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Idriss Déby Itno est de moins en moins esseulé face à Boko Haram

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On le dit mort tous les six mois et, pourtant, Boko Haram continue de faire couler le sang dans la région du lac Tchad, en Afrique centrale. A la manœuvre depuis plus d’un an pour tenter de stopper le groupe terroriste, Idriss Déby Itno, le président de la République tchadienne qui dirige la « Force mixte multinationale », voit les aides se multiplier.

La lutte contre Boko Haram n’en finit pas. Bien que largement affaibli militairement, au point de traverser une sérieuse crise de leadership, le groupe djihadiste est encore bel et bien là. Après avoir prêté serment à Raqqa l’an dernier, la « capitale » de l’Etat islamique (EI) a nommé en août dernier un nouveau chef à la tête de Boko Haram, Abou Musab Al-Barnawi, en remplacement d’Abubakar Shekau. Mais ce dernier, silencieux depuis presque un an, est sorti de l’ombre dans un enregistrement sonore de plus de dix minutes posté sur Internet, réaffirmant sa mainmise sur le groupe. Depuis, piqué au vif par cette tentative d’éviction, il a multiplié ses actions ; les attaques sur la population civile se poursuivent et Boko Haram s’en est même pris directement à l’armée tchadienne à plusieurs reprises.

Crise globale

Il y a quelques mois, pourtant, rien ne présageait la résistance d’un groupe que nombre d’analystes disaient à genoux. Même le président tchadien, qui avait de fait pris la tête de la lutte armée contre le groupe terroriste, annonçait la fin prochaine du groupe ; « Boko Haram va disparaitre, il est décapité », confiait-il à tchadinfos.com. Le président nigérian Muhammadu Buhari s’était lui aussi promis de débarrasser le pays de la secte dans l’année suivant son arrivée au pouvoir. Aujourd’hui, il n’en est rien. Les têtes de l’hydre ont repoussé, et le groupe armé s’est transformé en monstre sanguinaire. S’il ne s’aventure guerre dans des batailles rangées avec la force régionale qui le traque, Boko Haram continue de frapper les populations du Cameroun, du Niger, du Tchad et du Nigeria. Pillages, raids meurtriers, expéditions punitives… Depuis qu’il a pris les armes il y a cinq ans, Boko Haram a causé plus de 20 000 morts, et continue ses méfaits.

Si la Force mixte multinationale, menée par Idriss Déby Itno, a bien réussi à arrêter l’expansion du « califat » qu’Abubakar Shekau voulait constituer – il ne contrôle plus aucune des villes de l’État de Borno (nord-est du Nigeria) et n’est plus capable de tenir tête à l’armée comme ce fut le cas jusqu’à l’entrée en guerre du Tchad –, l’effroi perdure néanmoins. Car Boko Haram est le symptôme d’une crise globale aux multiples racines : le chômage chronique qui affecte la région du lac Tchad – là où les terroristes ont trouvé refuge –, sa désertification, les rivalités entre les différentes ethnies, les mouvements massifs des populations qui fuient les violences, l’insécurité alimentaire et un accès trop difficile à l’éducation – qui permet de lutter contre l’obscurantisme religieux. Tant que ces problèmes n’auront pas été réglés, la violence et la barbarie renaitront de leurs cendres sous une forme ou sous une autre.

Commencement de la fin

Comme l’a justement souligné l’ancien secrétaire général adjoint du ministère français des Affaires étrangères, Rémy Rioux, aujourd’hui directeur général de l’Agence française de développement (AFD), « la lutte contre Boko Haram passe aussi par le développement ». Pour lui, la crise ne pourra être dépassée que par un effort de solidarité international pour sortir la région de l’impasse dans laquelle elle se trouve actuellement : « Pour gagner la paix, il faut répondre à l’insécurité et à l’urgence humanitaire. Pour installer la paix, il faut que les personnes puissent imaginer et construire un avenir commun ». Un aspect de la crise que, jusqu’à récemment, le président tchadien Idriss Déby Itno avait été le seul à souligner. Ce dernier n’avait eu de cesse de rappeler que « c’est tout le continent et toute la communauté internationale qui sont concernés » et qu’il fallait « chercher les causes profondes » de l’existence de Boko Haram.

C’est dans l’aide économique et humaine que la communauté internationale aurait dû intervenir pleinement. En ce sens, des initiatives comme celle de l’AFD sont bienvenues ; M. Rioux soulignait justement la nécessité d’ « accroître nos financements ». Avec plus de 500 millions d’euros d’engagements par an dans la région du Sahel, l’AFD a monté qu’elle comprenait l’ampleur de l’enjeu. Même son de cloche du côté de l’Union européenne, qui a promis, le 1er août dernier, de verser 50 millions d’euros pour aider les combattants africains. Bruxelles entend ainsi aider au « rétablissement d’un environnement sûr et sécurisé pour les populations civiles des zones touchées par l’insurrection de Boko Haram ». Et si le commencement de la fin avait sonné pour le groupe terroriste ?

 

Crédits photo : Miguel Medina/AFP

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