Site icon La Revue Internationale

La combustion du tabac, ennemi public identifié et bientôt maté ?

Le dernier rapport de la Fédération française d’addictologie (FFA), rédigé avec le soutien de la Direction Générale de la Santé et de la MILDECA, contient quinze propositions novatrices en termes de lutte contre les addictions. Si les recommandations sur les drogues ont été largement commentées, on a moins parlé de celles relatives à la consommation de tabac. Il y a pourtant de bonnes leçons à en tirer, et pourquoi pas de bonnes idées à en extraire.

Dans son rapport, la Fédération française d’addictologie (FFA) plaide pour une politique de réduction des risques et des dommages (RdR) visant ainsi à prévenir et à diminuer les conséquences négatives, qu’elles soient sanitaires ou sociales, des conduites addictives.  Elle incite également à accompagner les usagers, plutôt que de « lutter contre » des produits et des comportements, ne donnant comme perspectives aux personnes concernées que la stigmatisation et la répression. Les 15 recommandations pour un changement d’orientation de la politique anti-drogues en France sont l’aboutissement des travaux d’une Commission large et diversifiée, indépendante de toute pression et de tout lien d’intérêt, présidée par le Professeur Didier Sicard, Président d’honneur du Comité National Consultatif d’Éthique.

Ce qu’on sait peu, c’est que la FFA insiste pour que la RdR ne concerne pas uniquement les produits illicites. La neuvième recommandation du rapport insiste ainsi sur le rôle important que la cigarette sans combustion peut jouer dans la lutte contre le tabagisme. Elle qualifie ce dispositif « d’outil complémentaire de la réduction des risques qui permet à une partie non négligeable de ses utilisateurs de réduire significativement les effets délétères de la combustion de tabac ». En préconisant cette solution pour réduire les risques, le rapport, à défaut de s’épancher sur les vertus de ce produit en particulier, désigne l’ennemi contre lequel il s’agit de lutter : « la combustion de tabac ».

Un constat rappelé à plusieurs reprises dans le rapport, sans équivoque : « Il est admis que la toxicité de la cigarette est due exclusivement aux produits de la combustion. » Une combustion produisant de nombreuses substances toxiques pour l’organisme, dont les goudrons, des gaz toxiques comme le monoxyde de carbone et des métaux lourds (cadmium, mercure, plomb, …). Le caractère exclusif de la dangerosité de la combustion écarte de facto les soupçons pesant sur la nicotine, responsable de la sensation de plaisir ressentie par le fumeur, et donc à terme de l’addiction, mais totalement inoffensive en soi. Une conclusion partagée par l’ensemble de la communauté scientifique : « La nicotine est un produit addictif qui est relativement sûr d’utilisation qui est par exemple utilisé dans des traitements depuis de nombreuses années, on en connait la toxicité. Il est indiqué dans beaucoup de traitements médicaux par exemple », explique par exemple Gérard Dubois, président de la Commission Addictions de l’Académie nationale de médecine.

La FFA développe en expliquant que la réduction des risques ne passe pas seulement par l’abstinence, mais que « l’utilisation des substituts nicotiniques dans la réduction du risque tabagique doit être élargie à une utilisation à long terme en ne se limitant pas à un objectif de sevrage à court terme. » Difficile de ne pas percevoir dans cette recommandation une référence directe à la cigarette électronique, qui séduit de plus en plus de fumeurs repentis en « vapoteurs ». Pourtant, si l’e-cigarette a su porter de nombreux espoirs, force est de constater qu’elle est encore loin de satisfaire le plus grand nombre, et qu’un taux important de ceux qui l’ont adoptée l’ont par la suite délaissée, pour reprendre la cigarette de plus belle. La raison ? La distance trop grande séparant ce substitut d’une cigarette en termes d’apparence, mais aussi de goût, de sensation, etc.   

Peut-être plus intéressante en ce sens, l’apparition de vaporisateurs de tabac, permettant de chauffer le tabac sans le brûler, mais en le portant à une température non toxique, tend à reproduire plus fidèlement le plaisir du fumeur, en lui épargnant les dangers que cette expérience suppose. Le mode de fonctionnement de ces appareils leur a valu le surnom de « heat-not-burn » (« chauffe mais ne brûle pas »), et si leur déploiement en est encore au stade embryonnaire, il y a fort à parier que leur commercialisation à grande échelle s’accompagnera d’une réduction des risques d’envergure. Une piste sérieuse que valide en tout cas le rapport de la FFA, en préconisant des solutions réalistes, éliminant autant que possible les dangers tout en ne négligeant pas le plaisir des fumeurs, et sans les rabaisser non plus au rang d’enfants qu’il faudrait tenir éloignés par tous les moyens de leur vice. Une approche innovante, dont on serait sans doute inspiré de s’emparer sur les bancs de l’Assemblée si l’on voulait obtenir des résultats au lieu d’enchaîner les effets d’annonce tonitruants mais stériles.

 
Quitter la version mobile