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Économie du partage : Airbnb va-t-elle enfin rentrer dans le rang ?

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Airbnb se fait petit à petit rattraper par les règles que l’économie supposée « collaborative » lui permettait de contourner. A New York, Barcelone ou encore à Paris, premier marché mondial de la plateforme de location de logements, les pouvoirs publics se font plus fermes pour que le géant américain rentre dans le rang. 

1500 offres retirées à New York

Sommée de transmettre dans le cadre d’un litige qui l’oppose à New York (Etats-Unis) ses données au procureur de l’Etat, Airbnb a avoué avoir fait le ménage au préalable. 1500 offres auraient ainsi été supprimées de la plateforme car elles ne reflétaient pas « la vision d’Airbnb pour sa communauté » selon Josh Meltzer, chargé des affaires publiques de la start-up. Il s’agit en réalité d’offres illégales au regard de la réglementation de l’État qui encadre depuis 2011 plus fermement la location entre particuliers. La durée minimale de location a été fixée à 29 jours et seuls les logements principaux peuvent être loués par ce canal. Selon une étude publiée par Airbnb le 1er décembre dernier, 95 % des loueurs new-yorkais ne proposeraient qu’un seul appartement à la location, contre 4 % qui en proposeraient deux. Les offres émanant de multipropriétaires sont pourtant celles qui saturent le marché. L’analyse des données d’Airbnb par les autorités américaines a révélé que 2 % des propriétaires qui disposent de plus de trois logements génèrent à eux seuls 24 % de l’activité sur le site.

Airbnb continue de recycler le vieux cliché éculé de l’étudiant qui loue son canapé pour payer ses factures et donner un parfum « local » aux vacances de ses invités… La réalité est toute autre. 26 % des offres de location à Berlin et 55 % à Barcelone seraient proposées par des loueurs professionnels, qui mettent en ligne trois logements ou plus. Sans parler des demeures somptueuses proposées à des milliers d’euros la nuit. On est loin de la chambre de bonne sous les toits.

Une activité qui permet de générer des revenus conséquents mais qui échappent encore à toute fiscalité. En France, premier marché de la start-up californienne, le rapport Terrasse (du nom du député socialiste qui l’a remis au Premier ministre en février dernier) amorce une ébauche de système d’impôt sur les revenus obtenus grâce à la location temporaire d’un logement. La plateforme serait chargée de déclarer les gains de ses utilisateurs aux administrations fiscale et sociale. Un moyen d’éviter que n’échappe à l’impôt toute une économie parallèle galopante.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour une « République numérique » porté par Axelle Lemaire, un amendement a été déposé – contre l’avis de la ministre – pour interdire aux locataires de sous-louer leur logement sur les plateformes sans un accord écrit des propriétaires. Ceux qui parmi ces derniers souhaiteraient mettre en location leur bien devront quant à eux prouver qu’ils en sont bien les propriétaires – les plateformes seront tenues de vérifier ces documents. En cas de manquement, l’amende est salée : jusqu’à 25 000 euros d’amende pour le locataire et 80 000 euros d’amende pour la plateforme de location.

Vers un « droit à louer » ?

Des chercheurs des universités de Cambridge, Londres et Boston sont allés plus loin en proposant un système de « droits à louer » proche de celui du « droit à polluer » du protocole de Kyoto. Les autorités locales accorderaient aux propriétaires des autorisations de louer, qu’ils pourront revendre s’ils ne s’en servent pas. Une carte établirait le nombre d’autorisations plus ou moins élevé selon les quartiers, en fonction du « développement de l’économie locale », de « la durabilité du tourisme » et de la déconcentration des offres. Pour que le système fonctionne, les autorités devront procéder au recoupement des listes de propriétaires (pour éviter la sous-location) et des personnes bénéficiant d’une autorisation de la municipalité. Là encore, le transfert de données risque de poser problème. « Les sociétés de l’économie collaborative peuvent et doivent partager une partie de leurs données, défendent les chercheurs. Elles doivent être suffisamment précises pour informer les autorités mais assez vagues pour protéger la vie privée et la sécurité des utilisateurs ».

Dernier chantier : taxer les revenus de la société elle-même. Malgré ses 2,5 milliards de chiffres d’affaire, Airbnb ne paie qu’une poignée d’euros d’impôts en France. Une coordination internationale est nécessaire pour mettre un terme à ces montages fiscaux qui lui permettent d’échapper à l’impôt sur les sociétés. Une proposition du rapport Terrasse avance ainsi l’idée de mobiliser la communauté internationale en s’appuyant sur les travaux de l’Organisation de coordination et de développement économiques (OCDE) pour enfin réussir à faire passer à la caisse le mastodonte américain. Pour Ian Brossat, l’adjoint au maire de Paris chargé du logement, il s’agit avant tout de « construire une coalition des villes capables de modifier le rapport de force avec Airbnb ». Car si l’économie du partage est « une opportunité pour la croissance française, reconnait Jean-Bernard Falco, président de l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (Ahtop), chacun doit jouer la partie à armes égales ». Sous-entendu dans le respect de la légalité.

Crédits photo : The New York Times

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