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Marianne dans la panade ? (partie 3) – Que dire du côté féminin de cette image ?

Un pays qui a donc choisi une femme pour définir les traits de sa république, est-il une nation qui laisse suffisamment de place à la femme dans sa société ? Lydia Vollman en 2006 écrit : « En France, le nom de « Marianne » évoque beaucoup d’émotions. Elle représente plus qu’un nom féminin…Quels que soient ces buts –politiques, idéologiques ou nationalistes –les différentes représentations de Marianne expriment toujours des notions changeantes de la France concernant son identité nationale et le statut des femmes… comment la France se définit à travers ces images féminines et les conséquences de ces représentations en ce qui concerne la notion de la féminité française »[i] ?

Petite parenthèse en plongeant dans l’actualité des trois derniers siècles, ou l’on ne peut s’empêcher de tomber sur le combat des femmes tentant de se hisser avec raison à la hauteur des hommes. Wikipédia donne comme définition du féminisme : « Si le terme « féminisme » ne prend son sens actuel qu’à la fin du XIXe siècle, les idées de libération de la femme prennent leurs racines dans le siècle des Lumières et se réclament de mouvements plus anciens…L’objectif principal de la « première vague du féminisme » est de réformer les institutions, de sorte que les hommes et les femmes deviennent égaux devant la loi : droit à l’éducation, droit au travail, droit à la maîtrise de leurs biens et droit de vote des femmes constituent les revendications principales de cette période ».

Plusieurs courants du féminisme prennent place selon les époques : libéral, socialiste, radical, pro-sexe. Signalons bien-sur, que très tôt des femmes comme Olympe de Gouges (la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en 1791) ou Théroigne de Méricourt -qui appela le peuple à prendre les armes- et qui le 26 janvier 1792, fit une entrée triomphale au Jacobins tout en affichant sa haine de la bourgeoisie souhaitant que la femme reste au foyer. Mais n’omettons pas de signaler tout de même, que cela lui a aussi valu de fortes inimitiés du côté de la révolution…

Ces femmes imposent avec force leurs points de vue ; tout comme Claire Lacombe, et Pauline Léon.

« Marianne » quant à elle va s’imposer en tant que figure républicaine pendant les siècles à venir. Et cette Marianne permettra-t-elle aux femmes du XIX et XX ème siècle de se sentir bien dans la France républicaine ? Pas évident ! Le combat égalitaire est long … : sinon pourquoi une figure telle Claire Démar (1799-1833) publiant : « Un appel d’une femme au peuple sur l’affranchissement de la femme » (ou elle réclame l’application à la femme de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) ferait-il scandale ? ; Pourquoi le Code civil de 1804 met-il l’accent sur les incapacités féminines ? ; Pourquoi faudra-t-il attendre 1851 pour qu’une femme reçoive la Légion d’Honneur des mains du futur empereur Napoléon III (la distinction existe déjà depuis plus de cinquante ans…) ; Pourquoi attendre 1900 pour que les femmes puissent devenir Avocat ? Pourquoi à travers notre symbole féminin, l’avortement est-il déclaré « Crime contre l’État »(1942) ? En précisant que les femmes y ayant recouru seront condamnées à la peine de mort… Ce sera du reste le cas pour Marie-Louise Giraud, guillotinée un an plus tard. Il faudra attendre  1975 pour que l’interruption volontaire de grossesse soit autorisée, grâce à Simone Veil.

Citons par ailleurs les progrès au fil du temps dans le pays de Marianne : octobre 1945 pour que les femmes puissent voter ; 1949 la publication du « Deuxième sexe » de Simone de Beauvoir ; 1965 avec une loi en France permettant à la femme de travailler sans demander l’accord à son mari ! 1970 les premières actions du M.L.F ; Puis, Valéry Giscard d’Estaing -Président de la République- nomme une femme Secrétaire d’Etat à la condition féminine : Françoise Giroud ; Nous sommes en 1974. Un an plus tard, la loi Veil autorisant l’avortement. 1980, une femme entre à l’Académie française, Marguerite Yourcenar ; Dix ans plus tard, une autre devient Premier ministre : Edith Cresson -elle ne restera que 10 mois à ce poste, et se fera remarquée par ses gaffes sur « l’homosexualité supposée des anglo-saxons ». Enfin, en 2000, Une loi est votée pour assurer la parité au sein des milieux politiques. Désormais, l’accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives devra concerner autant d’hommes que de femmes…Plus proche de nous, l’égalité femmes-hommes au quotidien dans les domaines concrets comme au travail, en famille, dans la vie citoyenne, avec l’adoption de la loi Vallaud-Belkacem en 2014.

Une Marianne peut en cacher une autre …

Avant de conclure, lisons ces derniers propos de l’historien émérite de la République, Maurice Agulhon : « une tête de femme à bonnet phrygien sur une pièce de monnaie ou un timbre c’est officiel, c’est l’Etat, tout le monde s’en sert, et l’on en vient à oublier que c’est la République dont on répand l’image. A l’extrême opposé, un buste de femme à bonnet phrygien sur la fontaine d’une place de village dans le Var, dans l’Hérault ou dans la Haute-Saône, résulte au contraire de l’initiative pédagogique d’une municipalité vigoureusement à gauche,… », et de préciser : « La grande originalité française, par rapport aux pays qui nous sont normalement les plus proches, …, c’est que l’acquis politique de la Révolution a été vigoureusement contesté pendant près d’un siècle, au cours de ces conflits bien connus qui forment la trame principale de notre histoire politique et morale. La République s’est finalement stabilisée autour de 1875-1880, mais en rencontrant l’hostilité farouche de presque la moitié des Français »[ii].

Enfin, pour apporter un point final à cet article, je dois absolument rappeler que Marianne représente des valeurs, louables, durables, qui cimentent l’attachement des citoyens à la République:

                           « Liberté, Egalité, Fraternité »   

 


[i] Lydia Vollmann , ibid, p.2

[ii] Maurice Agulhon, « Marianne, réflexions sur une histoire » Annales historiques de la Révolution Française. 1992, vol.289, p.316-317

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