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Djibouti : une élection présidentielle « crédible » ?

L’élection du 8 avril 2016, qui a vu la victoire d’Ismaël Omar Guelleh, n’a pas entraîné beaucoup de réactions en Afrique et dans les pays européens. La force de l’habitude, peut-être, puisque le président en exercice a été réélu pour un quatrième mandat consécutif.

La présidentielle djiboutienne n’a pas fait lever les foules le vendredi 8 avril. Le résultat ne faisait aucun doute car les quelques opposants en lice n’avaient aucunement la carrure pour amener le chef de l’Etat à devoir se plier au moins à un second tour. Finalement arrivé largement en tête du scrutin avec près de 86 % des voix, l’avenir présidentiel semble très dégagé. Le pouvoir législatif est entre les mains de son parti et l’opposition est incapable de peser sur les débats comme ce fut le cas en 2013.

Des procès-verbaux manquants

M. Khaireh, le principal candidat d’opposition, juge que les résultats annoncés sont « fantaisistes ». La question d’une fraude massive est dans tous les esprits. Le candidat malheureux qui a terminé second avec 7,32 % des voix affirme qu’« à cette heure, aucun des candidats n’a reçu les procès-verbaux des bureaux de vote. Si nous ne pouvons pas accéder à ces procès-verbaux, nous ne pouvons pas apporter la preuve » d’une manipulation. Qu’elles aient participé au scrutin ou non, les principales figures de l’opposition ne s’étonnent guère de ce raz-de-marée présidentiel qui a été, chose plus surprenante, confirmée par la délégation envoyée par l’Union africaine (UA).

En effet, si les observateurs de l’UA ont repéré des « irrégularités », leur conclusion est que l’élection a été « libre » et « crédible ». Une prise de position assez curieuse dans la mesure où dans un quart des bureaux visités, « le procès-verbal (de dépouillement) n’a pas toujours été rédigé, ni signé par les membres du bureau de vote et les délégués des partis (…) Les procès verbaux n’ont pas été affichés publiquement sur la porte du bureau ». Plus problématique encore, des observateurs ont vu des urnes fermées à l’aide d’un simple cadenas tandis que des assesseurs arboraient un t-shirt de soutien au président Guelleh.

« Respect des droits de l’homme »

Tout a semble-t-il été fait pour que l’issue du scrutin ne fasse aucun doute. Les ONG locales et internationales ont eu beau dénoncer une pression accrue des forces armées lors de la campagne, peu a été relayé dans les médias si ce n’est un terrible massacre qui a fait plusieurs dizaines de morts en décembre 2015 à l’occasion d’un rassemblement d’opposants. La police est intervenue et a tiré dans la foule en faisant de nombreux morts et blessés, des opposants ont été arrêtés alors qu’aucun débordement n’avait été constaté. Ce coup mortel a été le plus visible, mais pas le seul au cours d’une campagne qui n’a pas pu voir de grands rassemblements démocratiques s’opposant au président au pouvoir. Les droits de l’homme sont mis de côté, et ce surtout lorsque des élections sont en ligne de mire.

Malgré tout, le résultat n’est pas contesté à l’étranger et seule l’opposition à l’intérieur du pays et une partie de la diaspora pointe du doigt le score soviétique de celui qui a succédé à son oncle en 1999. Djibouti n’a connu que deux présidents depuis l’indépendance de 1977 et n’est pas encore un havre de paix pour la démocratie. Mais les arrangements avec les lois électorales ont eu pour effet une grande stabilité politique qui est jugée appréciable par les partenaires économiques et militaires de Djibouti. La France, le Japon et les Etats-Unis disposent chacun d’une base militaire et la Chine est en train de construire ses propres facilités militaires.  

Cependant, comme le soulignent des universitaires qui ont signé une tribune dans Le Monde juste avant l’élection présidentielle, « la stabilité à long terme dépend du respect des droits de l’homme ». Des droits de l’homme, qui on le constate ne sont qu’un mot creux pour les autorités. Cependant, l’avenir d’un Etat n’est pas écrit dans le marbre et un changement (par quel biais ?) ne peut en aucun cas être mis de côté pour toujours. 

 

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