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Thaïlande : la junte confondue par une invitation du Parlement européen

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Le 7 mai, la justice destituait Yingluck Shinawatra, Première ministre, accusée d’abus de pouvoir pour une mutation de fonctionnaire controversée. Deux semaines plus tard, le 22 mai, le général Prayuth Chan-ocha s’octroyait le pouvoir. La démocratie est morte, vive la junte.

Un tableau presque habituel dans un pays où l’on dénombre douze coups d’Etat réussis et sept tentatives infructueuses depuis 1932. Depuis ce triste mois de mai 2014, les militaires tentent de justifier leur présence à la tête de l’Etat. En interne il s’agit de sauvegarder la figure royale, institution sacrée à laquelle reste profondément attachée une majorité de la population. L’arme ultime utilisée à souhait étant le crime de lèse-majesté qui sert plus à réduire au silence les opposants à la junte plutôt qu’aux critiques d’un roi très âgé et qui ne règne que sur le papier. A l’extérieur, la junte explique à qui veut l’entendre qu’elle est là pour une courte durée. Juste le temps de rédiger une nouvelle Constitution (après avoir supprimé l’ancienne) et de calmer les esprits. Un travail d’au moins trois ans…

Se présenter comme un parangon de l’ordre et de la démocratie est compliqué et le moindre grain de sable peut venir faire dérailler une machine militaire bien mal engagée sur le chemin démocratique. Fin novembre, les médias thaïlandais ne savaient plus à quel saint se vouer après l’annonce d’une invitation envoyée à Yingluck Shinawatra, ancienne Première ministre, pour qu’elle vienne discuter de la situation du pays avec des parlementaires européens. L’invitation signée de deux eurodéputés a d’emblée été soupçonnée d’être un faux. Un style jugé bizarre, une date du 7 octobre bien lointaine par rapport à l’annonce de l’existence de ce document, pas de signatures de hauts responsables européens… Tout a été perçu avec la plus grande perplexité. Un moyen de déstabiliser un régime qui se cherche par le biais d’un faux document.

Entre temps, l’un des deux signataires a confirmé la véracité de l’invitation. « Oui, cette lettre est signé par M. Brok et moi-même » a déclaré Werner Langen. L’objectif de cette invitation étant d’aider la Thaïlande à « un retour aux structures démocratiques qui permettent une réconciliation entre les factions rivales ». Un geste d’apaisement et de dialogue qui est perçu comme une menace dans un régime qui n’a décidément rien de démocratique. Et ce à tel point que la présence de l’ancienne Première ministre sur le sol européen inquiète les plus hauts gradés. Reste un obstacle de poids pour que l’invitation ne soit pas lettre morte : la décision de la justice thaïlandaise qui doit se prononcer sur l’autorisation de sortie de territoire d’une personnalité politique dans le collimateur des juges et qui devra répondre à des accusations d’abus de pouvoir à compter du 16 janvier prochain.

Et après une longue attente où la gêne était perceptible à Bangkok – le discours de préservation de la démocratie par les militaires étant de plus en plus difficile à tenir – Yingluck Shinawatra a été interdite de tout voyage en Europe. Par ce refus, la junte a signé à l’international l’acte qui fait bien d’elle un régime tout sauf démocratique. Le piège s’est refermé sur elle, mais en attendant de jours meilleurs la Thaïlande vit dans la peur.

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