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KIPLING ce « petit d’homme » devenu Grand !

Mondialement connu et reconnu, le nom de Kipling est gravé dans la mémoire collective  grâce à ses histoires fantastiques à destination de la jeunesse. Un monde littéraire dominé par  Le livre de la jungle  en 1894 et le  Second livre de la jungle, l’an d’après, rédigés au cours de sa période dans le Vermont aux Etats-Unis. « Ces œuvres furent suivies des Histoires comme ça  pour les enfants  (1902) et de Puck, lutin de la colline  (1906), suivis du Retour de Puck  (1910), qui évoquent avec nostalgie les paradis enfantins…En marge de cette littérature jeune, il écrivit encore des romans et des récits comme Capitaines courageux  (1897), un récit maritime, et Kim  (1901), un magnifique conte picaresque sur la vie en Inde, considéré comme l’un de ses meilleurs romans ». 

Rudyard Kipling est né le 30 décembre 1865 à Bombay. Ce « petit d’homme » comme je l’ai nommé dans le titre va partir au cours de sa sixième année à la demande de son père pour l’Angleterre, afin d’y recevoir une éducation liée à sa culture d’origine. John Lockwood, le papa, est professeur à la Jejeebhoy School of Art and Industry de Bombay. Le fameux nouvelliste en devenir qu’est Kipling s’éloigne assez tôt des terres des Maharadjas : «…ses parents viennent à peine d’arriver en Inde, et se sont rencontrés en Angleterre, dans le Staffordshire près du lac Rudyard – dont ils donnèrent le nom à leur fils. D’après la biographe Bernice M. Murphy, [ les parents de Kipling se considéraient comme des « Anglo-indiens » et leur fils devait faire de même, bien qu’il ait passé la plus grande partie de sa vie hors d’Inde. Cela explique pourquoi des problèmes complexes d’identité et d’allégeance nationale marquent ses œuvres de fiction ».

Dès lors, « en 1871, conformément aux durs usages des anglais vivant en Inde, Rudyard et sa sœur sont renvoyés en Angleterre pour recevoir une éducation. Ils sont confiés à une Madame Holloway à Southsea. Leurs parents ne les voient qu’à l’occasion des vacances…Début 1878, Rudyard intègre la United Services College à Westward Ho !, dans le North Devon… C’est pour regonfler le moral de son fils que John Lockwood l’emmène avec lui à Paris, au printemps 1878, alors que s’ouvre l’Exposition universelle -il y est responsable d’une partie de la section indienne. Le père et le fils sont logés derrière le parc Monceau, dans « une pension pleine d’anglais ». Pendant que son père expose, Rudyard se promène dans les rues de la capitale…Son père trouve bon qu’il apprenne le français… et lui fait lire Jules Verne ».

Tout au long de ses études, Kipling ressent un poids moral plombant son quotidien, une sorte de mal-être pendant ses années anglaises ; l’adaptation est compliquée, il ne s’y plaît pas et rejoint sa terre natale à l’âge de 17 ans en 1882. Il démarre alors en publiant des récits et des nouvelles qui remportent rapidement un certain succès. « Jusqu’en 1889, il se consacra à l’écriture de nouvelles pour la Civil and Military Gazette de Lahore. Il publia ensuite Chants des divers services (1886), des poèmes satiriques sur la vie dans les baraquements civils et militaires de l’Inde coloniale, et Simples Contes des collines (1887) un recueil de ses nouvelles parues dans divers magazines. C’est par six autres récits, consacrés à la vie des Anglais en Inde et publiés entre 1888 et 1889, que Kipling se fit connaître : ces textes révélèrent sa profonde identification au peuple indien et l’admiration qu’il lui vouait ». François Rivière, essayiste et biographe, évoque dans Le mariage de Kipling (éditions Robert Laffont) : « Automne 1889. À 24 ans, Rudyard Kipling quitte ses Indes natales pour conquérir, à Londres, la planète des Lettres. Adoubés par Henry James, ses Simples contes de la colline font déjà grand bruit, suscitant autant de curiosité que de jalousie. Car dans le petit monde des lettres londoniennes, le jeune Anglo-indien détonne : sauvage, excentrique, lunatique, il a la brusquerie des grands timides et bien peu de goût pour les mondanités dont semblent se délecter ses pairs. De plus, il déteste cette ville, sa grisaille, sa froidure, qui lui rappellent de sombres souvenirs d’enfance – la chaleur, les couleurs de l’Inde, son ayah lui manquent terriblement…».

Rudyard Kipling passe souvent pour un  innovateur  de « l’Art de la nouvelle ». D’autres diront qu’il est un précurseur de la science-fiction –mais ou doit-on placer Jules Vernes alors ?- d’autres encore,  admettent qu’il est l’un des plus grands auteurs de la littérature de jeunesse. Quoiqu’il en soit, il est indéniable que son œuvre révèle un talent narratif qui emporte. De la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, Kipling est resté l’un des auteurs les plus populaires de la langue anglaise. Un autre maître de la nouvelle à l’écriture raffinée, et l’écrivain Henry James, a écrit à son sujet: « [il] me touche personnellement, comme l’homme de génie le plus complet que j’ai jamais connu ». Cependant, l’auteur d’If (un guide de vie pour beaucoup) et du Livre de la Jungle, a souvent été considéré « comme un « prophète de l’impérialisme britannique », selon l’expression de George Orwell. La controverse au sujet des préjugés et du militarisme qui seraient présents dans son œuvre a traversé tout le XXe siècle. Selon le critique littéraire Douglas Kerr : « Il reste un auteur qui inspire des réactions de rejet passionnées, et sa place dans l’histoire littéraire et culturelle est loin d’être solidement établie. Cependant, à l’heure où les empires européens sont en repli, il est reconnu comme un interprète incomparable, sinon controversé, de la manière dont l’empire était vécu. Cela, ajouté à son extraordinaire génie narratif, lui donne une force qu’on ne peut que reconnaître ».

Kipling auteur, observateur, voyageur, profite par la même occasion de faire de longues découvertes en Asie et aux États-Unis. Sur le continent américain, il ne va cesser de traverser les Etats, et rencontrer toutes sortes de personnes influentes ou non. Il croise même Mark Twain. Il retourne ensuite en Angleterre où il épousera Caroline Starr Balestier –dite Carrie- le 18 janvier 1892. La cérémonie a lieu dans l’église All Souls, à Langham Place, ou l’ami Henry James mènera la mariée jusqu’à l’autel. La famille de son épouse étant établie aux Etats-Unis, Kipling a décidé de s’y installer après un séjour au japon avec sa femme. Ils vont louer une petite maison dans le Vermont pour une somme de dix dollars par mois. Carrie est enceinte. Ils auront une fille, Joséphine. Puis, une deuxième, Elsie. Pendant plusieurs années, Kipling va modeler et façonner des mots et des mots, des œuvres et des œuvres. « Les mots, c’est évident, sont la plus puissante drogue utilisée par l’humanité » disait-il.

Ouvert sur d’autres styles littéraires, parmi ses recueils poétiques, il faut citer Chansons de la chambrée (1892), qui comporte des poèmes devenus populaires comme Mandalay, Cinq Nations (1903), mais surtout le fameux If, où il expose son éthique, faite de respect de soi et des autres, d’attachement à ses convictions et de tolérance, qui reste le plus frappant. Quelque chose de moi-même -récit inachevé de son enfance- fut publié de manière posthume en 1937 rappelle le site maisons-ecrivains.fr. Sans doute l’ouvrage le plus attachant ou il dépeint le tableau de sa vie, coloré de tragédies familiales comme la disparition de sa fille ainée, ou celle de son fils au cours du premier conflit mondial. Son fils John, décédé au cours de la bataille de Loos-en-Gohelle à l’âge de dix-huit ans.

Kipling, que Disney mettra à l’honneur en adaptant l’histoire de Mowgli, recevra le prix Nobel de littérature en 1907, ce qui en fait le premier lauréat anglophone.  Il refusera en revanche d’être anobli. C’est à soixante-dix ans qu’il décèdera suite à une hémorragie causée par un ulcère, le 18 janvier 1936 à Londres. 

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