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Le paquet neutre bientôt devant le Conseil constitutionnel

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Adoptée définitivement jeudi 17 décembre par un ultime vote à l’Assemblée nationale, la loi Santé doit désormais obtenir l’aval du Conseil constitutionnel, tandis que l’OMC est saisie et se prononcera sur la question du paquet neutre, qui est l’une des mesures les plus décriées de la loi. 

Si le tabac tue encore 73.000 personnes par an en France, la volonté d’instaurer un paquet neutre a provoqué un véritable tollé au sein de l’opinion publique. Elle pose en effet deux problèmes majeurs : d’une part, le risque avéré d’augmentation de la contrefaçon, et d’autre part, l’atteinte à la liberté de choix du consommateur. Le gouvernement fait néanmoins la sourde oreille, et la ministre de la Santé, Marisol Touraine, espère voir circuler le paquet générique dès le mois de mai 2016. Seulement, avec un rejet massif du paquet neutre au sein de l’UE, ce projet, louable dans l’intention, s’avère être un terrain glissant.

L’OMC n’a pas encore rendu sa décision concernant le paquet neutre

Son adoption par l’Assemblée nationale, tandis que le Sénat a voté quasi unanimement contre (228 voix contre 16), s’est d’ailleurs déroulée dans un contexte particulièrement tendu. Les élus Les Républicains, UDI et la plupart de ceux du Front de gauche, ont vivement exprimé leur opposition au projet de loi sur la Santé. Même certains élus du Parti socialiste, dont Sébastien Denaja (Hérault), Razzy Hammadi (Seine-Saint-Denis) ou encore Jean-Louis Dumont (Meuse), ont affiché très clairement leur désaccord avec le paquet neutre.

L’un des principaux arguments avancés : la mesure pose de graves problèmes de droit – de propriété notamment. Il s’agirait en effet d’une expropriation indirecte des droits de propriété intellectuelle des fabricants, puisque la mesure priverait les marques de leurs droits de représentation graphique sur leurs produits. Les marques figuratives (signes, dessins) sont en effet des objets de propriété rattachables aux textes constitutionnels et internationaux qui protègent l’exercice du droit de propriété. Aussi, un recours a été formé pour soumettre la question au Conseil constitutionnel, dernière étape avant que le texte ne soit validé.

Cependant, certaines voix s’élèvent pour exhorter le gouvernement – ainsi que les sages de la rue de Montpensier – à attendre que l’OMC, saisie par plusieurs pays, rende sa décision concernant le droit des marques. La France, d’ailleurs, pourrait être forcée à indemniser les industriels du tabac à hauteur de vingt milliards d’euros, si la violation de leurs droits était avérée.

D’autant que le préjudice du paquet neutre pourrait aller plus loin. Les pays producteurs de tabac ont eu une réaction sans appel à cette décision. Ils menacent tous d’imposer un étiquetage neutre sur tous les produits potentiellement nocifs pour la santé venant de France (produits du terroir, mais surtout, le vin). On voit, en comparant avec nos porpres exportations, à quel point la mesure est radicale ; les conséquences en matière de vente de vin seraient par ailleurs catastrophiques.

Une autre conséquence avancée par les opposant à ce projet est l’explosion de la contrefaçon. Le prix et l’aspect repoussant des paquets encourageraient en effet le consommateur français à se détourner, encore un peu plus, du réseau national. Il stimulerait ainsi le trafic et la contrebande, qui représentent déjà plus de 10 milliards de cigarettes consommées chaque année en France, et totalement incontrôlables du fait de l’abolition des frontières due à l’espace Schengen.

 

L’Australie, pays à l’initiative du paquet neutre, aurait d’ailleurs connu une hausse de 12,7 % de la contrefaçon, selon une étude du groupe d’audit international KPMG de 2014. Hausse qui a entraîné une perte nette de recettes fiscales de 1,1 milliard de dollars australiens. Les buralistes eux aussi ont constaté une chute de leur activité. 77 % d’entre eux rapportent une baisse sensible de leurs affaires et l’imputent au paquet neutre. Près de 23 % des cigarettes fumées en France en 2012 ont été achetées ailleurs que dans les bureaux de tabac. Dans 7 % des cas il s’agit de produits licites, mais dans 15,7 % des cas il s’agit de contrebande. 

 

Crédits photo : AFP

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