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Allez-vous passer vos prochaines vacances en Iran ?

 
Les frontières Iraniennes sont rouvertes et les pays occidentaux se félicitent de la fin de ces sanctions économiques. Ils vont pouvoir reprendre leurs activités là où ils les avaient laissées. On pense notamment, en France, à la BNP Paribas ou encore à Peugeot. Mais ce ne sont pas les seuls. Depuis quelques temps déjà, les tour opérateurs fourbissent leurs catalogues, aiguisent leurs tarifs, prêts à dégainer du séjour découverte archéologique en Iran.

 
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la Perse possède une riche histoire et de très nombreux vestiges qui attestent de la grandeur de sa culture… Passée… Parce qu’en effet, depuis 37 ans, et à plus forte raison encore depuis le gouvernement Rohani, la culture Iranienne s’effondre, au rythme d’une crise économique sans fin et d’une répression de tous les instants.
 

Rien que pendant ce mois d’avril 2016, et alors que tour à tour Federica Mogherini, représentante de l’UE et le Premier ministre italien Matteo Renzi, pas moins de 33 Iraniens ont été exécutés. Les faits sont d’un cynisme affligeant. Alors même que l’Union Européenne a justement reconduit sa période de sanction jusqu’au 13 avril 2017, en raison des graves lacunes et autres manquements concernant les droits l’Homme en Iran, les mollahs faisaient exécuter 11 personnes pendant la visite de la représentante de l’UE, sans que cela ne suscite la moindre réaction de colère, de tristesse ou a minima de dépit de la part de Mme Mogherini.
 

La France, le pays où les droits de l’homme ont été rédigés, et toujours considéré de part le monde comme l’emblème du respect de ces droits, a une fois encore failli dans cette mission. Alors que M. Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche vantait à Téhéran « le commerce pour être un ingrédient de la qualité des relations humaines et diplomatiques » au moment de couper le ruban de l’inauguration du nouveau comptoir d’Air France en Iran, lui et sa cours d’hommes d’affaires oubliaient la réalité des exécutions quotidiennes et les conditions de vie du peuple Iranien, trop heureux de remplir leurs carnets de commandes.
 

On voit bien qui dirige réellement
 

En réalité, c’est bien le régime des mollahs qui dirige les négociations commerciales. Sinon, comment pourrait-il se permettre de bafouer les lois internationales, en assassinant son peuple avec une telle désinvolture ? La mort est sans doute un spectacle qui augure de la fiabilité de la valeur marchande. Plus de gens meurent, et plus le commerce remporte de contrats. La levée des sanctions qui faisaient suite à l’arrêt du programme nucléaire n’a rien changé pour les gens en Iran. Les fonds débloqués alors n’ont servi qu’à renforcer la répression à l’intérieur du pays, quand ils ne concourrent pas à alimenter la guerre et l’effroi en Syrie, au Yémen ou en Irak. Pour simple exemple, la police de Téhéran prévoit la création de 7 000 agents en civil, dont la mission est de veiller à la sécurité morale dans les rues. Dans les faits, leur tâche consiste surtout à vérifier que le code vestimentaire féminin est bien respecté…
 

La litanie des chiffres est tous les jours plus longue. L’Iran, c’est 80 millions d’habitants, dont la moitié a moins de 30 ans. Une jeunesse accueillante, motivée, créative, mais totalement brimée par le régime théocratique en place. Pour preuve, les caisses de l’état sont tellement vides que mêmes les établissements bancaires locaux sont au bord de la faillite. Les salaires sont versés en retard, quand ils sont versés. Et de toute façon, ils ont tellement baissé qu’il faut travailler 18 heures par jour pour parvenir à boucler la moitié d’un mois. Le nombre d’exclus ne cesse de croître, à une vitesse phénoménale. Selon le guide suprême lui-même, 60 % des entreprises du pays auraient cessé leur activité en 2015. On ne dénombre pas moins de 15 millions de personnes très en dessous du deuil de pauvreté, 700 000 personnes fréquentant les centres de désintoxication chaque année, pour replonger sitôt sorties, dans 90 % des cas. 6 500 manifestations ont eu lieu en 2015 en Iran. Et toutes ont été réprimées avec force et violence par le gouvernement. On ne compte plus les milliers d’enseignants et d’ouvriers embastillés dans les geôles des gardiens de la révolution. Deux représentants des syndicats ouvriers et enseignants vont d’ailleurs débuter une grève de la faim le 1er mai prochain.
 

Quid du tourisme ?
 

Même chez Air France, M. Khamenei semble faire la loi, puisque la direction de la compagnie aérienne a demandé à ses hôtesses de porter le voile pour chaque voyage vers la destination, sans doute en prévision des nombreux vols touristiques bientôt affrétés. Fort heureusement, des mouvements sociaux ont éclatés, et permettent aux femmes travaillant chez Air France, d’exprimer leur refus de se plier à ses conditions, voire de travailler sur la ligne Paris-Téhéran. 
 

Alors certes, l’Iran est un beau pays, chargé d’histoire, de culture, de beautés impressionnantes et de sites à explorer. Il est clair que ces terres peuvent en apprendre long à l’humanité sur son histoire. Les Iraniens sont aimables, accueillants et souriants. Mais le régime en place ne peut être qualifié de modéré. Des gens meurent chaque jour en Iran, juste parce qu’ils ont manifesté leur mécontentement, juste parce qu’ils veulent vivre, tout simplement. Alors l’idée, ce n’est pas de boycotter la destination, mais plutôt de nourrir la résistance, en privilégiant les contacts directs avec la population locale, plutôt que la formule tout compris disponible en agence. Dans le premier cas, on contribue directement à la survie d’une économie locale. Dans le second on participe financièrement à la répression et au maintien de la guerre. Le mieux serait de reporter ce voyage à un moment où cela heurteraient moins la conscience et l’éthique. 
 
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