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Le CIRC, ou le règne du tout et son contraire

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Alors que les consommateurs n’ont jamais été autant en demande de conseils sur ce qui est dangereux ou non pour leur santé, certaines agences internationales prospèrent sur la propagation de rumeurs non étayées, davantage que sur des faits scientifiquement prouvés.

Qui, de bon matin, n’a jamais apprécié une bonne tasse de café ? En 1991, pour de nombreux amateurs de caféine, ce plaisir a pourtant dû être provisoirement gâché, lorsqu’une étude du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC – IARC en anglais, une agence de l’OMS) a révélé que cette habitude, partagée par des millions de consommateurs de par le monde, pouvait favoriser l’apparition du cancer. Que les buveurs de café se rassurent : deux décennies plus tard, le CIRC a radicalement changé d’avis. Désormais, pour l’agence internationale basée à Lyon, non seulement le café ne favorise plus le cancer, mais il serait même efficace dans sa prévention. Cet exemple symptomatique jette une lumière crue sur les volte-faces permanents de cette institution.

Incessants volte-faces

De nos jours, le consommateur averti se trouve, de fait, dans la quasi-impossibilité de déterminer ce qui est susceptible de favoriser chez lui un cancer – ou de le prévenir. Et le moins que l’on puisse dire est qu’une institution comme le CIRC ne l’aide pas à faire la part des choses. Tout le monde se rappelle ainsi de l’annonce fracassante, faite l’année dernière, selon laquelle la consommation de viande rouge et de charcuteries était désormais considérée comme hautement cancérigène. Panique mondiale dans les boucheries : la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre, relayée en une de tous les médias de la planète. Mais la nourriture n’est pas le seul bien de consommation concerné par les oukases du CIRC. En 2011, par exemple, ce fut au tour des émissions des téléphones portables d’être accusées de favoriser le cancer. Peu importe que le lien entre les émissions de nos smartphones et l’apparition du cancer n’ait pas été démontré, et que de nombreuses autorités scientifiques aient critiqué ces révélations ; la peur s’est répandue, et la croyance que les téléphones mobiles sont potentiellement dangereux est, désormais, durablement ancrée chez une partie des consommateurs.

Comment s’y retrouver ? En affirmant tout puis son contraire, le CIRC court le risque que plus aucune de ses études ni révélations ne soient prises au sérieux. A tout le moins, ce type d’organisation devrait être tenue de ne plus publier de résultats parcellaires, et de prouver ses dires par des faits. Car les conséquences de ces publications hasardeuses dépassent, hélas, la simple confusion qu’elles inoculent dans l’esprit des consommateurs. Au bout de la chaîne, ce sont parfois des secteurs économiques entiers, des industries et des entreprises qui paient au prix fort les conséquences de telles révélations. Sacrifier l’industrie du café ou celle de la viande sur l’autel du principe de précaution nécessite davantage que des communiqués de presse alarmistes. Et ce d’autant plus que le CIRC est financé par des fonds publics.

Le glyphosate, nouvelle pomme de discorde

La controverse à propos du glyphosate est révélatrice de cette légèreté. Le glyphosate est ce composé qui entre dans la préparation de nombreux pesticides, et à propos duquel le CIRC mène une véritable bataille d’opinion contre la plupart des autres organismes scientifiques. Rappel des faits : en 2015, l’agence lyonnaise classe le glyphosate dans la catégorie des produits « probablement cancérigènes ». Un séisme dans le monde du jardinage, qui effraie, à juste titre, de nombreux utilisateurs de pesticides. Le problème est qu’aucune autre instance ne partage la conclusion du CIRC, à commencer par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Pour l’agence européenne, au contraire, il est « improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l’homme ».

La querelle des scientifiques repose en partie sur l’accès à des études non publiées. Cependant, d’autres raisons moins avouables peuvent expliquer l’intransigeance des défenseurs de la position du CIRC, comme les liens de certains de ses membres avec des associations environnementales de longue date opposées au glyphosate, ou encore une différence d’approche scientifique. Si l’EFSA base son analyse sur le risque, le CIRC considère, pour sa part, le danger intrinsèque d’un produit. Mais si, comme il l’a annoncé, les viandes rouges et charcuteries sont cancérigènes, pourquoi alors ne pas prôner leur interdiction pure et simple, comme il le fait pour le glyphosate ?

Il n’est évidemment pas question de dire que toutes les publications du CIRC sont inutiles. L’agence de l’OMS peut compter sur les compétences de scientifiques renommés, et elle bénéficie de moyens conséquents, qui devraient lui permettre de remplir son rôle de conseil auprès de l’opinion publique et des autorités politiques. Mais sans doute le CIRC gagnerait-il à privilégier la science au coup médiatique, les faits à la rumeur.

 

Crédits photo : Jen/CC by 2.0

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