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Airbnb : la ville de Paris bientôt obligée de réagir ?

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Sous le feu de plus en plus nourri des critiques, AirBnb réagit. Le nouveau directeur général de la plateforme de locations en ligne en France, Emmanuel Marill, vient en effet d’annoncer l’installation prochaine, sur le site français – qui compte 8 millions d’utilisateurs –, d’un système limitant automatiquement les nuitées à 120 jours par an. Une mesure qui ne concernera que les 50 000 offres parisiennes que le patron d’AirBnb reconnaît proposer à la location ; une limite automatique, surtout, que « l’hôte » pourra « décocher » en assurant « sur l’honneur » qu’il exerce une activité professionnelle ou, par exemple, qu’il est « muté pendant six mois »…

Malgré les failles évidentes d’un tel dispositif, la plateforme californienne semble commencer à prendre la mesure des dérives causées par ces locations « sauvages » : les hôteliers, les syndics de copropriété et le fisc français reprochent en effet à AirBnb de fausser la concurrence avec les professionnels de l’hôtellerie ou encore d’encourager la fraude. Encore ne sont-ce là que quelques unes des conséquences négatives de la prolifération des offres de location en ligne.

AirBnb, une menace pour l’art de vivre à la française

Les abus sont très nombreux sur les plateformes numériques. Des multi-propriétaires n’hésitent pas, par exemple, à proposer plusieurs logements à la location, dévoyant l’esprit « communautaire » qui prévalait à la naissance d’AirBnb pour développer un véritable business. De nombreux locataires, quant à eux, outrepassent leurs obligations légales envers leurs propriétaires et louent leur logement sans leur demander l’autorisation – parfois même au sein de HLM. Enfin, les durées de location excèdent souvent la durée légale, fixée désormais par la loi à 120 jours par an.

Les locations proposées par ces plateformes engendrent surtout une concurrence déloyale avec l’offre traditionnelle proposée par les hôteliers et professionnels du tourisme. Alors que les premières ne sont taxées qu’à partir de 23 000 euros de revenus annuels – et que seuls 15% des utilisateurs pensaient déclarer leurs revenus en 2016 –, le revenu d’une chambre d’hôtel est, quant à lui, taxé dès le premier euro. Les hôteliers sont également soumis à des obligations réglementaires en matière fiscale, sociale, de sécurité, d’hygiène ou d’accessibilité que ne sont pas tenus de respecter les loueurs non professionnels.

Mais ce n’est pas tout. Non seulement les habitants historiques des immeubles dans lesquels sont loués des logements doivent supporter les désagréments causés par leurs nouveaux « voisins » – entrée à toute heure, bruit, non respect des règles de copropriété, etc. -, mais encore ces locations vident-elles des quartiers entiers de leurs habitants. Certains quartiers de Paris sont ainsi devenus des ghettos à touristes, comme le Marais ou l’Île-Saint-Louis, contribuant à l’enchérissement global des loyers et à la « fuite » de leurs habitants vers d’autres zones ou villes de banlieues.

Le développement anarchique des offres de location en ligne menace aussi directement le secteur du tourisme. Alors que celui-ci représente plus de 7% du PIB français et plus de 2 millions d’emplois, la profession toute entière souffre. Les attentats dont a été victime notre pays ont certes joué dans la désaffection des touristes pour Paris et la Côte d’Azur. Mais si la fréquentation touristique des hôtels franciliens a baissé de près de 20% en août 2016 par rapport à l’année précédente, cela s’explique aussi par la concurrence des quelques 75 000 logements que compte la plateforme AirBnb pour la seule ville de Paris. Des logements qui représentent entre 5% et 10% du parc locatif de la capitale, et qui transforment en profondeur la physionomie de ses quartiers.

Contrairement aux clients des hôtels, les locataires d’AirBnb ne fréquentent pas les petits commerces. En monopolisant certains appartements, ils nuisent à la mixité sociale, à la vie de quartier et à un certain art de vivre à la française. Autour des hôtels, c’est tout un écosystème qui pâtit de ces changements d’habitudes. Autant d’arguments qui ont convaincu de nombreuses métropoles de par le monde de réagir.

Paris à la traine sur les autres grandes villes

San Francisco, ville de naissance d’AirBnb, est ainsi partie en guerre contre l’entreprise. Pour limiter la hausse spectaculaire de l’immobilier, la municipalité a limité les locations à 90 jours pour les logements entiers et obligé les propriétaires loueurs à se déclarer auprès d’elle, à collecter une taxe de séjour et à s’assurer. A New York, les propriétaires qui publient une annonce proposant leur appartement pour moins de 30 jours s’exposent désormais à une amende de 7 500 dollars. A Londres, la limite a été fixée à 90 jours par an et, à Amsterdam, à 60.

Paris, la ville Lumière, première au monde en termes de logements proposés en location sur AirBnb, doit rapidement prendre des mesures équivalentes si elle entend conserver son rang de première destination touristique mondiale – et sa place dans le cœur des touristes.

 

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