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Airbnb : les 2,5 milliards d’euros rapportés à la France seraient-ils un leurre ?

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Comment sont calculés ces « 2,5 milliards » ?

Premier marché mondial de la société californienne, la France représente à elle seule plus de 10 % de l’offre mondiale d’Airbnb. Le site entend bien démontrer en quoi cette tendance à la location « tous azimuts » entre particuliers est bénéfique à l’économie française. Une étude, réalisée par Asterès, un cabinet d’études économiques français, s’appuie sur la totalité des séjours effectués en France sur une année pleine, entre septembre 2014 et août 2015. Elle reprend les données issues des hôtes (loueurs) et des voyageurs (locataires) au niveau national et local (Paris, Lyon et Bordeaux).

Pour les 3,9 millions de touristes entrants répertoriés dans l’étude, les dépenses en hébergement via la plate-forme représentent environ 500 millions d’euros annuels, tandis que les dépenses hors hébergement (nourriture, shopping, culture, etc.) atteindraient quatre fois cette somme, près de 2 milliard d’euros. Voilà comment Airbnb atteint ces « 2,5 milliards » d’euros d’impact économique global.

Les ¾ des clients seraient venus en France, même sans Airbnb

23 % des clients ne seraient pas venus ou seraient restés moins longtemps sans Airbnb, d’après un sondage publié dans l’étude. L’apport net de touristes en France représente dès lors 23 % des 3,9 millions annoncés, qui se seraient tournés vers le secteur hôtelier traditionnel, soit 900 000 touristes. Pour calculer l’impact global d’Airbnb, il convient donc de se rapporter à ses 23 % et non au 3,9 millions de touristes qui seraient venus quoiqu’il en soit.

En chiffre d’affaires supplémentaire pour l’hébergement seul, 115 millions d’euros auraient ainsi été générés (23 % des 500 millions annoncés), et 460 millions pour les dépenses annexes. Au total, l’apport réel à l’économie française par la plate-forme Airbnb n’atteint que difficilement 575 millions d’euros.

Quel bilan pour le secteur hôtelier traditionnel ?

Selon une étude du Sénat, 85 % des revenus tirés par les particuliers de la location via Airbnb est réalisée au noir, et ne fait l’objet d’aucune réglementation ni fiscalité. Cela représente 100 millions d’euros sur les 115 millions de l’hébergement des touristes qui ne seraient pas venus sans Airbnb.

Les ¾ des touristes qui auraient voyagé en France, même sans Airbnb, et auraient eu recours au secteur hôtelier génèrent 385 millions d’euros, soit autant de chiffre d’affaires détourné au détriment de l’hébergement légitime professionnel, dont 85 % au noir. On atteint les 330 millions d’euros de pertes pour le secteur traditionnel. Somme qui échappe par ailleurs à tout impôt. Quel bilan pour le secteur hôtelier et l’économie française globale ? L’hébergement classique arrive à un bilan négatif de – 270 millions d’euros. Si on enlève les pertes de recettes fiscales, nous sommes dans un jeu à somme nulle pour l’économie française. Sans compter les destructions d’emplois induites par le phénomène Airbnb dans un secteur légal et encadré qui représente une part substantiel du PIB français.

Quel est le profil de l’hôte français ?

A quoi ressemble le loueur typique d’Airbnb en France ? La société fait valoir que plus de la moitié des hôtes perçoivent des revenus inférieurs au revenu médian français (30 300 euros annuels). Cet argument paraît corroborer l’utilité de la location de logements entre particuliers, qui permet d’arrondir ses fins de mois. Il est en réalité logique : le revenu médian est établi « tel que la moitié des salariés de la population considérée gagne moins et l’autre moitié gagne plus », comme le définit l’INSEE. Sans publier les chiffres mais en annonçant que « plus de la moitié » gagne moins que le salaire médian, Airbnb n’avance donc aucun argument significatif : il est assez peu étonnant que la moitié des hôtes gagnent moins, et que l’autre moitié des hôtes gagne plus.

Soutenir l’argument qu’Airbnb est bénéfique en tant que complément de revenu n’est que le reflet de la précarisation croissante des jeunes, mais aussi des travailleurs pauvres et des seniors. Le profil de l’hôte français établi par Airbnb est à ce titre révélateur : « Entre septembre 2014 et août 2015, plus de 140 000 hôtes français ont accueilli des visiteurs chez eux. En moyenne, les hôtes français sont âgés de 42 ans. 23 % des hôtes sont indépendants ou entrepreneurs et 13 % sont à la retraite. » L’utilisation des revenus complémentaires issus de la location de leur logement passe d’ailleurs pour plus de 50 % des hôtes dans des dépenses courantes (33 %) ou tout simplement pour réussir à payer leur loyer (21 %). Un hôte parisien interrogé par Airbnb explique « Airbnb m’aide à conserver mon logement parisien, sans cela, je serai obligée de m’installer en banlieue ».

Deux chiffres sont finalement à mettre en parallèle : les 140 000 hôtes français revendiqués par Airbnb ont loué 176 800 logements. Un chiffre qui en dit long sur les pratiques des multipropriétaires.

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