Site icon La Revue Internationale

La facture énergétique allemande fragilise Angela Merkel

angela_merkel_13.jpgangela_merkel_13.jpg

En choisissant d’arrêter brutalement ses centrales nucléaires, l’Allemagne a complétement bouleversé son modèle énergétique. La décision d’Angela Merkel, prise sous le coup de l’émotion post-Fukushima, serait-elle de nature à déstabiliser la chancelière ? La question se pose désormais, car non content de nuire aux objectifs climatiques, le recours aux centrales à charbon ne parvient pas à compenser la hausse des coûts de l’énergie pour les ménages et les entreprises…

En 2022, les 17 réacteurs nucléaires allemands seront probablement à l’arrêt. Pour l’énergéticien Siemens, la nouvelle orientation de la politique énergétique allemande risque de cribler les finances publiques, avec une perte d’environ 1 700 milliards d’euros à l’horizon 2030. Une situation qui inquiète les milieux économiques, au point que la chambre de commerce et les principaux énergéticiens (E.ON, EnBW, EWE…) réclament désormais un « Plan B ».

D’autant que les entreprises ne sont pas les seules à supporter les conséquences de cette décision. Une récente étude de l’Institut der deutschen Wirtschaft, effectuée pour le quotidien économique Handelsblatt, estime que « l’Energiewende » (la transition énergétique) représente un manque à gagner de 28 milliards d’euros par an pour les ménages. Une réalité qui n’a pas échappé au gouvernement japonais qui vient de rallumer plusieurs centrales nucléaires pour limiter « l’inflation importée ».

Contestée au sein de son propre camp, Angela Merkel pourrait être amenée à revoir sa copie, au moins sur la temporalité de la sortie du nucléaire. La chancelière doit effectivement faire face à une réalité qui se détériore de jour en jour. Mi-septembre, à la Bourse de Francfort, les conclusions d’un cabinet d’audit sur le démantèlement du nucléaire ont déclenché la chute des cours des énergéticiens d’outre-rhin. Face au désastre, le PDG de GE Energy Allemagne, Stephan Reimelt constate amèrement que la politique énergétique allemande ne fait plus l’objet de l’admiration des spécialistes…

La question reste explosive aussi bien en Allemagne qu’en France… Pendant que les industriels redoutent le manque à gagner des fermetures anticipées, les scientifiques s’interrogent sur la faisabilité technique d’une sortie rapide de l’atome. Pour seule certitude, le président de la commission Énergie 2050, Jacques Percebois, affirme : « avec un démantèlement rapide, la radioactivité sur le site est encore élevée et cela coûte plus cher ».

A l’étranger, le choix de la chancelière ne fait d’ailleurs pas non plus l’unanimité. Ainsi, la ministre de l’énergie sud-africaine, Tina Joemat-Pettersson, rappelait l’intérêt de mobiliser la rente nucléaire pour subventionner le passage à une économie décarbonée. Une analyse déjà largement développée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat… A l’approche de la conférence des Nations Unies sur le climat, de plus en plus de scientifiques se prononcent en faveur du nucléaire afin de limiter la hausse des températures en-dessous de la barre fatidique des 2°C, c’est notamment le cas de Jean-Marc Jancovici et de Corey Bradshaw.

Mais les chercheurs ne sont pas les seuls à fustiger la politique énergétique allemande. Certains écologistes dénoncent également la substitution de l’atome par des hydrocarbures très polluants. L’ancien fondateur de Greenpeace, Patrick Moore, a lui-même critiqué les récentes positions de l’ONG. En France, le polytechnicien Bruno Comby milite aussi depuis longtemps contre le dogmatisme « anti-nucléaire » au sein de l’Association des écologistes pour le Nucléaire.  

Quitter la version mobile