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Pornographie en ligne : les enfants de plus en plus exposés

C’est un appel désespéré que l’association Ennocence lance à Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale. « C’est à 11 ans en moyenne que nos enfants sont confrontés pour la première fois à des images pornographiques », déplore en effet Héléna Walther, présidente de l’association. Celle-ci a rencontré de nombreux médecins, experts du Web, des acteurs engagés dans la vie civile ainsi que des enfants et leurs familles dans le but de se pencher sérieusement, peut-être pour la première fois, sur ce sujet « tabou ou confisqué par des militants empreints de valeurs morales ou religieuses ».

Leur constat est glaçant. Selon le rapport de l’association, 14 % des enfants de 9 à 16 ans ont surfé sans le vouloir sur un site pour adultes. Le taux atteint même 36 % parmi les 15-16 ans. L’association cite notamment le cas des sites de live-streaming, où les enfants regardent des matchs de football et qui se financent grâce à des réseaux de publicité agressive (pornographie, sites de rencontre, voyance, jeux en ligne…). Selon l’étude, les fenêtres pop-up son à l’origine de 72 % des expositions accidentelles d’enfants au porno. Un phénomène qui rapporte chaque année quelque 147 millions de dollars à l’industrie pornographique.

Les contenus auxquels les enfants sont exposés sont de plus en plus explicites. Comme le signale Thérèse Hargot, philosophe et sexologue, les images sur lesquelles ils risquent de tomber n’ont rien à voir avec les pages lingeries de la Redoute ou les films érotiques que leurs parents regardaient à leur époque. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’images ou vidéos que les mineurs iraient chercher sur des sites spécialisés, mais de celles qui arrivent à l’improviste, d’où leur pouvoir de nuisance difficilement contrôlable.

Dépendance à la pornographie, absentéisme, déviance, violences sexuelles, hypersexualisation, dépression, instrumentalisation de la femme, comportements à risque. Les effets de l’exposition des enfants à des contenus pornographiques peuvent être dévastateurs. Et les dangers sont un peu partout. Selon le Centre de recherche sur le crime à l’encontre de l’enfance de l’Université du New Hampshire, aux États-Unis, un enfant-internaute sur quatre a été déjà sollicité par un prédateur sur Internet et un enfant sur cinq a fait l’objet d’envoi d’images pornographiques. En France, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) signale que la fréquence de l’exposition est grandissante. Les jeunes Français passent 50 heures par an à discuter de « choses sérieuses » avec leurs parents, 850 heures à l’école et pas moins de 1 500 heures devant les écrans !

Mais si les parents sont conscients des risques, ils se retrouvent souvent désemparés. Selon une enquête réalisée en décembre 2015 par OpinionWay, 70 % des parents estiment que les sites de streaming et de téléchargement illégaux représentent un danger pour leurs enfants. 77 % craignent que les images auxquelles sont confrontés les mineurs aient des conséquences sur leur équilibre psychologique. Mais 55 % d’entre eux ne savent pas comment lutter contre ce phénomène et 75 % estiment que l’État devrait en faire davantage pour lutter contre les images auxquelles les enfants peuvent être exposés sur les sites de streaming.

D’où l’importance d’interpeller la ministre de l’Éducation. Héléna Walther rappelle en effet que le gouvernement actuel s’était engagé à tarir les sources de financement de ces sites. Or, à ce jour aucune liste noire n’a été constituée, alors que cela permettrait aux fournisseurs d’accès à Internet de prendre des mesures de protection. Mme Walther estime également qu’une charte devrait être signée entre les pouvoirs publics et les acteurs du paiement en ligne pour que ces sites ne puissent plus vivre grâce à de la publicité non réglementée.

La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Pour l’association Ennocence, le débat sur l’éducation sexuelle à l’école doit être relancé. Il y va du rapport que nos enfants et adolescents entretiennent à leur propre corps, de la nature de leur relation avec le sexe opposé et de leur vision de la sexualité. Des questions dont nul n’oserait contester l’importance.

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