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Airbnb : quand Paris transige, Berlin interdit

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Alors que Paris se bat pour faire rentrer Airbnb dans le rang, Berlin a tout simplement interdit la location de logement sur la plateforme en ligne. Un tournant radical que la capitale française, premier marché Airbnb au monde, pourrait être tentée de suivre.

Depuis le 1er avril dernier, en vertu d’un accord passé avec la mairie de Paris, Airbnb est tenu d’envoyer un email aux utilisateurs susceptibles de dépasser la limite légale de mise en location d’un logement – quatre mois par an selon la réglementation actuelle. Sans contrôle ni sanction, cet accord « poudre aux yeux » montre la férocité de la plateforme numérique et sa volonté de protéger ses utilisateurs : l’entreprise californienne ne fait pas grand cas du respect de la réglementation et encore moins du bien-être des habitants des villes dans lesquelles la société s’est implantée. Le site propose aujourd’hui 300 000 logements dans 34 000 villes de 192 pays.

« Plus de touristes que de locataires »

Avec plus de 60 000 offres de locations dans Paris et sa proche banlieue, la capitale française est le premier marché d’Airbnb dans le monde. Une place de leader loin de contenter tout le monde : le ras-le-bol est palpable chez les habitants, qui se sentent particulièrement lésés par cette ponction de l’offre locative. L’étude sur « l’impact des plateformes de locations meublées sur la vie des Parisiens », réalisée par l’institut Harris Interactive pour l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (AhTop), montre que 48 % des sondés considèrent que la location d’un logement en ligne a des conséquences négatives, en termes de sécurité (65 %) aussi bien que de nuisances sonores (60 %). Par ailleurs, 62 % d’entre eux souhaitent que la copropriété puisse donner son accord à de telles locations. Pour Jean-Bernard Falco, Président de l’AhTop, « cette étude montre bien que les citoyens souhaitent que les règles soient les mêmes pour tous et qu’elles soient appliquées. Si 28 % des Parisiens estiment que ces pratiques sont le fait majoritairement ou à part égale de professionnels, ils sont 90 % à réclamer que les revenus dégagés par cette activité soient imposables que ce soit dès le 1er euro (35 %) ou à partir d’un certain seuil (55 %) ». 

Si Paris transige encore avec Airbnb, Outre-Rhin le ton s’est durci. La municipalité berlinoise vient d’interdire la location de logement entier via Airbnb, sauf autorisation spéciale. Les touristes ne pourront dorénavant louer qu’une chambre dans un appartement ou une maison. Le secrétaire d’Etat au logement, Engelbert Lütke Daldrup, évalue à 10 000 le nombre de logements qui ont été retirés du marché traditionnel au profit de la location touristique. Selon lui, « dans certains immeubles, on trouve plus de touristes que de locataires ». Les propriétaires qui ne respecteraient pas cette nouvelle législation risquent une amende allant jusqu’à 100 000 euros. Un moyen de lutter contre l’enrichissement des propriétaires au détriment des locataires réguliers qui ne sont pas prêts à débourser les mêmes sommes que les touristes de passage, mais sans pour autant priver les habitants de cette possibilité d’arrondir leurs fins de mois. Un bon moyen aussi de revenir à la philosophie initiale de la plateforme, entre dépanne, rencontres et économie collaborative. Toujours selon Engelbert Lütke Daldrup, si Berlin a « construit 12 000 logements neufs en 2015 […] ce n’est pas pour qu’Airbnb réduise [les] efforts à néant ».

« Avancer sur la régulation des meublés touristiques »

A Paris, le problème inverse se pose : la municipalité a besoin des recettes issues de la taxe de séjour reversée par Airbnb pour financer ses projets de construction de logements. Depuis octobre dernier, une taxe de 0,83 centimes d’euros par nuitée est directement prélevée par le site et reversée à la mairie de Paris ; en trois mois, entre le 1er octobre et le 31 décembre 2015, 1,2 million d’euros ont été récoltés grâce à l’ensemble des séjours réservés via Airbnb – un résultat bien maigre dû à la faiblesse du montant de l’impôt. La mairie effectue par ailleurs chaque année entre 400 et 500 contrôles d’appartements, mais les procédures aboutissent rarement à des condamnations. En 2014, il n’y en a eu que vingt, représentant 560 000 euros d’amende.

Les contrevenants s’exposent actuellement à une amende maximale de 25 000 euros en cas de location supérieure à quatre mois ou sans accord du propriétaire. Une peine que Paris souhaiterait voir quadrupler. Sans suivre l’exemple berlinois, la capitale française pourrait effectivement décider de durcir sa réglementation contre la société californienne. « En 2016, nous voulons avancer sur la régulation des meublés touristiques, déclarait Ian Brossat, l’adjoint au logement de la maire de Paris, Anne Hidalgo, fin 2015. Aujourd’hui, si vous louez un logement, vous n’avez qu’à cocher une case qui dit que vous êtes au courant de la législation en vigueur sur les locations saisonnières. Ce n’est pas suffisant. Nous devons trouver un procédé plus engageant, qui montre que le propriétaire est vraiment au fait de la législation. »

 

Crédits photo : Bloomberg/Harrer

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