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Changement climatique : peut-on se passer de l’énergie nucléaire ?

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L’énergie nucléaire, une composante nécessaire de la lutte contre le changement climatique

Si la question fait débat et anime depuis tant d’années le feuilleton du changement climatique, elle n’est aujourd’hui plus vraiment contestable et seuls quelques irréductibles sans doute mal informés sont désormais enclins à décrier l’énergie nucléaire. C’est un fait, il est mathématiquement impossible d’assurer l’alimentation des besoins en électricité d’une population mondiale en hausse tout en réduisant dans le même temps les émissions de gaz à effet de serre et le recours à l’énergie nucléaire. 

La lutte contre le changement climatique passe avant tout par la diminution rapide du recours aux énergies fossiles, qui représentent aujourd’hui plus de 80 % de la consommation d’énergie dans le monde. Nous ne disposons pour cela que de deux leviers : réduire les consommations d’énergie nécessaires à la satisfaction de nos besoins, et remplacer les énergies fossiles par des énergies non carbonées. Celles-ci sont d’une part les énergies renouvelables, dans toute leur diversité, et d’autre part le nucléaire, seule énergie présentant les caractéristiques techniques permettant un déploiement immédiat à grande échelle. Sa production stable, bon marché et non émettrice de CO2 apparaît en effet des plus adaptées aux nouveaux enjeux énergétiques du 21ème siècle et permettrait d’accompagner durablement le développement technologique des énergies renouvelables intermittentes, toujours confrontées au défi technologique du stockage électrique. 

Dans un tel contexte, de nombreux scientifiques et climatologues de renom estiment qu’il est aujourd’hui nécessaire de recourir davantage à l’atome et d’accepter l’énergie nucléaire comme un élément central du mix énergétique futur. Le 3 décembre dernier, en pleine COP21, quatre climatologues parmi les plus titrés de leur discipline – James Hansen (considéré comme le père du changement climatique), Ken Caldeira, Tom Wigley et Kerry Emanuel – tenaient dans ce but une conférence de presse au Bourget, pour appeler solennellement à un développement rapide et massif de l’énergie nucléaire.

Dans une tribune publiée le même jour par le quotidien britannique The Guardian et relayée depuis par Le Monde, ces quatre spécialistes précisaient, calculs à l’appui, « qu’en tenant compte du développement des pays les plus pauvres ainsi que de l’augmentation de la demande due à la démographie », il faudrait construire « 115 réacteurs [nucléaires] par an d’ici à 2050 pour décarboner entièrement la production mondiale d’électricité ».

L’énergie nucléaire n’a donc plus rien d’une option facultative et s’impose désormais dans de nombreux pays émergents en quête d’une source d’énergie décarbonée leur permettant à la fois de combler leur déficit énergétique, de répondre à l’augmentation des consommations électriques ou de se défaire de leur dépendance aux énergies fossiles, sans pour autant nuire à l’environnement et à l’effort climatique.  

Les pays émergents, nouveaux leaders de la croissance nucléaire mondiale

L’énergie nucléaire présente dans ce cadre de nouvelles perspectives de développement pour les décennies à venir et devrait progresser selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de près de 3 % en capacité de production installée d’ici à 2030. Dans le détail, l’AIEA estime en effet qu’au minimum chaque réacteur arrêté sera remplacé par la mise en service d’un autre réacteur à l’échelle internationale. Un ratio d’un pour un donc qui pourrait même grimper à 1,7 selon le scénario le plus optimiste. 

Cette tendance est soutenue en grande partie par la croissance de la demande d’électricité en Asie et au Moyen-Orient, deux régions globalement favorables à l’énergie nucléaire, ainsi qu’au rôle grandissant du nucléaire dans les politiques d’atténuation du réchauffement climatique à l’échelle planétaire. La Chine par exemple soutient à ce jour pour une large part l’expansion de la filière nucléaire avec près de 24 réacteurs en construction et devrait atteindre en cumulé avec la Corée du Sud, une capacité totale pour 2030 estimée à 131,8 GWe selon les projections basses et 219,0 GWe selon les projections hausses, soit une augmentation possible de 87,1 %. 

L’Extrême-Orient (Iran et Arabie-Saoudite en tête) pourrait augmenter quant à lui sa capacité de production nucléaire de 50 % à 150 % au cours des 15 prochaines années afin de réduire sa dépendance aux hydrocarbures. Le groupe français EDF, apprécié à l’international pour son expérience dans l’exploitation du plus grand parc nucléaire au monde (58 réacteurs), a notamment signé avec le Royaume Wahhabite une lettre d’intention et envisage la construction éventuelle de deux réacteurs EPR en Arabie-Saoudite.

De manière générale, les pays émergents sont aujourd’hui aux avant-postes du développement nucléaire. Des projets sont en cours de négociation ou de réalisation en Egypte, en Biélorussie, en Finlande, en Hongrie, au Vietnam, au Bangladesh, en Afrique du Sud ou en Inde. Cette dernière vient par ailleurs de conclure un nouvel accord de partenariat avec l’Agence russe Rosatom pour la construction de nouvelles unités de production, et souhaiterait à terme devenir le deuxième marché mondial du nucléaire derrière la Chine.

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