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Grèce : la cynique dérive de Tsipras

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Huit Grecs sur dix estiment que la politique gouvernementale va dans la mauvaise direction, révèle un récent sondage publié par la chaine Skai et le quotidien Katimemini. Avec un chômage stable à 25 % de la population et à près de 50 % parmi les jeunes, l’exode des talents grecs vers l’étranger est donc tout sauf une surprise, dans un pays qui n’a réalisé que 15 % des réformes structurelles pour lesquelles il s’est engagé vis-à-vis de l’Union européenne.

Depuis son accession au pouvoir, le premier ministre grec Alexis Tsipras n’a pas tenu parole sur les négociations avec Bruxelles, cédant l’été dernier aux nouvelles contraintes européennes pour renflouer des caisses nationales désespérément vides. Pire : il donne encore de faux espoirs aux électeurs en multipliant des promesses aussi surréalistes que dangereuses pour l’avenir de la Grèce. Parmi les annonces les plus farfelues, celle du ministre grec de la défense Panos Kammenos le 30 mai n’est pas passée inaperçue. Lors d’une commission parlementaire, il a fièrement présenté un projet de fabrication de kalachnikovs pour la Russie, qui verra le jour à une seule condition selon lui : que l’Union européenne lève un soi-disant embargo sur Moscou qui empêcherait le projet de voir le jour. Seul problème, il n’y a aucun embargo sur la Russie et les restrictions d’affaires avec le pays ne comprennent pas ce secteur. Alors que les sanctions économiques européennes n’ont rien à faire avec le Rosoboronexport, l’agence chargée des exportations du complexe militaro-industriel russe, les déclarations de Kammenos sont complètement fausses.

Absence de vision pour l’économie du pays

Dans le secteur économique, la Grèce peine à mettre en œuvre une politique claire et efficace, à l’image de la cession de 67 % du port du Pirée, le plus grand du pays, au géant chinois Cosco. Plusieurs mois plus tard, face aux critiques de la population, le gouvernement Tsipras annonce vouloir faire marche arrière, envoyant des signaux inquiétants aux potentiels investisseurs. Depuis quelques semaines, c’est un projet minier à 1 milliard de dollars du groupe canadien Eldorado Gold auquel l’État grec fait aujourd’hui obstacle. Au-delà de ces rentrées d’argent immédiates pour l’économie nationale, les tergiversations de Syriza menacent surtout la croissance et l’emploi à plus long terme. Cette absence de vision économique est particulièrement pointée du doigt dans l’industrie navale, le deuxième secteur économique du pays.
Affichant 17 milliards de dollars de recettes (soit 7,5 % du PNB) et près de 200 000 d’emplois, les chantiers navals constituent un des atouts majeurs du pays grâce à la position stratégique des ports grecs, passerelles entre l’Europe et l’Asie. Mais là aussi, le gouvernement grec ne semble pas avoir de plan précis de développement alors qu’en nationalisation et vente à des investisseurs étrangers, il change d’opinion comme de chemise. Tous les chantiers navals n’appartiennent de plus pas au gouvernement et ce dernier n’est pas clair sur la manière dont il souhaite les acquérir. Ainsi engluée dans un conflit avec le groupe Abu Dhabi Mar (ADM), propriétaire et exploitant des chantiers navals de Skaramagas, la Grèce n’est pas prête de sortir de ce surplace. Au lieu d’offrir une vraie solution de redressement au pays, qui consisterait à attirer les investissements étrangers en menant une politique claire et intraitable de privatisation, les chantiers navals sont actuellement réquisitionnés pour héberger des milliers de réfugiés. Une situation qui pose problème alors que le camp de migrants de Skaramagas se trouve très proche d’équipements militaires de pointe.

Mesures populistes au dessus des lois

Pour détourner l’attention de ces échecs à répétition, le gouvernement grec a procédé à une série de mesures populistes visant à diminuer le pouvoir de certaines élites du pays. Le licenciement en octobre du responsable de l’autorité indépendante fiscale et le départ en janvier du PDG de la Banque du Pirée ont valu à Alexis Tsipras de recevoir un avertissement de l’Union européenne pour avoir politisé ces décisions. Le chef du gouvernement est également accusé d’avoir outrepassé son pouvoir en faisant voter une loi pour augmenter le contrôle des chaînes de télévision. Kyriakos Mitsotakis, leader de l’opposition, a qualifié ces mesures de tentatives visant à « contrôler le système de justice, trafiquer avec les autorités indépendantes et gonfler l’administration avec des amis et proches ».

Si l’Union européenne demeure aussi indulgente vis-à-vis de la Grèce, c’est certainement par crainte d’avouer l’échec de son dernier plan de sauvetage très coûteux. Et de répondre à cette question : jusqu’où la dérive grecque peut-elle encore aller ?
 
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