Site icon La Revue Internationale

Porno sur Internet : quand les enfants naviguent en eaux troubles

clavier-enfant-homme-full-8146382.jpgclavier-enfant-homme-full-8146382.jpg

Du sexe partout, tout le temps

Une étude menée en septembre par l’éditeur américain de logiciels antivirus Bitdefender et réalisée sur un échantillon de ses utilisateurs à travers le monde révèle que 10 % de l’audience globale des sites pornographiques serait constituée d’enfants de moins de dix ans. Le constat a de quoi surprendre à première vue mais trouve un écho similaire avec celui dressé en France par l’association Ennocence dans son rapport «Réseaux sociaux, streaming, live streaming et téléchargement illégal: nouvelles portes d’entrée des enfants vers le monde de la pornographie». Selon cette organisation, un enfant aurait en moyenne 11 ans au moment de sa première confrontation à des images pornographiques sur Internet.

D’une précocité préoccupante, cette introduction de la jeunesse à la sexualité parfois extrême retrouvée sur la toile soulève tout un tas de questions, qu’il s’agisse de connaître l’origine de cette exposition, les conséquences de celle-ci sur l’équilibre de l’enfant ou encore l’existence de solutions pour supprimer ces images de la navigation des plus jeunes.

Internet est aujourd’hui un formidable terrain de jeu, d’échanges et d’apprentissage pour ses 3 milliards d’utilisateurs recensés dans le monde. C’est une fenêtre grande ouverte sur le monde qui donne majoritairement vue sur des images et de la vidéo. Les plateformes de partage de vidéos en ligne ou encore les services de diffusion vidéo en flux (streaming) sont aujourd’hui très populaires auprès des internautes, un plébiscite qui devrait permettre à la vidéo d’occuper 80 % du trafic internet mondial en 2019.

Or, quand le web mondial gagne en intérêt en proposant une avalanche de contenus aux internautes, il offre au passage une vitrine exceptionnelle à l’industrie pornographique qui profite d’une régulation et d’un encadrement difficiles à mettre en place pour s’immiscer partout et faire apparaître pléthores d’images X renvoyant vers des sites normalement réservés aux adultes. Une exposition qui reste la plupart du temps non voulue par l’utilisateur.

Renforcer le contrôle parental

Selon Ennocence, 14 % des enfants âgés de 9 à 16 ans auraient déjà visité un site porno sans le vouloir, ce taux passe à 36 % chez les 15-16 ans. Les moyens employés pour dévier la navigation vers du contenu hard sont multiples mais prennent la plupart du temps la forme de publicités intempestives apparues au hasard d’un clic, ces fameuses fenêtres pop-up qui ponctuent régulièrement nos consultations numériques. « Ces publicités aguicheuses voire franchement explicites renvoient la plupart du temps à des sites qui ne respectent pas la loi française sur la protection des mineurs » explique Thomas Rohmer, membre de l’association La voix de l’enfant.

En France, selon l’article 227-24 du code pénal, « le fait de fabriquer, transporter et diffuser un message à caractère pornographique est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ». Si cette mesure a le mérite d’exister, elle ne fait cependant pas le poids face à un système contrôlé par des entreprises étrangères qui travaillent souvent en sous-marin pour inonder le web de sites X et gagner des millions. Un marché très lucratif puisqu’on estime que l’exposition involontaire des enfants à des images à caractère pornographique sur Internet rapporterait tous les ans 147 millions d’euros à l’industrie.

Le secteur du porno est parvenu à transformer le spam en véritable cash machine, quitte à parfois affecter l’innocence des plus jeunes. Chez l’enfant, cette rencontre avec la sexualité peut causer des troubles importants sur son développement. Pour le psychanalyste Gérard Bonnet, la pornographie « vient fracasser la propre évolution personnelle du jeune et peut handicaper sa sexualité ultérieure. » Une idée partagée également par la philosophe Thérèse Hargot-Jacob qui estime que « sur un esprit immature, avant l’âge de 16 ans, ces images agissent comme un viol de l’imaginaire. »
Pour prévenir ces dérives et leurs conséquences, les associations encouragent à davantage de contrôle de la part des parents. Un sondage Opinion Way publié en décembre 2015 indique que 52 % des parents ne surveillent pas leurs enfants lorsqu’ils sont sur Internet.

Des logiciels de contrôle parental existent mais « le taux d’équipement n’a jamais dépassé les 30 %. Et passé un certain âge, les jeunes internautes savent contourner les barrières. » explique Thomas Rohmer. Augmenter la surveillance, qu’elle soit parentale ou technologique semble faire déjà figure de début de réponse au problème.