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Tchad : Idriss Déby Itno exporte sa politique intérieure

Figure centrale de la lutte contre Boko Haram au Sahel, Idriss Déby Itno est parvenu à stopper la montée du terrorisme en renforçant la coopération avec les pays voisins. Aujourd’hui, son expérience en matière de sécurité en fait un conseiller précieux pour une Europe dépourvue face à la crise des migrants.

Invité pour la première visite officielle d’un chef d’État tchadien en Allemagne depuis l’indépendance du pays en 1960, Idriss Déby Itno a renversé plus d’une idée reçue lors de son entrevue avec Angela Merkel, le 12 septembre dernier à Berlin. Si la venue du président du Tchad dans la patrie de Goethe est historique, elle bat surtout en brèche la prétendue relation de dominant-dominé entre l’Europe et l’Afrique, qui met systématiquement le berceau de l’Humanité en situation de nécessité par rapport au Vieux continent.

Dans la capitale allemande, c’est bien la chancelière qui avait besoin des conseils de son homologue tchadien. Nommé à la tête de l’Union africaine en janvier et réélu à la présidence du Tchad en avril, Idriss Déby Itno fait figure de référence internationale en matière de sécurité grâce, notamment, aux résultats obtenus ces dernières années dans la lutte contre Boko Haram.

À l’origine de la création d’une coalition régionale armée de 9 000 hommes pour combattre les djihadistes dans le Sahel, le président tchadien a considérablement réduit la menace terroriste dans la région en étendant les mesures sécuritaires à l’extérieur de ses frontières. Bordé par la Libye, le Soudan, la Centrafrique, le Cameroun, le Nigéria et le Niger, le Tchad est en effet au cœur d’une zone de multiples conflits, qui a vu défiler plus de 6 millions de déplacés depuis la montée en puissance de Boko Haram. Sa profonde tradition d’accueil, avec la présence de 700 000 réfugiés principalement soudanais et centrafricains, n’a pas échappé à Angela Merkel, à l’origine de la visite d’Idriss Déby Itno à Berlin.

L’appel d’Idriss Déby en faveur d’un pacte mondial de responsabilité pour les réfugiés

Selon Mamadou Dian Baldé, représentant adjoint du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’hospitalité tchadienne en fait le deuxième pays d’accueil de réfugiés sur le continent africain, où chaque minute huit personnes abandonnent leur région pour fuir la guerre, la persécution ou la terreur. 86 % de ces réfugiés sont recueillis dans des pays en développement, alors que les six pays les plus riches au monde n’ouvrent leurs portes qu’à 7 % de leur total, d’après l’Oxfam. Mais contrairement à l’Europe, qui peine à absorber les flux migratoires essentiellement en provenance de Syrie, le Tchad n’applique pas de politique de repli sur soi malgré l’effondrement en 2014 des cours pétroliers, dont dépend encore fortement son économie.

À Berlin, la chancelière allemande a donc fait venir le président tchadien pour lui demander conseil sur la question des migrants ainsi que sur la menace terroriste, deux problématiques majeures outre-Rhin. Pour inspirer des solutions à Angela Merkel, Idriss Déby Itno ne manquait pas d’arguments au regard des multiples actions de coopération menées ces dernières années avec les pays voisins du Tchad.

Le gouvernement tchadien s’est ainsi rapproché du Cameroun, du Mali, du Niger et du Nigéria pour renforcer la sécurité aux frontières ; depuis le mois de juillet, plus de 500 redditions ont été enregistrées au sein de Boko Haram, rapporte RFI. Et, suite au retrait de l’opération française Sangaris en Centrafrique, le président tchadien entend maintenant aider Faustin Archange Touadera, son homologue centrafricain, à sortir de la crise. Pour ce faire, il a mis sur pied un sommet des chefs d’État d’Afrique Centrale, qui se tiendra le 30 novembre prochain. Une manière d’illustrer une nouvelle fois le pacte mondial de responsabilité pour les réfugiés, qu’il a défendu fin septembre à New York lors de l’Assemblée générale des Nations unies. L’appel du président tchadien, repris par le président américain Barack Obama, trouvera-t-il écho aux oreilles de l’Europe ?

 

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