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Les cinq personnalités de l’ombre à suivre en Afrique

L’Afrique est le continent du XXIème siècle. Depuis quelques d’années, un certain nombre de voyants sont au vert – ou en passe de le devenir –, et les analystes prédisent que le continent poursuivra sur sa lancée au cours de la prochaine décennie. La croissance économique est durable – aux alentours de 5 % – et supérieure à la moyenne internationale. En parallèle, la démographie – donc les futurs actifs – a des allures de locomotive mondiale et la démocratisation du continent semble en marche alors qu’il existe un peu partout sur le continent une volonté de mettre fin aux autocraties et autres dictatures.

Tels sont les atouts, aujourd’hui, de l’Afrique, alors que le reste du monde connait un rebond économique bien timide et doit faire face, ici et là, à une remise en cause des fondements démocratiques de l’Etat moderne – notamment en Europe, où la question des migrants divise. Focus sur cinq personnages africains qui, à leur manière et souvent dans l’ombre des grands décideurs, participent activement au développement ou au rayonnement de leur continent.

Maged Abdelaziz, une influence africaine sur la scène internationale

« L’Afrique a besoin de partenaires égaux, pas d’exploitation. » La phrase en dit long sur la détermination de l’actuel conseiller spécial Afrique du secrétaire général de l’ONU, de voir son continent considéré à sa juste valeur. Âgé de 60 ans, cet ancien diplomate égyptien, notamment représentant du Caire auprès des Nations unies – où il a passé la quasi-totalité de sa carrière – de 2005 à 2012, est depuis trois ans le « Monsieur Afrique » de Ban Ki-moon. « Il se concentre sur la revitalisation de l’ordre du jour relatif aux besoins spécifiques de l’Afrique, y compris grâce au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) auquel le Secrétaire général accorde une grande priorité » peut-on lire sur sa fiche de poste à l’ONU. A ce titre, M. Abdelaziz est chargé de promouvoir le développement du continent à l’international et travaille avec les représentants spéciaux et chefs de mission déployés en Afrique.

Bénéficiant d’une riche expérience de 33 ans dans la diplomatie multilatérale, et mettant à profit son « engagement direct dans la promotion du développement socioéconomique », le conseiller spécial de Ban Ki-moon est l’homme dont l’Afrique a besoin pour l’accompagner, depuis la scène internationale, le long de son chemin réformiste. Lors de l’Assemblée générale de l’ONU des 25-27 septembre derniers, Maged Abdelaziz a rappelé à l’ensemble des pays développés les promesses faites en juillet dernier à Addis Abeba (Ethiopie) pour le développement économique de l’Afrique. « Les moyens dont nous avons convenus lors de la conférence d’Addis Abeba doivent être mis en œuvre » a-t-il ainsi martelé. Le continent africain est entre de bonnes mains.

Sahle-Work Zewde, une secrétaire générale adjointe de l’ONU qui combat le djihadisme

La présence de groupes djihadistes dans la Corne de l’Afrique, notamment celui des Chabab aux confins de la Somalie, de l’Ethiopie et du Kenya, n’est pas une donnée nouvelle. Seulement, avec la recrudescence des actes terroristes – qu’il s’agisse d’attentats ou d’enlèvements – et l’embrasement de la péninsule arabique voisine – où l’islamisme radical gagne du terrain –, la lutte contre le djihadisme dans cette région de l’Afrique est devenu l’un des enjeux majeurs du continent. En nommant, en 2011, la diplomate éthiopienne Sahle-Work Zewde au poste de directrice du Bureau des Nations unies (NU) à Nairobi (Kenya) avec le titre de Secrétaire générale adjointe, Ban Ki-moon a souhaité démontrer l’importance donnée par l’ONU à l’Afrique orientale et au combat du djihadisme dans la région.

« Mme Zewde apporte à ce poste plus de deux décennies d’expérience de responsabilité progressive aux niveaux national, régional et international » indique le communiqué de presse de l’ONU. « Elle devrait mettre à profit ses compétences éprouvées dans l’élaboration de consensus entre les parties, sa connaissance de l’Organisation en vue de coordonner les activités de l’Office des Nations Unies à Nairobi et sa vaste connaissance de la région pour développer des partenariats. » En effet, si la lutte contre l’islamisme radical fait partie de l’actualité brûlante de la région, la Corne de l’Afrique est assurément l’une des régions les plus pauvres, non seulement du continent, mais également du monde. Sous l’impulsion de l’ONU et avec l’appui de Sahle-Work Zewde, des bailleurs de fonds s’étaient engagés, l’an dernier, à accorder 8 milliards de dollars d’aide à cette partie du continent.

Iliya Abbah, le visage de la lutte contre Boko Haram au Nigéria

Autre pays de l’Afrique lourdement impacté par le djihadisme, le Nigéria a nommé en juillet dernier le général Iliya Abbah, déjà engagé dans le combat contre les islamistes radicaux de Boko Haram, au poste de chef de la force militaire régionale, chargée de lutter contre d’éventuelles insurrections. Anciennement affecté aux opérations dans le delta du Niger, une région pétrolifère stratégique dans le sud du Nigéria, le général Abbah est aujourd’hui à la tête d’une force d’intervention multinationale à laquelle participent le Nigéria, le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Bénin. En tout, le nouvel homme fort de la lutte contre Boko Haram a sous ses ordres quelque 9 000 hommes.

Tandis que les actes perpétrés par les islamistes radicaux – dont le chef, Abubakar Shekau, a fait allégeance à l’Etat islamique en mars dernier – ont fait plus de 15 000 morts depuis 2009, le groupe djihadiste a intensifié ses attaques depuis l’élection, fin mars dernier, de Muhammadu Buhari à la présidence de la République nigériane – plus de 800 morts en deux mois. Parce que Boko Haram souhaitait, par le biais de ses actes terroristes, saper le processus démocratique mis en place dans le pays, sa neutralisation devient de plus en plus pressante. La communauté internationale, en effet, s’était félicitée, au lendemain de l’élection, de l’organisation d’un scrutin libre et, surtout, de l’acceptation par le président sortant, Goodluck Jonathan, du résultat. Le général Abbah, par conséquent, œuvre plus ou moins directement pour que la démocratie, encore assez fébrile en Afrique par endroits, devienne pérenne au Nigéria.

Steve Loemba, l’éminence grise congolaise issue de l’opposition

En République du Congo, le pouvoir politique a tenté, de son côté, le pari de recruter un membre de l’opposition pour conseiller les plus hautes sphères de l’Etat. Le président de la République, Denis Sassou Nguesso, s’est ainsi entouré de Steve Loemba, Congolais et juriste de formation, pour l’assister au quotidien. Discret mais efficace, celui que l’on nomme l’ « éminence grise » a su mériter et entretenir la confiance placée en lui par le chef de l’Etat congolais. Il faut dire que cet ancien opposant politique est un homme de réseaux ; avec des relations entretenues au sein des plus grandes puissances mondiales – de la Chine aux Etats-Unis, en passant par la France et Dubaï –, Steve Loemba met aujourd’hui son influence sur la scène internationale au service du Congo.

L’homme de l’ombre de Sassou Nguesso a d’ailleurs, par le passé, prouvé sa maitrise des enjeux du monde contemporain. En réaction à la crise des subprimes, qui a éclaté aux Etats-Unis en 2008 – puis inondé les plus grandes places financières mondiales -, Steve Loemba écrit par exemple : « Ce que la crise révèle, c’est la nécessité d’un dépassement de cette morale du capital, parce qu’elle est de plus en plus en contradiction avec les exigences d’une nouvelle civilisation, fondée sur le libre développement de tous les êtres humains. » Au lendemain de la réélection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de l’Iran, en 2009, il s’élève contre « un président populiste et ouvertement haineux, dont la quête du nucléaire militaire fragilise peu à peu la paix mondiale. » Deux sujets qui, plusieurs années après, sont, sinon sur le devant de la scène médiatique, du moins encore très présents dans les colonnes journalières.

Maixent Accrombessi, un chantre du « libéralisme patriotique » au Gabon

Preuve, s’il en fallait une, que certains pays d’Afrique sont totalement ancrés dans la modernité économique et politique du XXIème siècle, le Gabon réfléchit aujourd’hui à libéraliser tout à la fois son économie et son fonctionnement étatique. Maixent Accrombessi, l’actuel directeur de cabinet du président de la République, Ali Bongo, est ainsi convaincu de la nécessité, pour les pays africains, de transformer leurs structures économiques et politiques en adaptant les modèles existants à leurs exigences – en termes de développement notamment. C’est ce que l’ancien conseiller financier puis chef de cabinet d’Ali Bongo appelle le « libéralisme patriotique » : farouche défenseur de la liberté économique, Maixent Accrombessi considère que le rôle de l’Etat doit se limiter à favoriser l’émergence d’un environnement favorable à l’initiative privée, « seule capable, selon lui, de libérer les énergies créatives. »

Cela passe nécessairement, pour le directeur de cabinet de M. Bongo, par un changement de paradigme politique ; la structure étatique centrale doit laisser petit à petit sa place à des entités régionales – voire sous-régionales –, seules capables, d’ailleurs, de véhiculer complètement la démocratie au Gabon. Le pays d’Afrique centrale, bien que peu étendu par rapport à d’autres, est par ailleurs pourvu de zones rurales enclavées où les habitants n’ont parfois pas accès aux soins. Maixent Accrombessi organise chaque année la tournée des « caravanes médicales », une initiative sociale qu’il finance personnellement pour prodiguer soins et techniques médicaux à ces populations. Et afin de rapprocher ces dernières de l’activité économique et de l’emploi, il a entrepris, lorsqu’il était chef de cabinet d’Ali Bongo, de goudronner des centaines de kilomètres de routes à travers tout le pays.

Ces cinq personnages de l’ombre, quelles que soient leurs fonctions ou leurs champs d’action – du militaire au conseiller présidentiel, en passant par le haut-fonctionnaire onusien -, oeuvrent donc au quotidien pour que l’Afrique poursuive son développement. Afin d’assurer, in fine, à sa population, un avenir meilleur à tout point de vue : politique, économique et personnel.

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