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Obama ou le rêve oublié d’une Afrique plus démocratique

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La politique étrangère d’un pays ne change pas du tout au tout avec l’alternance et l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle équipe tenant des discours plus modernes et en phase avec les aspirations des citoyens. La chose se vérifie en France où le passage de Nicolas Sarkozy à François Hollande s’est fait naturellement sans qu’aucune différence de fond ne vienne brouiller la carte de la politique extérieure du Quai d’Orsay. Cette même vérité semble se vérifier aux Etats-Unis où les attentes d’un renouveau étaient fortes à travers le monde. Le double mandat de George W. Bush, catastrophique pour l’image des Américains, avait comme souligné la nouveauté et la prise de distance d’Obama. Presque huit ans plus tard, le bilan n’est pas très glorieux surtout sur un continent africain qui avait espéré une autre manière de faire de la part de la première puissance mondiale.

Le discours du Caire de 2009 intitulé « un nouveau départ » devait redéfinir les relations entre les Etats-Unis et les pays arabes (et donc d’une partie de l’Afrique). Malgré le concert de louanges que cette intervention avait suscité, l’image des Etats-Unis ne s’est pas améliorée dans les pays arabes. La Syrie et la Libye sont devenues des charniers à ciel ouvert et la responsabilité de l’Amérique dans cette débandade humanitaire et morale est importante. Le Yémen est en feu et l’Egypte s’est recroquevillée sur elle-même après le printemps arabe qui a chassé l’inamovible Hosni Moubarak du pouvoir. En fait, la politique américaine s’est cantonnée à la protection de ses intérêts propres quand bien même le respect de la démocratie et des droits de l’homme sont professés.

En Afrique subsaharienne, le bilan n’est guère plus flatteur puisque les dictateurs qui ont confisqué le pouvoir depuis des années, voire des décennies, continuent de diriger leur pays avec le regard bien veillant ou au pire indifférent de la puissance américaine. Et l’espoir de voir les régimes autoritaires s’adoucir se perd dans les sables mouvant de la politique internationale. La raison est simple. L’arrivée en force de la Chine sur le continent africain remet en cause la suprématie américaine. Peu regardante sur les questions de démocratie et de droits de l’homme, la Chine se présente comme une véritable alternative économique et politique pour les pays qui cherchent un allié de poids. Dans cet environnement « concurrentiel » le discours américain sur le respect des droits de l’homme est toujours prononcé, mais de moins en moins audible. Les pays africains dont les financements en provenance de Pékin se multiplient trouvent une alternative à une Amérique qui n’a pas profité du vide laissé par la fin de la guerre froide pour vraiment engager une lame de fond en faveur de la démocratie.

La Centrafrique est exsangue, le Burundi à feu et à sang et certains régimes se muent peu à peu en dictature derrière le voile de réformes constitutionnelles. Le président rwandais Paul Kagame, grand allié des Etats-Unis envisage un troisième mandat avec au passage un changement de Constitution pour lui permettre ce tour de force alors qu’un pays comme Djibouti se claquemure de plus en plus avec l’aval silencieux des grandes puissances comme les Etats-Unis, mais aussi de la Chine. Pour une fois sur la même  longueur d’onde, les deux géants ont intérêt à voir rester au pouvoir un président Guelleh qui a rendu depuis longtemps l’uniforme du démocrate qui conduit des réformes. Au pouvoir depuis 1999, il songe aussi à une modification constitutionnelle pour se maintenir à un poste qu’il occupe depuis déjà trois mandats. La démocratie est bafouée, la justice tronquée (le président a par ailleurs fait volte-face et refusé de témoigner devant la justice britannique pour démêler les fils de l’affaire politico-financière Boreh), mais Barack Obama préfère détourner les yeux. Le jeu militaro-diplomatique est plus fort que tout.

La présidence Obama aura finalement été un espoir jamais concrétisé. Les forces de la raison d’Etat demeurent primordiales et les origines kényanes du président n’auront servi qu’à nourrir le folklore médiatique. Le réalisme prévaut toujours en politique internationale et profite à ceux qui en Afrique et ailleurs confisquent le pouvoir depuis des années. La montée en puissance de la Chine n’a rien de bon pour le développement de la démocratie sur le continent car elle permet de créer une concurrence malsaine avec les Etats-Unis où les chances de voir la démocratie émerger sont quasi-nulles. Le successeur de Barack Obama, qu’il soit Démocrate ou Républicain ne devrait pas parier sur des transformations en profondeur de l’Afrique. Les maux passés et actuels risquent fortement de perdurer. L’Histoire n’est jamais tendre et le bilan final à tirer des années 2000-2010 ne sera certainement pas mis en avant dans les manuels scolaires.

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