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Afrique : les enfants handicapés délaissés par le système scolaire

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L’UNICEF tire la sonnette d’alarme

« Les enfants qui vivent avec un handicap restent ceux qui sont les plus marginalisés de tous les groupes d’enfants africains », déplorait déjà en 2012, à l’occasion de la Journée de l’enfant africain, la directrice de l’unité Handicaps de l’UNICEF, Rosangela Berman Bieler. « Seul un petit pourcentage d’entre eux est scolarisé, et rares sont ceux qui bénéficient de l’éducation adéquate et inclusive dont ils ont besoin ».

En 2011, l’UNICEF publiait les résultats d’une étude menée à Madagascar qui montrait qu’en moyenne, seulement 11 % des enfants handicapés étaient inscrits à l’école primaire. La fréquentation scolaire était encore plus basse parmi les filles. En cause ? La honte des familles, qui préfèrent souvent cacher les handicaps de leurs enfants, mais aussi le manque ou l’éloignement des structures adaptées, dont le prix peut également se révéler prohibitif.  
« Il faut accorder la même importance à tous les enfants au sein du système scolaire. »

Cinq ans après, c’est au tour de l’ONG Human Rights Watch de mener une enquête en Afrique du Sud (« Complices de l’exclusion : Absence d’éducation inclusive pour les enfants handicapés en Afrique du Sud »). Récemment rendue publique, l’étude démontre que seules 22 écoles pour les non-voyants existent dans toute l’Afrique du Sud, alors que le pays compte environ 100 000 enfants aveugles. Le résultat du croisement entre désengagement du politique, mauvaise volonté des responsables scolaires et méconnaissance des parents.

Elin Martinez, chercheuse auprès de Human Rights Watch et auteure du rapport, décrypte : « souvent, les écoles disent qu’elles ne peuvent pas accueillir un enfant avec un handicap sans donner plus d’explications aux parents, explique-t-elle. Et la plupart des parents ne connaissent pas les droits de leurs enfants. De plus, on leur fait comprendre très tôt que leurs enfants ne pourront pas faire les mêmes choses. Ce qu’il faut savoir, c’est que toute école publique a pour obligation d’accueillir n’importe quel enfant et dans le cas d’un enfant avec des besoins particuliers, l’école doit s’adapter. »

Mobilisation et interpellation des pouvoirs publics

En Afrique, la situation est particulièrement préoccupante puisque les populations sont très vulnérables du fait de la présence endémique de certaines maladies comme la poliomyélite, la rougeole, la méningite et le paludisme, ainsi que du manque de traitement pour les soigner. Des causes auxquelles s’ajoutent les maladies génétiques et les complications liées à l’accouchement. Selon les estimations, entre 5 et 10 % des enfants africains souffriraient d’un ou plusieurs handicaps. En 2012 pourtant, moins de la moitié des États africains (25 sur 55) avaient ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées qui protège les enfants handicapés contre toute forme de discrimination et leur confère un droit d’accès à l’éducation et à la santé égal à celui des autres enfants.

Face à cette inaction, la société civile se mobilise et interpelle les pouvoirs publics. « Je préconise l’adoption de mesures législatives visant à améliorer le bien-être socioéconomique des enfants handicapés et la mise en place de programmes de protection et de réinsertion », a déclaré Mme Agnès Kabore Ouattara, présidente du Comité d’experts africain sur les droits et le bien-être de l’enfant. La Tanzanie, par exemple, a créé des centres spéciaux pour enfants albinos, victimes de nombreuses discriminations et violences. Récemment, c’est en Côte d’ivoire que la mobilisation s’est faite sentir. Le 21 avril, la Fondation Children of Africa, dirigée par Dominique Nouvian Ouattara, a fait don de sept millions de FCfa au Groupement pour l’insertion des étudiants handicapés de Côte d’Ivoire, destinés à payer les frais d’inscription de cent étudiants en situation de handicap. L’année dernière, une cinquantaine d’étudiants avaient déjà bénéficié de cette action.  

Inscrire les enfants handicapés à l’école, oui, mais quelle école ? C’est en substance la question posée par la chercheuse Hannah Kuper, spécialisée en handicap à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, qui rassemble, dans une étude menée dans 49 pays en développement, des données qui démontrent que 70 % des enfants en situation de handicap reçoivent « une forme de scolarisation ». Des résultats qui soulèvent la question de la qualité de l’enseignement proposé aux enfants handicapés.
 

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