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Les migrants, épine dans le pied de David Cameron dans ses négociations avec l’UE

Le texte ouvrant la voie à la tenue du référendum a été largement adopté par le Parlement britannique, mais le gouvernement va devoir consentir à certains changements après le rejet de certaines modalités proposées pour la tenue du scrutin sur l’appartenance à l’Union européenne (UE). Par ce changement de cap, si mineur soit-il, les députés britanniques ont infligé, lundi 7 septembre, un premier embarras au premier ministre, David Cameron. Il s’agit de la première défaite du chef du gouvernement à la Chambre basse, où il dispose d’une majorité étroite depuis sa victoire aux élections législatives de mai. Ce revers à la Chambre des communes concerne une question technique mais illustre tout de même la délicate situation de M. Cameron, qui compte garder dans le rang les eurosceptiques de son propre parti avant le vote, qui doit intervenir d’ici à fin 2017.

Le texte de loi ouvrant la voie à la tenue du référendum a été adopté à une large majorité (316 voix pour et 53 contre) par la Chambre des communes et va donc maintenant être examiné par la Chambre des Lords. Mais lorsque des élus eurosceptiques du parti conservateur ont uni leurs forces avec l’opposition travailliste et des nationalistes du Scottish National Party, le projet du gouvernement relatif à un assouplissement des règles habituelles connues sous le nom de « purdah » a été rejeté par 312 votes contre 285. Le gouvernement souhaitait tempérer ces dispositions qui interdisent aux ministres de faire une annonce qui puisse modifier le résultat d’un vote dans les vingt-huit derniers jours d’une campagne électorale ou référendaire. La défaite subie par David Cameron, a été la conséquence de 37 votes contre au sein de son propre parti.

Le Premier ministre britannique a fait savoir qu’il voulait rester au sein d’une UE réformée sous condition que les négociations avec Bruxelles aboutissent à une désengagement britannique, notamment sur la question des aides sociales aux immigrés originaires de l’UE. La semaine dernière, David Cameron avait fait deux concessions aux eurosceptiques, acceptant d’une part de rendre la formulation de la question sur le référendum plus neutre et, d’autre part, de limiter les interventions du gouvernement avant le scrutin. Ces concessions sont insuffisantes pour nombre de conservateurs eurosceptiques, qui estiment notamment que le gouvernement devrait s’imposer un silence total sur tout élément susceptible d’influencer le vote avant le scrutin, comme c’est l’usage avant chaque élection – d’où le revers de lundi dernier.

Les partisans du Brexit (contraction de « British Exit » ou sortie de l’UE) sont gonflés à bloc tandis que David Cameron accumule les déconvenues. La dernière : une majorité de Britanniques est prête à quitter l’Europe. En excluant les indécis (17%), 51 % d’entre eux voteraient pour quitter l’UE lors d’un référendum prévu d’ici à 2017, contre 49 % pour rester, selon un sondage Survation paru dimanche dans le Daily Mail. Ce sondage marque une rupture avec les précédentes enquêtes d’opinion qui ont toujours conclu à un avantage du oui à l’Union européenne. De plus, 22% de ceux qui optent pour le statu quo disent qu’ils pourraient « changer d’avis » si l’actuelle crise des migrants s’aggravait. A ce sujet, 29% des Britanniques estiment que leur pays ne devrait accueillir « aucun » réfugié, de loin la réponse la plus populaire, devant les 15% estimant qu’il faudrait en accueillir 10.000.

Lundi également, le Premier ministre David Cameron a annoncé aux députés que le Royaume-Uni va accueillir 20 000 réfugiés syriens sur une période de cinq ans. l s’agit de personnes actuellement hébergées dans des camps de réfugiés dans les pays voisins, et qui sont particulièrement vulnérables, comme les orphelins. Cependant, « elles n’obtiendront pas tout de suite le droit d’asile après leur installation au Royaume-Uni : une demande à cette fin ne pourra être déposée qu’au bout de cinq ans. » L’opposition a critiqué la proposition pour son manque de générosité. La travailliste Yvette Cooper, ministre de l’Intérieur du cabinet fantôme, a rappelé que « dans les années 1930, la Grande-Bretagne a accueilli 10 000 enfants en seulement neuf mois. Si chacun des comtés et chacune des villes britanniques hébergeaient dix familles de réfugiés, nous pourrions aider 10 000 personnes au cours des prochains mois. »

Cet avis est partagé par The Guardian. Dans un éditorial, le journal attaque cette décision : « Certes, au premier abord, la proposition d’accueillir 20 000 Syriens semblait honorable, voire généreuse. Jusqu’au moment où M. Cameron a ajouté qu’il ne s’agissait pas d’un accueil immédiat de crise, mais d’un objectif pour les cinq ans de cette législature. Comparé aux près de 20 000 personnes qui sont arrivées à la gare de Munich le week-end dernier, c’est l’antithèse d’une politique ambitieuse. » Alors que M. Cameron prend soin de ne jamais lier la crise des réfugiés au référendum sur le Brexit, des voies chez l’opposition ainsi que chez les eurosceptiques utilisent le contexte de tension migratoire afin de réduire son espace de négociation. Le Royaume-Uni doit accepter de souscrire à son « obligation morale » d’accepter un quota européen de réfugiés, sinon « il sera difficile pour Cameron d’obtenir un accord » sur les réformes qu’il souhaite pour que les électeurs votent oui au référendum, a estimé Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne.

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