Mesure phare du projet de loi Santé, la généralisation du tiers-payant est l’objet de vastes contestations de la part des médecins. S’ils ne contestent pas le volet social de la mesure, les professionnels de santé sont vent-debout contre une mesure qu’ils disent démagogique.
Les récents événements qui ont frappé Paris ont bien logiquement mis entre parenthèse la contestation des médecins et les grèves qui étaient en cours. Mais la reprise du temps politique va nécessairement conduire à s’interroger à nouveau sur le devenir de la loi Santé et sa mesure phare, la généralisation du tiers-payant. Ardemment désirée par Marisol Touraine, ministre de la Santé, ainsi que promesse de campagne du président de la République, François Hollande, cette mesure se heurte à un problème de taille : son rejet par les premiers concernés, le corps médical.
Une proposition démagogique
Annoncée comme une mesure de « justice sociale », le tiers payant généralisé ne fait absolument pas consensus autour des professionnels de santé. Et pour causes. La mesure, sur le papier très séduisante, semble tout simplement irréalisable dans les délais annoncés, c’est à dire d’ici à la fin de l’année 2017. A cette date, et si la loi est votée, les patients n’auraient plus à avancer les frais de consultation chez le médecin. Ce sera l’Assurance maladie et les complémentaires de santé qui paieront directement les honoraires aux médecins. Voilà pour la vision simplifiée de la mesure.
Sauf qu’il existe actuellement une centaine de caisses d’assurance-maladie et de complémentaires, soit autant d’interlocuteurs avec un risque évident : le ralentissement des délais de paiement, même si des pénalités sont censées être prévues pour limiter ce risque. A cela s’ajoute les lourdeurs administratives et l’augmentation inévitable de la « paperasse ». Avec le risque que ce temps consacré aux tâches administratives ne le soit au détriment du temps consacré aux soins et par conséquence au détriment des patients.
C’est ce mécanisme qui est également critiqué par la classe parlementaire, qui compte en ses rangs un certain nombre de professionnels de la santé. Ainsi, Bernard Debré (Les Républicains), chirurgien de profession, a récemment expliqué que si les médecins étaient descendus dans la rue, ce qui est suffisamment rare pour le souligner, c’était pour ne pas voir « un mécanisme qui va rendre leur métier plus difficile ».
Un risque de déresponsabilisation
Alors que 95 % des médecins sont opposés à cette mesure, les motifs de rejet sont multiples et dépassent le risque d’une bureaucratisation de la profession. D’autres considérations entrent en effet en jeu. En premier lieu, c’est le caractère obligatoire de la mesure qui pose question. Pour reprendre les propos de Michel Combier, secrétaire général de l’Union régionale des professionnels de santé, « le projet va déresponsabiliser les malades ». En effet, avec la possibilité de ne plus avancer les frais de soin, l’inflation du nombre d’actes est crainte par les professionnels de santé.
Plus globalement, la généralisation du tiers payant semble être un moyen pour une prise de contrôle des assurances et mutuelles. Et dans ce système, ce sont à la fois les patients et les médecins qui vont être perdants. Les premiers, en raison du fait qu’ils n’avanceront plus les frais de consultation et donc ne comprendront plus le système de financement de la santé en France ; Et les seconds se retrouveront sous la pression et la dépendance de ces financeurs privés. D’ailleurs Bruno Pagès, médecin et fondateur du collectif « Printemps roannais », créé contre le projet de loi, prédit que les assurances « vont en profiter pour prendre davantage de place dans la gestion de la santé ».
Face à ce texte menaçant l’exercice libéral, les soutiens aux syndicats de médecins se sont multipliés. A commencer par le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, totalement contre cette loi rappelant « une étatisation rampante de la médecine de proximité.». D’ailleurs, cette lutte contre le projet de loi Santé et particulièrement le tiers payant généralisé tient particulièrement à cœur à l’ancien président de la République puisqu’il s’agissait de son premier thème de meeting à la suite de son élection à la tête de l’ancienne UMP en janvier dernier.
Son parti politique est d’ailleurs, dans son ensemble, contre cette mesure et les autres ténors de la droite se succèdent pour soutenir les médecins. Même Alain Juppé, que les médecins ne portent pas dans leurs cœurs depuis sa réforme de l’assurance-maladie en 1995, a pris leur défense. Après son retrait par les Sénateurs, la mesure a de nouveau été ajoutée et votée commission à l’Assemblée Nationale. La mobilisation n’est donc pas prête de s’éteindre.