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Thaïlande : Internet dans le collimateur d’une junte totalitaire et paranoïaque

La Thaïlande est-elle en train de s’enfoncer lentement mais surement vers un mouvement insurrectionnel ? Les signes d’une dérive autoritaire se multiplient depuis plusieurs mois et la société se mobilise pour préserver Internet des velléités de censure d’une junte militaire qui fait fi des principes démocratiques les plus fondamentaux.
 
Sale temps pour les libertés publiques en Thaïlande. Les condamnations pleuvent sur des citoyens qui n’ont plus le droit d’exprimer la moindre opinion politique. La junte au pouvoir depuis mai 2014 renforce son contrôle des esprits et cela passe par une censure sans merci de l’information. La moindre critique est sévèrement punie, comme l’illustre le cas ubuesque d’un habitant de Bangkok, âgé de 68 ans, qui a eu le malheur d’être surpris en train d’écrire une phrase peu sympathique à l’encontre du roi sur la porte de toilettes publiques. Condamné à dix-huit mois de prison ferme pour crime de lèse-majesté, son temps derrière les barreaux sera finalement de trente six-mois car le graffiti incriminé était inscrit sur deux portes… La junte ne recule plus devant rien pour mettre au pas une population trop peu soumise à un pouvoir sans aucun fondement légal.
 
Depuis le coup d’Etat de 2014, les peines de prison sont prononcées à un rythme toujours plus soutenu avec comme pierre angulaire l’article de la Constitution relatif au crime de lèse-majesté. Une disposition anachronique, d’une sévérité extrême, que manipulent les militaires au pouvoir pour museler tout ce qui ressemble de près ou de loin à une remise en question du régime actuel. Les belles promesses de retour à un pouvoir civil se sont envolées avec la décision de ne partir qu’en juin 2017 (toujours à en croire la junte). Trois années au pouvoir pour quoi faire si ce n’est vitrifier la société thaïlandaise ?
 
Internet : ultime espace de liberté en danger 
 
Depuis plusieurs semaines, la relation conflictuelle entre la junte et la société civile se cristallise autour d’Internet. Dernier rempart à une censure omniprésente, Internet est dans le collimateur des généraux depuis leur arrivée au pouvoir. Ils ont finalement décidé de lancer une grande offensive contre la toile dans un mouvement de contrôle total de cet espace de respiration pour les Thaïlandais. Les militaires viennent finalement d’annoncer leur souhait de passer à une passerelle unique (comme aux débuts de l’Internet thaï) contrôlée par l’entreprise étatique CAT Telecom Co. Derrière la raison officielle, prétendant ainsi rendre le Web plus rapide, tous savent ce que cela signifie : un contrôle plus aisé et une censure plus grande.
 
Les médias en ligne sont certes visés, mais ont déjà été mis plus ou moins au pas depuis un an. La vraie cible est le citoyen lambda qui ne pourra plus s’exprimer sur sa page Facebook ou ailleurs sans craindre de voir la police l’emprisonner. Plusieurs personnalités ont déjà été victimes de ces procédés autoritaires et les internautes ont conscience qu’une bataille décisive est en train de se jouer. Des activistes du Web qui se font appeler « cyber armée F5 » ont ainsi lancé une première série d’attaques contre plusieurs sites du gouvernement. Le groupe, qui revendique 20 000 membres sur Facebook, s’est fendu d’un ultimatum. Si le projet de passerelle unique n’est pas abandonné par la junte, les attaques se multiplieront avec une intensité croissante. La menace est sérieuse et laisse présager d’un combat âpre entre les internautes et des militaires qui, s’ils faisaient machine-arrière, aurait l’impression de perdre la face – soit ce qui peut arriver de pire à un Thaïlandais. La Thaïlande entre dans une zone de turbulences certaine, bien malin en revanche qui pourra prédire sur quoi elle débouchera. 
 

Article proposé par Laurent Miller

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