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UE : l’harmonisation de l’enseignement supérieur va-t-elle chambouler les cercles artistiques ?

Mais quels chamboulements cela va-t-il provoquer dans les cercles artistiques, là ou originalité, imaginaire, singularité, restent tout de même les essences premières de la création ? Et notre curiosité ou nos intérêts pour les différences des esprits innovants seront-t-ils réduits à une observation lissée par des académies voulant gommer ce qui est exceptionnel ? Le temps générationnel nous apportera les réponses.  En attendant, continuons à profiter de ces artistes, faiseurs magiques d’un monde parallèle au notre, qui aiguisent l’importance et le respect qu’on peut leur porter.  

Ces artisans d’Art qui fourmillent d’idées et visualisent ce que nous sommes incapables d’imaginer ou de reproduire, ces artisans d’Art qui transmettent aussi un savoir-faire en l’adaptant au monde actuel.

Présentation de trois d’entre eux

En Ile-de-France tout d’abord, Olivier Duhec, bronzier d’Art, établi à Fontenay-aux-Roses. Il est diplômé de l’Ecole Boulle, se lance des défis permanents inspirés par les mangas, l’internet, l’astronomie, et l’évolution humaine. Sa touche personnelle réside dans la conception d’un bout à l’autre de ses œuvres –de la maquette à l’assemblage en passant par la peinture et l’électrique si besoin. Olivier Duhec manie le métal, le verre, la lumière. Il fraise, tourne, soude, assemble. Son quotidien est le repoussage, le planage, les notes au crayon sur son établi, les tests d’alliage. Chaque pièce est réalisée de ses mains, que ce soit pour les fixations ou autres morceaux complexes.

 « Ma passion dans ce que je fais, vient de mon enfance. Je jouais au Lego sans arrêt. La création de volume m’intéressait, il fallait décortiquer, voir un résultat en 3D » avoue le trentenaire aujourd’hui.

Il travaille le cuivre, l’aluminium, le laiton. Il est capable de reproduire de petites pièces sculptées comme un chopper Zéro Engineering (les fans de moto visualiseront immédiatement), ou des lampes de bureaux d’un design épuré et futuriste s’approchant de ce que pourrait nous proposer sans doute le XXIIème siècle ! Sans oublier, une merveille : l’exceptionnelle table « Atlas » d’un poids de 300 kilos au total… en comptant le plateau de verre (200 cm sur une épaisseur de 19mm) et les 1100 pièces métalliques (laiton, acier, alu, …). Le décor est en hématite, poli, brossé et vernis. Plus de 900 heures de travail pour une œuvre d’art qui intègrera peut-être le salon d’un riche russe ou qatarien… Ainsi, à travers cette représentation d’art, le mythe d’Atlas (rappelons que c’est l’image du titan portant sur ses épaules la voute céleste) perdure de nos jours et fascine toujours autant Olivier Duhec.

Il rajoute par ailleurs au sujet de  la nouvelle œuvre sur laquelle il se penche : « En ce moment je suis sur ce volume  compliqué qui me prend 14 heures par jour. Je ne compte pas les moments dans mon atelier. Je n’ai pas de vie privée. Je suis encore chez mes parents. Je m’intéresse beaucoup plus à ce que je réalise, qu’à moi ». Et ce travail titanesque lui permet en ce moment de donner vie petit à petit à l’Arcadia d’Albator – apparu la première fois dans un manga japonais. Un vaisseau spatial qui a toutes ses chances d’être exposé fin octobre 2016 aux « Utopiales » de Nantes. Avant, certaines de ses œuvres peuvent être vues à l’atelier « 157 » rue Houdan à Sceaux cette année.

Parmi ces artisans d’Art choisis ici pour leur dévouement passionnel à leurs envies les plus profondes, Vanessa Dazelle poursuit l’amour du vitrail, transmis depuis trois générations dans sa famille. Elle s’est établie dans le sud-ouest, à Bidache, et commente : « La passion du vitrail a commencé avec mon grand père André Strauss en 1931, lorsqu’il entra comme apprenti au sein de l’atelier de vitraux Jacques Simon, à Reims, un des plus anciens ateliers de France. Il passa une grande partie de sa vie au sein de cet atelier réputé, en charge de la restauration des vitraux de la cathédrale de Reims, entre autre. Puis, ce sera Paris où il travailla pour l’Atelier de vitraux des frères Maumejan, grand atelier reconnu dans le métier, dont les vitraux sont répertoriés aujourd’hui ».

Ensuite, c’est vers Jurançon puis Bidache que les parents de la vitrailliste se sont établis. Née à Pau en 1979, Vanessa Dazelle s’est lancée en 2009 poussée par sa famille et le savoir-faire déjà acquis depuis l’âge de onze ans dans les ateliers du papa. Vanessa a toujours baigné dans la lumière, le verre, la couleur. Aujourd’hui c’est le vitrail au plomb qui fait d’elle une esthète de la création.

Elle explique : « Il s’agit de l’assemblage de verre plat et de profilés de plombs en H soudés à leurs intersections par de l’étain. Le verre est teinté dans la masse à sa fabrication. Il existe différent types de verre, le verre antique soufflé à la bouche, le verre cathédrale de table, le verre opalescent, le verre imprimé…Le verre peut également être peint à l’aide d’émaux ou de grisailles et cuit au four à 500C°, 650C°, c’est le cas dans les vitraux d’église type personnages ou fenêtres de grisaille ».

Plusieurs étapes rythment son art, de la maquette à l’échelle, pour obtenir un aperçu du rendu final, au dessin ou carton qui permet une meilleure vision et permet de déterminer la coloration du vitrail, et le choix des verres (textures et couleurs) qui seront échantillonnés. Elle poursuit ensuite avec le tracé, les découpes de gabarits. Vanessa est une experte dans le choix des couleurs, du moindre détail visuel, des patines à donner, de l’émail, etc. Ensuite, ses mains de fée se penchent sur le sertissage, l’emboitage des morceaux de verres dans les parties plombées pour cheminer sur le tracé du vitrail. Rabattage, soudure, masticage liquide, brossage. Elle se spécialise sur les pièces uniques. Colonnes lumineuses, vitraux sur mobilier, restauration pour les églises, blason territoriaux, elle est un des maîtres-verriers reconnu pour la finesse des résultats obtenus. Vanessa Dazelle reconnaît avoir reçu la meilleure formation dans son art : celle de la transmission. Et dire, que dans son cursus d’étudiante se trouvait, il y a quelques années, une formation d’esthéticienne !  

Aujourd’hui, elle ne compte pas les heures de travail,  et il faut reconnaitre que l’artiste n’a vraiment pas un poil dans la main !

Troisième artisan d’Art de ce parcours autour des passionnés créatifs : Richard Sossler. Sculpteur des embruns, ancien forgeron réputé dans la coutellerie, il est le créateur de 5 couteaux d’art très recherchés des collectionneurs (Le Chambord, Le Diane de France, Le Capuchadou, Le Vigneron, Le Chamois).

Etabli dans le bassin d’Arcachon, à Mios, il est discret et humble. Pas évident de le joindre même… c’est plutôt pendant une exposition qu’il doit être facile de le rencontrer.  Depuis l’âge de 14 ans, il a trouvé sa voie. Et aujourd’hui à 66 ans, il est un assembleur de bois d’épaves ! Après avoir cédé ses créations et brevets à une coutellerie réputée (Thiers), il a choisi de donner une seconde vie aux bateaux détruits par le temps, ces épaves de bois rapportées sur les côtes en morceaux, ces souvenirs flottant de barques colorées déchiquetées par les vagues, ce bois qui a une mémoire au vu des vieux clous rouillés qui marquent le temps.

Richard Sossler aime récupérer ces matériaux ou la corrosion apporte une valeur ajoutée aux œuvres qu’il visualise déjà dans son âme d’artiste. Il assemble les bois avec leur géométrie, compose une symphonie picturale sans avoir palettes et pinceaux ! Sans retoucher aux couleurs d’origines imprégnées dans les fibres du bois. Ses créations étonnent, entre marquèterie et  sculptures, tableaux figuratifs ou réalistes.

Non seulement il est doué, mais c’est aussi un photographe qui excelle. Son œil pour figer le bassin d’Arcachon, révèle une vision définitivement artistique et … très aiguisée ! Normal pour un ex-coutelier non ?

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