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La Chine, un partenaire commercial comme un autre pour Djibouti ?

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Si le pays est toujours gratifié d’une croissance confortable, notamment en comparaison de ses voisins, son président, Ismaïl Omar Guelleh, continue de jouer un trouble jeu avec ses partenaires internationaux. L’arrivée de la Chine sur la Corne de l’Afrique n’est à ce titre pas sans poser de questions.

 

« La Chine a le droit de défendre ses intérêts comme tout le monde », affirmait Ismaïl Omar Guelleh dans une interview accordée à l’agence Reuters en février dernier. Le président djiboutien oubliait peut-être que la Chine n’est justement pas un pays comme un autre, et qu’elle ne se bat pas « comme tout le monde » pour se faire une place sur la scène politique et économique mondiale. 

 

C’est particulièrement vrai en Afrique. Le géant asiatique y voit avant tout un réservoir de matières premières comme le charbon provenant d’Afrique du Sud ou les minerais du Gabon. Le continent constitue également un nouvel horizon commercial pour les entreprises chinoises et Pékin a offert plusieurs prêts à taux intéressants, annulé une partie de la dette des pays africains et investi dans de nombreux projets de développement.

Coopération stratégique sino-djiboutienne

Mais la République populaire de Chine (RPC) ne conditionne pas son aide ou ses investissements à des règles de transparence ou de bonne démocratie, et les pays africains en délicatesse avec la communauté internationale s’appuient sur la Chine pour mettre fin à leur isolement et même obtenir des armes. Pour ces Etats, Pékin est un partenaire commercial idéal car il n’impose pas de conditions politiques particulières, une attitude tolérante qui se marie bien avec celles des entreprises chinoises présentes sur le continent. 

 

En échange, la Chine voit dans l’Afrique un débouché pour son industrie manufacturière, mais ses entreprises cristallisent le mécontentement et sont régulièrement accusées de fraudes douanières et de livrer une concurrence déloyale à l’économie locale et informelle. De nombreux gouvernements africains restent cependant bienveillants face à ce phénomène et estiment que l’intrusion de la Chine est un moyen de dynamiser la concurrence en permettant de contourner les circuits commerciaux traditionnels.

 

Les déclarations du président djiboutien ont donc de quoi surprendre, surtout lorsqu’on connaît son objectif d’approfondir les relations de son pays avec la Chine au détriment des liens historiques que Djibouti a tissés avec ses partenaires occidentaux. Début 2016, la présidence du pays annonçait la signature de trois accords économiques et commerciaux majeurs avec la Chine. Au menu : la création d’une gigantesque zone franche à Djibouti, la délocalisation, dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique, de l’activité de redistribution du commerce mondial avec la Chine, ainsi que la mise sur pied d’une chambre de compensation au profit d’opérateurs économiques djiboutiens et le développement de la coopération stratégique entre la Chine et Djibouti.

Situation « abjecte »

Il se pourrait néanmoins que la mise en œuvre de ces initiatives ne profite pas à l’ensemble des Djiboutiens, comme cela a été le cas par le passé. Djibouti a attiré 91,2 millions de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) par an en moyenne sur les dix dernières années, et le pays affiche une santé économique à faire pâlir ses voisins de jalousie. Mais le taux de croissance annuel, qui s’établit en moyenne autour de 5 % ces dernières années, n’a pas permis de réduire l’extrême pauvreté, un fléau qui touche encore 42 % de la population locale.

 

C’est que les faibles taxes et le recours systématique à une main d’œuvre importée limitent les retombées des projets menés avec Pékin. Sans parler de la corruption. Avec le Swaziland, Djibouti est un des deux seuls pays africains ne figurant pas dans le classement sur l’indice de perception de la corruption établi par Transparency International en 2015. L’ONG n’a même pas réussi à se procurer des sources de données suffisantes.

 

Ismaïl Omar Guelleh dirige son pays d’une main de fer depuis 1990. En 2010 il a été réélu avec 86,6 % des voix, alors qu’il avait promis qu’il ne se représenterait pas. Bien que la situation dans laquelle se trouve la population djiboutienne soit « abjecte » selon l’ONU, le président sait attirer les investisseurs chinois et son pays accueillera même la première base militaire chinoise à l’étranger. Dix mille militaires chinois pourraient être déployés à Djibouti, contre 4 000 pour les Américains, qui ont été priés d’abandonner leur base secondaire d’Obock au profit des Chinois. Est-ce la bonne stratégie ? Elle l’est peut-être pour les élites économiques et politiques des deux pays. Mais pour les Djiboutiens ?

 
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