Site icon La Revue Internationale

Elections législatives au Monténégro : Milo Djukanovic accusé d’irrégularités

10268800055_fe20543bf2_b.jpg10268800055_fe20543bf2_b.jpg

Avec 36 sièges gagnés sur les 81 que compte le Parlement monténégrin, le Democratic Party of Socialists (DPS) est arrivé en tête des élections législatives organisées le 16 octobre au Monténégro, à seulement cinq unités de la majorité absolue. Mais à la suite de nombreux incidents dénoncés après le suffrage, la coalition des principaux partis d’opposition a rejeté le résultat du vote, que l’agence Reuters décrit comme « marqué par les irrégularités ». « L’opposition a unanimement décidé de ne pas reconnaître le résultat de l’élection à cause d’une tentative de coup d’État et de la mauvaise utilisation des institutions nationales, ainsi que la création d’une atmosphère de peur, qui a directement influencé le résultat de l’élection », a ainsi déclaré Nebojsa Medojevic, leader du Democratic Forum.

L’opposant monténégrin fait référence à l’arrestation présumée de 20 citoyens serbes durant la nuit précédant l’élection, alors qu’ils essayaient de pénétrer au Monténégro. Présentés comme des terroristes, ils seraient suspectés d’avoir comploté des attaques contre des institutions et des officiels de l’État, d’après Reuters. De son côté, l’opposition croit plutôt à un coup monté par le gouvernement, favorable à l’adhésion à l’Otan et à l’Union européenne, pour intimider les électeurs quant à un éventuel rattachement à la Serbie et à la Russie.

De l’aveu des observateurs indépendants présents sur place, le suffrage s’est pourtant globalement bien déroulé, même si de nombreux incidents ont été reportés, y compris le jour-même de l’élection. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), rappelle en effet que « les médias ont manqué d’indépendance éditoriale dans une campagne marquée par les attaques personnelles ». Des cyber-attaques auraient en effet causé la fermeture de plusieurs sites de médias et de partis politiques le jour du suffrage. Les autorités auraient également suspendu les principaux services de messagerie instantanée pendant une grande partie de la journée, sous prétexte qu’un « marketing illégal » était en place.

Plaintes pour « violation de la liberté de choix du vote »

Au lendemain du vote, 114 plaintes pour « violation de la liberté de choix du vote » ont été déposées au bureau du procureur du Monténégro. Network for Affirmation of NGO Sector, un organisme anti-corruption, a ainsi entamé une procédure criminelle contre plusieurs personnes suspectées d’avoir acheté des cartes d’identités et d’avoir offert de l’argent ou d’autres bénéfices à des votants en échange de leur vote. Plusieurs autres organisations comme le Centre pour la surveillance et la recherche (CEMI) et le Centre pour la transition démocratique (CDT) ont également rapporté des irrégularités dans des dizaines de bureaux de vote, comme l’enregistrement de votants à l’extérieur des bureaux de vote par des activistes du parti majoritaire. Les « achats de vote » auraient été tels par endroits que le vote a même été suspendu dans un bureau de la ville de Niksic, comme le rapporte le CDT dans la presse.

Plusieurs autres accusations d’achats de vote sont remontées dans les médias locaux, comme sur la plateforme web Bosnjaci, qui a publié une liste de votants monténégrins de la diaspora affirmant avoir été appelés par le DPS et s’être fait payer les billets d’avion ainsi que 250 euros en échange de leur vote. Des faits démontrés par la publication d’une lettre reçue par un Monténégrin vivant au Luxembourg, ainsi que des vidéos mises en lignes par le Front Démocratique. Une liste d’étudiants monténégrins à qui le DPS aurait promis le transport ainsi que 30 euros pour aller voter a également été publiée sur le web, tandis que le parti d’opposition Democrats a déposé plainte contre le présumé affrètement par le DPS d’un ferry en provenance de Bari (Italie) avec à bord 200 Roms invités à voter pour le parti majoritaire.

Les fantômes de l’« affaire de la cassette »

Devant l’accumulation des accusations, les fantômes de l’ « affaire de la cassette » n’ont pas tardé à refaire surface au Monténégro. En 2013, un scandale politique avait secoué le pays après la révélation de promesses d’emplois et de prêts faites par des officiels du DPS lors de réunions du parti, dont les échanges ont fuité. « Les enregistrements audio ont démontré une manière de penser qui n’est pas concevable pour un pays s’efforçant de faire régner la loi », avait alors déclaré Pius Fischer, ambassadeur d’Allemagne à Podgorica.

Malgré les preuves matérielles et les regrets exprimés par l’Union européenne quant à l’absence de procès, l’affaire n’a donné lieu à aucune condamnation. Aujourdd’hui, l’Union européenne ne compte pas en rester là et selon une source à la Commission européenne, une enquête pourrait bien avoir lieu.

Au Monténégro, les accusations de corruption sont monnaie courante à l’égard du parti de Milo Djukanovic, lui-même directement mis en cause dans un trafic de cigarettes avec la mafia italienne, dans l’affaire des télécoms monténégrins et dans le versement d’une aide financière de 44 millions d’euros à la Première banque. Critiqué pour sa mainmise sur le pouvoir, le Premier ministre de 54 ans, dont 25 à la tête du pays, ne semble en tout cas pas prêt à céder sa place.

Quitter la version mobile