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France-Maroc : la fin des turbulences ?

Une délégation française l’a fêté en grandes pompe lors d’une visite de « travail et d’amitié » à Tanger en septembre 2015 : les relations entre le France et le Maroc sont à nouveau au beau fixe. Accompagné de nombreux politiques, entrepreneurs et intellectuels, le président français François Hollande était venu montrer patte blanche, et célébrer une collaboration bien plus profonde que les récents différends qui ont soufflé le froid sur les rapports entre Paris et Rabat. Chose rare : les deux dirigeants ne se sont pas quittés pendant deux jours durant. Au passage, 14 accords et une ligne de crédit de 25 millions d’euros visant à renforcer le partenariat franco-marocain en Afrique ont été signés. Des accords qui n’ont rien de surprenant alors qu’en réalité, la réconciliation franco-marocaine est scellée depuis le printemps. Cette visite ne venait que couronner la reprise des affaires.

La réconciliation franco-marocaine

En mai 2015, après une longue année de brouille diplomatique, le royaume chérifien et la république française ont en effet décidé de tourner la page sur une bisbille qui a débuté au début de l’année 2014, avec la convocation par la justice française du patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, de passage à Paris. Ce dernier était visé par des plaintes pour « complicité de torture ». Une demande française très mal vécue par la souveraineté marocaine et qui a entrainé la suspension par le Maroc de toute coopération judiciaire bilatérale.

Tout au long de l’année 2014, les couacs diplomatiques se sont multipliés : fouille policière injustifiée du ministre Mezouar à l’aéroport parisien de Roissy, remarque déplacée d’un diplomate français comparant le Maroc à une maîtresse « dont on n’est pas particulièrement amoureux, mais qu’on doit défendre », etc. Il faudra attendre février 2015, et le retour du magistrat de liaison marocain à Paris et de son homologue français à Rabat, pour voir le climat entre les deux pays commencer à se normaliser.

Mounir Majidi place les pions marocains

Si les deux pays sont prompts à se réconcilier en cas de crise, c’est qu’ils ont des relations – notamment économiques – très étroites. Tous deux auraient beaucoup à perdre d’une détérioration sérieuse de leurs rapports.  La France, en premier lieu, perdrait une voie majeure d’accès au continent Africain, où son rôle économique a diminué ces derniers temps. La part de marché française en Afrique est passée de 10,1 % en 2000 à 5,8 % en 2012. L’attractivité économique qu’a développée le régime du Rabat depuis une quinzaine d’année est un atout considérable dans cette optique et est loin de relever du hasard.

En 2000, le roi Mohammed VI nomme Mounir Majidi secrétaire particulier et lui demande de réorganiser l’économie du pays autour de champions nationaux, notamment dans les domaines à forte croissance (les télécommunications, l’énergie, le transport, la banque, la santé, le tourisme, l’immobilier et la grande distribution). Une stratégie qui l’amène à collaborer de manière croissante avec le monde de l’entreprise hexagonal. Le Maroc est alors progressivement devenu une plate-forme pour les investissements conjoints et la conquête de marchés sur le continent. À cet égard, l’implantation, en 2012, sur la zone franche de Tanger-Med de l’usine Renault (1,1 milliard d’euros d’investissements et 7 000 employés)  a été une étape importante et pourrait servir d’exemples à des initiatives semblables dans le futur.

Et alors que l’économie ne fait pas tout, on observe depuis plusieurs années au Maroc la réalisation de nombreux progrès sociaux qui jouent encore un peu plus dans la « balance commerciale » marocaine. Dernier exemple en date : la nomination par Mounir Majidi de deux femmes, Nadia Fassi-Fehri (PDG) et Noufissa Kessar (directeur exécutif) à des postes clés au sein de la Société nationale d’investissement, une holding d’investissement marocaine privée dont le principal actionnaire est SIGER, la holding royale.

Une relation gagnant-gagnant

A trop bouder la France, le Maroc risquerait de son côté de la perdre en faveur de l’Algérie, son grand rival régional. Le pays affiche de plus encore un nombre de fragilités bien réelles, parmi lesquelles son système éducatif et la mauvaise répartition des richesses. La France a un rôle d’assistant à jouer dans l’accompagnement du développement du Maroc, notamment en matière d’éducation supérieure, de contenus web francophones ou encore d’échanges de technologies (spécialement dans le développement durable, voie qu’a choisi de suivre le Royaume méditerranéen).

Au-delà de la collaboration économique, la coordination en matière de sécurité est aussi cruciale pour les deux états.  Rappelons que la suite des attaques terroristes de janvier qui ont fait 17 morts sur le sol français ont eu lieu en pleine brouille entre les deux pays, alors que les deux services secrets ne communiquaient plus. On comprend mieux les efforts déployés par la dernière délégation française au Maroc, et l’accueil honorifique qui leur a été réservé. Conscients de ce que leur divorce entrainerait, les deux pays ont décidé d’à nouveau faire de leur relation un atout.

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