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Report de la réduction du nucléaire : une réponse aux enjeux de la transition énergétique ?

Le retrait du nucléaire repoussé à 2019

La loi de transition énergétique pour la croissance verte, promulguée en août 2015, prévoit de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 à 50 % à l’horizon 2025 afin d’accompagner progressivement le développement des énergies renouvelables. Cette décision, résultant d’une promesse du candidat François Hollande avant son élection, paraît toutefois bien mal engagée et pour cause.

La ministre de l’environnement, Ségolène Royal, a annoncé la semaine dernière, que le gouvernement publierait sa feuille de route sur le nucléaire avant le 1er juillet 2016 et que ce document préciserait « une fourchette du nombre de réacteurs à fermer, en fonction de deux scénarios d’évolution de la consommation électrique » (l’un de baisse de la demande à l’horizon 2025, l’autre de maintien de la consommation), sans pour autant désigner de réacteurs à fermer dans l’immédiat. Elle précise ainsi qu’aucun arbitrage ne sera rendu avant 2019 et que la diminution du nucléaire en France ne sera entamée que lors de la seconde période de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) s’étalant de 2019 à 2023.

La question du nucléaire était déjà absente la semaine précédente lors de la publication du projet de décret sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie traitant pour le moment exclusivement du développement des énergies renouvelables. La ministre estime en effet indispensable de dynamiser les filières renouvelables dans les plus brefs délais sans lier leur destin à l’avenir encore incertain de l’énergie nucléaire. Comme l’expliquait au Monde Ségolène Royal, « j’ai choisi de procéder en deux temps, en avançant d’abord sur les renouvelables. C’est une façon de sécuriser leur développement, en le rendant indépendant du volet nucléaire, plus compliqué à traiter et conflictuel. Les filières renouvelables ont besoin de visibilité. Si leur sort était lié à celui du nucléaire, les professionnels pourraient craindre que tout soit remis en cause en cas d’alternance politique ».

Pour une transition énergétique plus harmonieuse

Absente du premier projet de décret sur la PPE et finalement repoussée au mieux à 2019, la réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français n’a eu de cesse d’alimenter la polémique sur les promesses non tenues du Président Hollande. Pourtant, si cette décision ne passe pas auprès de certaines associations anti-nucléaire, force est de constater qu’elle semble aujourd’hui la plus responsable au regard des exigences climatiques actuelles et des défis énergétiques à venir.

Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, appliquer une réduction si rapide des moyens de production électronucléaire, imposerait en effet au gouvernement d’arrêter en moins de dix ans près d’une vingtaine de réacteurs sur les 58 que compte actuellement le parc français. Un défi techniquement impossible et dont les conséquences économiques et énergétiques pourraient être très lourdes à porter pour les gouvernements suivants. Il suffit pour s’en convaincre de regarder chez nos voisins d’outre-Rhin qui depuis le retrait progressif du nucléaire entamé en 2011, ont enregistré une hausse considérable de leurs émissions de gaz à effet de serre – plusieurs centrales au charbon ayant dû être réactivées pour compenser la fermeture des centrales nucléaires – et une augmentation du prix de l’électricité pour les consommateurs.

Le gouvernement français, accusé de se décharger de sa responsabilité et de laisser ce dossier sensible à ses successeurs, s’assure ici tout simplement du maintien d’une production électrique décarbonée suffisante pour répondre aux besoins énergétiques français, avant d’engager des fermetures irréversibles. De telles fermetures, qui concernent rappelons-le des milliers d’emplois et des millions d’euros de recettes fiscales pour les communes, ne peuvent être prises à la légère et décidées en si peu de temps. Elles nécessitent d’une part des moyens de substitution renouvelable suffisants (ce qui ne sera pas le cas avant plusieurs années, voire plusieurs décennies) et d’autre part, une réflexion approfondie pour sauvegarder les milliers d’emplois industriels en jeu.

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