisements et réserves de bauxite sont très importants (supérieurs à 27 milliards de tonnes) et largement dispersés dans le monde, bien que principalement présents dans les régions tropicales (85%). Pour produire de l’aluminium, on utilise le plus souvent les bauxites rouges. Les bauxites blanches, plus riches en silice, sont employées en verrerie, céramique, réfractaire et de ciment. La production d’une tonne d’aluminium demande 2 tonnes d’alumine ; chaque tonne d’alumine nécessitant 2,5 à 2,7t de minerai, il faut donc 5 à 5,4t de bauxite pour obtenir 1t d’aluminium, soit un rendement d’environ 20 %.

L’extraction de l’aluminium peut se faire de deux façons. La première, la méthode historique, est appelée le procédé « Bayer ». Mise au point à partir de 1894 dans une usine d’une petite  commune française, Gardanne, elle se déroule comme il suit : la bauxite est tout d’abord broyée avant d’être traitée par une solution de soude. Sous pression et à chaud, pendant plusieurs heures, ce procédé permet de dissoudre l’alumine pour former de l’aluminate de sodium, alors que les déchets insolubles (aussi appelés « boues rouges ») forment un précipité et son extrait. Il fait ensuite déshydrater les cristaux par calcination vers 1200 degrés. Le procédé le plus utilisé est le procédé Hall-Héroult. Il consiste à dissoudre l’alumine dans de la cryolite (une espèce minéral composée de fluor) puis à séparer l’aluminium par électrolyse, qui permet la décomposition chimique de certaines substances sous l’effet d’un courant électrique. Dans les deux cas, la production d’aluminium nécessite une grande quantité d’énergie et le produit fini est pur à 99 % et doit être raffiné pour éliminer les impuretés (fer, silicium, zinc, titane, cuivre,…).

La production d’aluminium est en principe assez propre, d’autant que les énergies utilisées dans le cadre de la production sont de plus en plus « vertes », et que la plupart des gazes émis durant le processus (dioxyde de carbone, (CO2), du monoxyde de carbone (CO), des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), et des fluorures gazeux) sont réintégrés dans celui-ci dans des usines modernes.  Ce processus se fait en trois étapes : la première consiste à séparer l’alumine d’un minerai (habituellement la bauxite). L’extraction à proprement parler se fait ensuite par chauffage – par électrolyse, un  procédé chimique qui permet d’extraire l’oxyde d’aluminium.

Une question de législation

La 26ème Conférence internationale sur l’Aluminium, organisée à Paris du 7 au 9 septembre derniers par le Metal Bulletin, à permis d’expliquer pourquoi certains pays arrivent à produire de l’aluminium à un coût aussi bas, avec un bilan écologique catastrophique, surtout en matière de production de dioxyde et de monoxyde de carbone.

L’exploitation de la bauxite est un casse-tête écologique, parce que le traitement du minerai produit, en grandes quantités, une « boue rouge » très toxique (elle contient des métaux lourds, des hydrocarbures de fluor et 70% d’hydroxyde de sodium). Les risques de contamination des sols et des cours d’eau sont importants. Certains pays, notamment ceux en voie de développement, comme le Venezuela, les Emirats arabes unis, le Brésil ou encore la Chine, n’ont pas de législations environnementales encadrant le rejet des surplus de sa production de bauxites. Dans le dernier cas, il est avéré que ceux-ci infiltrent l’eau des lacs qui servent normalement à irriguer théiers et caféiers.

Le faible prix de l’énergie est une des raisons pour lesquelles de nombreuses usines ont été construites ces dernières années dans des pays où l’énergie est bon marché. L’avantage est considérable, représentant jusqu’à la moitié des coûts de production de l’aluminium découlant du prix de l’énergie. Mais la principale raison est la faiblesse des législations sociales et environnementales. Ces conditions environnementales peu rigoureuses, les bas salaires et l’absence de prestations sociales ont fortement contribué à la délocalisation. Au niveau mondial, 50 % de l’aluminium est produit en Chine, avec une production de 28 millions de tonnes, dont une dizaine de millions est exportée. En Europe, nous avons une production primaire de deux millions. Cette situation s’explique facilement. La stratégie chinoise était initialement de développer une production suffisante pour satisfaire le marché national. Mais compte tenu du ralentissement de la croissance du pays – et donc de la consommation – une surproduction s’est développée petit à petit. Et plutôt que de limiter la capacité de production, la Chine a choisi d’exporter son surplus.

Or, les objectifs chinois pour la COP 21 n’ont pas fait mention d’une réforme dans ce secteur particulièrement polluant. Pourtant, il est tout à fait possible de réduire la pollution impliquée dans ce processus à un niveau très bas. La Russie par exemple utilise l’énergie hydroélectrique pour la production et le recyclage du métal léger.  S’il est bien organisé, le processus peut également être tout à fait propre. La législation européenne, en particulier, est très restrictive et ne permet pas une production « sale » de ce produit. Il faut s’en réjouir. En Europe, 1 tonne d’aluminium primaire produit 9,5 T de CO2, et 1 tonne d’aluminium recyclé produit 0,5 T de CO2. En France : 1 tonne d’aluminium primaire produit 40 % de moins de CO2 que la moyenne mondiale, et 1 tonne d’aluminium recyclé produit 70 % de moins de CO2 que la moyenne mondiale. L’industrie de l’aluminium en France poursuit en permanence son programme de réduction des émissions de GES, avec déjà 56 % de réduction par rapport à 1990. L’aluminium est  recyclable à 100 %, indéfiniment  et  sans dégradation de ses propriétés. Le circuit de collecte de l’aluminium usagé est très organisé et de plus en plus performant. Aujourd’hui 40 % des besoins de l’aluminium en Europe sont satisfaits par l’aluminium recyclé.

Le recyclage : un enjeux environnemental à développer

Cela nous amène à un autre point crucial : le développement de l’économie circulaire. Elle permet une réduction de la consommation de ressources et, par conséquent, une réduction des émissions de gaz à effet de serre engendrées par l’exploitation de ces ressources. Le recyclage des matières premières induit directement un moindre recours aux énergies en particulier aux énergies fossiles – et donc moins d’émissions – que la fabrication de la même matière à partir de ressources naturelles.

Ainsi le recyclage d’une tonne d’aluminium permet de diminuer les rejets de plus de neuf tonnes de CO2. De plus, l’aluminium peut être transformé et replacé dans un nouveau produit en moins de 6 semaines. Seulement, le développement de l’économie circulaire est un très long procédé. On ne peut le créer à partir de rien. Nous réinventons actuellement notre économie, notre façon de penser. Nous n’avons pas encore les technologies adaptées ou les bons systèmes de tri pour tous les matériaux. Là encore, la concurrence de pays en voie de développement; peu scrupuleux en matière environnementale, empêche le développement du secteur. Les structures de coûts sont différentes et la législation occidentale n’autorise pas tous les types de recyclage.

L’aluminium ne doit pas devenir la cinquième roue du carrosse écologique, et à cette fin, un cadre légal doit être créé afin de mettre toutes les productions sur un pied d’égalité. L’idée n’est pas de restreindre l’entrée de produits étrangers dans nos marchés, mais un certain nombre de mesures permettrait la traçabilité de l’aluminium par les acheteurs,  et une meilleure organisation du recyclage de ce produit, permettant une consommation responsable. Les dirigeants d’entreprises comme les représentants des États doivent agir et voir la lune plutôt que de regarder le doigt. Espérons que cet aspect de la question environnementale ne soit pas passé sous silence au profit des débats plus classiques qui concernent les énergies fossiles. Avec assez d’attention lors de la COP 21, le marché de l’aluminium pourrait changer de visage dans les prochaines années, au bénéfice de la planète.

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