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L’énergie nucléaire, un marché mondial à deux vitesses

Très peu évoquée lors de la dernière conférence internationale pour le climat (COP21), l’énergie nucléaire aura pourtant un rôle à jouer déterminant dans la transition énergétique en cours à l’échelle internationale. Sa production d’électricité, stable, bon marché et bas-carbone, s’impose en effet comme une alternative valable pour se substituer aux combustibles fossiles et épauler les énergies renouvelables.

Les pays émergents l’ont bien compris : l’avenir énergétique, nécessairement vert, passe également par le nucléaire. Ils sont plusieurs à faire désormais le pari de l’atome afin de respecter leurs engagements climatiques internationaux et satisfaire leurs besoins énergétiques. Une tendance que l’on retrouve plus difficilement en Europe, où le marché du nucléaire se heurte à des politiques énergétiques de plus en plus restrictives. 

Le nucléaire reste compétitif

Selon le rapport « Énergie, Électricité et Nucléaire : estimations jusqu’en 2050 », publié fin 2015 par l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), la capacité de production de l’énergie nucléaire à l’échelle mondiale devrait continuer de croître au moins jusqu’en 2030 et cela quels que soient les scenarii envisagés en termes de politiques énergétiques et de taux de croissance.  

Pour l’AIEA, plusieurs facteurs justifient une telle évolution : la volatilité des prix des combustibles fossiles, le faible coût de l’énergie nucléaire, le rôle de celle-ci dans la réduction des gaz à effet de serre, la sécurité de l’approvisionnement énergétique, la croissance de la population et la demande d’électricité dans le monde en développement. Autant d’enjeux qui garantissent aujourd’hui à l’atome un rôle de premier ordre dans le mix énergétique mondial à long terme. 

Dans le détail, si la croissance projetée varie en raison de l’incertitude entourant les politiques énergétiques, les renouvellements de licence, le nombre de réacteurs arrivés en fin de vie et les constructions futures, elle reste dans tous les cas positive et promet au minimum une hausse de 2,4 % de la capacité de production nucléaire d’ici à 2030. Ces perspectives de croissance, légèrement inférieures à celles estimées en 2014, restent prévisionnelles, mais s’appuient tout de même sur des éléments de base assez fiables. Le rapport souligne notamment la stabilité positive des coûts de production de l’électricité nucléaire et met en avant l’avantage de compétitivité de cette énergie en comparaison aux énergies renouvelables et fossiles. 

Les émergents boostent la croissance du nucléaire

Ces perspectives de développement sont particulièrement visibles dans les pays émergents, pour lesquels l’énergie nucléaire est devenue au fil des ans la seule alternative aux combustibles fossiles à moyen terme. La Chine, L’Inde, l’Afrique du Sud, l’Iran, le Brésil ou encore l’Argentine ont tous fait le choix de l’atome pour garantir leur approvisionnement énergétique futur. 

La Chine, notamment, constitue le plus gros marché nucléaire en devenir. Elle soutient pour une large part l’expansion de la filière nucléaire dans le monde avec près de 24 réacteurs en construction sur les 67 projets en cours actuellement, et devrait atteindre en cumulé avec la Corée du Sud, une capacité totale pour 2030 estimée à 131,8 GWe selon les projections basses, et 219,0 GWe selon les projections hausses – soit une augmentation possible de 87,1 %. La Chine pourrait même surpasser la France et les Etats-Unis dès 2030, avec 110 réacteurs potentiels et devenir ainsi la première puissance nucléaire mondiale. 

De son côté, l’Inde dispose déjà de 17 réacteurs en activité, et prévoit d’y ajouter une douzaine de réacteurs nucléaires supplémentaires dans les vingt prochaines années en partenariat avec l’agence russe Rosatom. La Russie, quatrième producteur mondial avec 33 réacteurs, n’a quant à elle jamais cessé de développer l’énergie nucléaire et compte sur une forte expansion de sa technologie au niveau national (10 réacteurs en construction à ce jour) et international (Rosatom, est devenu en 2015 le premier exportateur de centrales nucléaires dans le monde). 

L’Iran se positionne également, depuis la levée de l’embargo international, comme un acteur fort du nucléaire civil sur la scène internationale. Le pays a relancé son programme nucléaire ces derniers mois et envisage la construction de vingt centrales d’une puissance cumulée de 20 GW. 

Regain d’intérêt des pays développés

Face à l’urgence climatique, le marché du nucléaire dans les pays développés (déjà fortement équipés) revient quant à lui progressivement à des niveaux plus prometteurs. Après plusieurs années de ralentissement qui auront vu l’Allemagne, l’Italie, la Belgique ou encore la Suède faire le choix de sortir du nucléaire, la filière retrouve aujourd’hui le sourire. Le Royaume-Uni développe le programme le plus important d’Europe et compte se doter de plusieurs réacteurs de troisième génération dans le cadre du projet EPR d’Hinkley Point. Les Etats-Unis ont mis en service ce mois-ci un nouveau réacteur – le premier depuis vingt ans – et construisent actuellement cinq centrales nucléaires. 

La Belgique, tout comme la France, envisage de prolonger la durée d’exploitation de ses centrales afin d’accompagner le développement des énergies renouvelables intermittentes. Dans l’Hexagone, le groupe EDF a entamé pour cela le « grand carénage », programme de modernisation et de maintenance de son parc nucléaire destiné à rallonger la durée d’exploitation des centrales français de 40 à 50 ans. Le groupe entend maintenir ainsi un bilan carbone et des prix de l’électricité parmi les plus faibles d’Europe. 

Le Japon enfin, grande puissance nucléaire touchée par l’accident de Fukushima en 2011, revient lui aussi à l’atome après plusieurs années de tergiversation. Plombé par un bilan carbone désastreux et une balance commerciale en berne du fait des fortes importations d’énergies fossiles, le gouvernement de Shinzo Abe promeut la relance contrôlée de l’énergie nucléaire dans l’archipel. Deux réacteurs ont été relancés depuis 2015 et plusieurs devraient suivre prochainement en accord avec la nouvelle autorité de sûreté nucléaire japonaise (NRA).

 

Crédits photo : AFP/Rodger Bosch

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