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Chinafrique : la Chine, un partenaire intéressant pour l’Afrique ?

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Stratégie de prédation de la Chine : après l’Indonésie, la Malaisie

50 % de l’aluminium mondial est aujourd’hui d’origine chinoise. Chaque année, la Chine produit 28 millions de tonnes d’aluminium. Mais le pays ne produit pas assez de bauxite, matière première de l’extraction d’aluminium, pour subvenir au besoin de son incroyable production d’aluminium. A l’origine, l’Indonésie fournissait une part substantielle de la bauxite à destination de la Chine. En janvier 2014, Jakarta a cependant décidé d’interdire l’exportation de minerais bruts pour cause de « nationalisme des matières premières », le pays comptant exploiter ses nombreuses ressources minières. Mais si le gouvernement est depuis revenu sur cette décision, il a maintenu l’interdiction pour la bauxite.

C’est vers la Malaisie que la Chine s’est alors tournée. Depuis que la Malaisie a endossé le nouveau rôle de fournisseur de bauxite du géant asiatique, sa production est passée de 200 000 tonnes en 2013 à plus de 20 millions l’année dernière. Une croissance à peine croyable dont les conséquences environnementales comme sociales sont nombreuses. A tel point que le pays a annoncé qu’il arrêtait temporairement sa production de bauxite dans l’est du pays, à compter de la mi-janvier. Un moratoire de trois mois a été déclaré pour permettre d’évaluer les dégâts causés sur l’environnement et la santé.

Graves conséquences pour l’environnement et la santé

L’extraction du minerai, qui s’effectue par le creusement de galeries dans le sol, est en effet susceptible de rejeter des métaux lourds cancérigènes comme le strontium, le césium, ainsi que de faibles niveaux de radioactivité. Des associations environnementales ont dénoncé la multiplication des extractions, souvent illégales, et les populations sur place se plaignent de plus en plus de problèmes respiratoires et de démangeaisons. Les camions chargés de bauxite soulèvent des nuages de poussière rouge qui envahissent habitations, écoles et hôpitaux et contaminent aussi champs et rivières.

Le ministre malaisien de l’Environnement, Wan Junaidi Tuanku Jaafar, a précisé lors d’une conférence de presse que si l’industrie ne parvenait pas à réduire les risques de pollution, l’interdiction d’extraction du minerai pourrait être maintenue. Une menace qui n’effraie pas Pékin, déjà loin de se préoccuper des conditions d’extraction de la bauxite qui lui permettent pourtant de maintenir sa surproduction d’aluminium. Dans les pays où elle s’est implantée, la Chine adopte une simple attitude de « consommatrice », n’hésitant pas à rejeter ses déchets dans les cours d’eau et ne se préoccupant pas de reboisement.

La Guinée, nouvelle proie

Autant en raison de l’embargo des pays voisins que pour accélérer la « Chinafrique », Pékin commence à s’intéresser à l’Afrique pour se fournir en bauxite, et plus particulièrement à la Guinée.

Le plus grand producteur privé d’aluminium en Chine et dans le monde en 2015, Hongqiao, a d’ores et déjà conclu un accord pour développer et exploiter pendant 25 ans des réserves de bauxite en Guinée. Faut-il laisser le pays, première réserve mondiale du minerai, suivre le même chemin que l’Indonésie et la Malaisie ? Si les désastres causés à l’environnement et à la santé sont connus, les bénéfices économiques de tels partenariats restent quant à eux incertains.

La stratégie de prédation chinoise montre le manque de fiabilité du pays et de ses investisseurs comme partenaires commerciaux. On leur reproche en effet leur faible implication dans les retombées économiques et sociales de leurs activités au niveau local, les lieux d’implantation bénéficiant peu de l’exploitation de leurs richesses. Les investissements se traduisent rarement en projets de développement sur le long terme pour construire des infrastructures, des écoles ou des routes, tandis que Pékin profite sans problème des moyens mis à sa disposition par les pouvoirs publics. Sans compter les complications induites par l’immigration massive de travailleurs chinois : officiellement, ce sont 30 000 ressortissants chinois qui se trouveraient déjà en Guinée, mais on avance le chiffre de 100 000 Chinois qui seraient en situation irrégulière.

Quelles leçons tirer des expériences indonésiennes et malaisiennes ? Le moratoire malaisien montre qu’il vaut mieux intervenir en amont, et ne pas lier de partenariat avec la Chine – qui ne compte pas parmi ses objectifs la croissance du pays exportateur – plutôt que de panser ses plaies. Mieux vaut prévenir que guérir en somme. Pourquoi les pays africains devraient-ils ouvrir leurs ressources naturelles à un État prédateur sans en tirer le moindre bénéfice ?

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